Au lieu d'une enquête publique indépendante, le gouvernement péquiste a décidé de mettre en place une «commission spéciale d'examen», à huis clos et sans pouvoir de contrainte, pour faire la lumière sur les «événements du printemps érable».

Des audiences publiques auraient «nuit à la preuve» utilisée dans des procédures disciplinaires, déontologiques et criminelles contre les policiers, a justifié le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron.

«C'est le même argument qu'utilisaient les libéraux pour refuser de déclencher une commission d'enquête», a dénoncé le caquiste Jacques Duchesneau. Amir Khadir de Québec solidaire a rappelé que M. Bergeron avait qualifié à l'époque la première mouture de la commission Charbonneau, qui ne détenait pas de pouvoir de contrainte, de «patente à gosse». «Si Stéphane était encore dans l'opposition, il répéterait la même chose aujourd'hui», a-t-il lancé. Le libéral Robert Poeti croit qu'il aurait été préférable de s'en remettre seulement aux comités de discipline ou de déontologie.

La commission sera pilotée par l'ex-ministre péquiste et bâtonnier du Québec Serge Ménard, l'ex-dirigeante de la CSN Claudette Carbonneau et Bernard Grenier, ex-juge de la Cour du Québec et ex-président de la Société de criminologie. Elle devra remettre son rapport avant le 21 décembre 2013. Le processus coûtera environ 400 000 $.

La commission n'enquêtera pas sur des actions particulières des policiers ou des manifestants. Cela relève du comité de déontologie policière, a expliqué le ministre. Il rappelle que quelque 200 plaintes ont déjà été portées. «Je demeure persuadé que la majorité des policiers et policières ont bien agi», a-t-il tenu à dire.

Le mandat de la commission comporte quatre volets: «Analyser les circonstances des manifestations et des actions de perturbation». «Déterminer les facteurs qui ont contribué à la détérioration du climat social et évaluer les impacts». «Dégager des constats». Et ensuite formuler des recommandations.

Un site internet sera créé, et les gens qui désirent témoigner seront invités à le faire par écrit. Ils pourront transmettre desdocuments audio ou vidéo. La commission pourra aussi prendre l'initiative de rencontrer des gens,  mais elle n'aura pas de pouvoir de contrainte.

La commission s'intéressera par exemple aux «impacts économiques» des manifestations et à l'utilisation des médias sociaux dans l'organisation des manifestations. «On n'a pas besoin d'une thèse de doctorat sur la sociologie du printemps érable», ironise Françoise David.  Québec solidaire craint qu'aucun policier ne vienne témoigner. «On a utilisé massivement des balles de plastique et des gaz irritants, il y a eu des yeux crevés et une mâchoire fracassée», lance M. Khadir. La Coalition avenir Québec craint le contraire.  «Pensez-vous que les gens du Black Bloc vont accepter de venir parler? Et les gens qui ont infiltré le mouvement étudiant?», a lancé Jacques Duchesneau.

Dans son allocution, M. Bergeron a dénoncé le «dialogue de sourds» qu'a provoqué le gouvernement Charest, qui «n'a fait qu'accroître la tension». Mais il assure qu'il ne veut pas orienter les conclusions de la commission.

Le ministre a défendu le choix des trois commissaires. Mme Carbonneau a dirigé une centrale syndicale qui a appuyé la grève étudiante et sera donc «sensible au point de vue des militants et militantes», a-t-il soutenu. MM. Poeti et Duchesneau rappellent quant à eux que la CSN a soutenu les associations étudiantes. La CAQ félicite toutefois M. Bergeron pour les nominations «inattaquables»  de MM. Ménard et Grenier.