Le consensus tant espéré par le gouvernement Marois apparaît de plus en plus illusoire. Le Sommet sur l'enseignement supérieur des 25 et 26 février semble plutôt se diriger dans un cul-de-sac tant les positions sont inconciliables. Les alliés d'hier du PQ, soit les associations étudiantes et les syndicats, haussent le ton. Et les recteurs s'inquiètent de la tournure des événements.

Il n'y aura pas de consensus sur les droits de scolarité si le gouvernement Marois persiste à préconiser l'indexation, prévient la CSN à la veille du Sommet sur l'enseignement supérieur. Cet allié traditionnel du Parti québécois se range aux côtés des associations étudiantes pour exiger «le gel dans une perspective de gratuité scolaire».

En entrevue à La Presse, hier, le président de la centrale syndicale, Jacques Létourneau, a clairement fait savoir qu'il n'appuiera pas le gouvernement Marois s'il cherche à mettre de l'avant une hausse des droits de scolarité au cours du sommet des 25 et 26 février. «On n'a pas l'intention de larguer les associations étudiantes, vous pouvez en être certain», a-t-il soutenu. «Les étudiants ne sont pas du tout isolés.»

La CSN et d'autres syndicats avaient déjà rendu publique leur «position de principe» en faveur de la gratuité scolaire. À court terme, ils plaident pour un gel des droits au niveau actuel - 2168$ par année pour un étudiant à temps complet.

Mais la CSN constate que le gouvernement Marois préconise toujours l'indexation. Et son message est clair: «On n'acceptera pas l'indexation, a dit M. Létourneau. On n'est pas dans ce paramètre de faire des consensus sur la question des droits de scolarité dans une perspective d'indexation.» Il se dit prêt à «débattre» de l'indexation. Mais il insiste sur le fait que cette mesure aurait «un impact négatif sur l'accessibilité» aux études supérieures.

Jacques Létourneau trouve «décevant» que le ministre Pierre Duchesne rejette la gratuité scolaire «du revers de la main avant même que le Sommet commence». Selon lui, cette option doit être à l'ordre du jour.

Il participera toutefois au Sommet, un exercice qu'il juge «plus pertinent que jamais». Les compressions de 124 millions de dollars dans les universités pour cette année ne créent toutefois pas «des conditions favorables» à la tenue de l'événement, a-t-il précisé.

La Fédération nationale des enseignants (FNEEQ-CSN), qui représente les professeurs de cégep, menace toujours de boycotter le sommet. Elle accuse le gouvernement de ne pas respecter une entente conclue en août dernier pour assurer la reprise des cours perturbés par la grève étudiante. Pierre Duchesne n'entend verser que la moitié des 31 millions promis pour embaucher 180 professeurs. La FNEEQ-CSN dénonce les contradictions du gouvernement: le Conseil du Trésor affirme avoir donné les 31 millions au ministère de M. Duchesne, mais ce dernier le nie.

Hier, la rectrice de l'Université McGill, Heather Munroe-Blum, a lancé un pavé dans la mare en disant au Devoir que le Sommet est «une farce». «En tout cas, j'espère que la blague est drôle», a répondu Pierre Duchesne. Il n'a pas voulu commenter davantage ces déclarations; il veut éviter «l'affrontement et la confrontation» qui ont mené à la crise de l'année dernière. «Il faudrait demander à tous ceux qui ont participé à l'exercice depuis le début ce qu'ils en pensent. Tous les partenaires étaient là et ils ont participé activement. Le dialogue est installé, et il avance», a-t-il plaidé. 

Sans employer les termes crus de leur collègue de McGill, d'autres recteurs se disent «inquiets». «On avait de grandes attentes par rapport à ce sommet, et en plein milieu des rencontres, on se fait imposer des compressions», a déploré Luce Samoisette, rectrice de l'Université de Sherbrooke. La présidente de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec craint également que le gouvernement ne reconnaisse pas le sous-financement des universités. 

Le recteur de l'Université de Montréal, Guy Breton, est «agacé» que le débat entourant le Sommet ne porte que sur les droits de scolarité. «On n'a pas besoin d'un sommet pour ça, c'est une décision politique. Le gouvernement a été élu, qu'il mette ses culottes, qu'il prenne la décision», a affirmé ce partisan d'une modulation des droits selon le domaine d'étude. On passe à côté des débats essentiels, selon lui. «On ne discute pas de ce qu'on veut comme système d'enseignement supérieur et de recherche, de ce que la société québécoise doit avoir pour être dans les meilleures sociétés au monde», indique-t-il.