Le déclenchement de bombes fumigènes dans le métro de Montréal en mai dernier, en pleine grève étudiante, a entraîné des pertes économiques d'une dizaine de millions de dollars, ont évalué les services secrets canadiens dans un mémo obtenu par La Presse.

Le retard extrêmement important et le trafic automobile infernal qu'avait engendré l'événement auraient nui de façon réelle à l'économie montréalaise.

«Les attentats à la bombe fumigène coordonnés et l'enquête qui a suivi ont paralysé le système de transport en commun pendant trois heures», explique la note produite par le Centre intégré d'évaluation du terrorisme du SCRS, l'agence d'espionnage du Canada. «Les économistes évaluent les coûts associés à l'arrêt du métro entre 9 et 11 millions de dollars en raison de la perte de productivité et de vente.»

La note est intitulée Répercussions économiques des activités extrémistes perturbatrices.

«Série d'attaques»

Le 10 mai dernier, trois bombes fumigènes ont été lancées dans autant de stations de métro, entraînant l'évacuation complète du réseau.

Quatre étudiants ont été accusés en vertu de la section antiterroriste du Code criminel canadien pour leur présumée implication dans ces événements.

«Ces attentats sont les derniers d'une série d'attaques contre le métro de Montréal depuis la mi-avril 2012», écrit le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dans le document daté de juin dernier. Auparavant, un sac de brique avait été placé sur les rails.

Trop timide

Selon Michel Juneau-Katsuya, l'évaluation financière du SCRS, son ancien employeur, est nettement trop conservatrice. Il est maintenant expert indépendant en sécurité.

«Cette journée-là, il y a énormément de gens qui n'ont pu aller travailler. De 9 à 11 millions, il faudrait vérifier exactement les éléments [qu'ils prennent en compte], a-t-il affirmé. Je pense que c'est une évaluation très, très, très conservatrice.»

Dans sa note, le SCRS souligne aussi l'impact de l'avertissement de sécurité émis par l'ambassade des États-Unis à Ottawa quant à la situation dans les rues de Montréal. Sans chiffrer les coûts, les analystes assurent que de tels avertissements ont un effet certain sur le tourisme.

Longue enquête

Pour l'avocate de l'une des quatre personnes accusées en lien avec le «coup du métro», les conséquences économiques importantes de l'événement sont imputables à la décision d'avoir interrompu le fonctionnement du métro plutôt qu'au geste dont on accuse sa cliente, Vanessa L'Écuyer.

«Il y a de la fumée pendant à peu près 50 secondes [selon la bande de vidéosurveillance du métro]», plaide l'avocate Véronique Robert.

«Ce qui a causé ce coût exorbitant, c'est la décision d'arrêter les métros pendant des heures. Ce n'est certainement pas l'engin fumigène qui a duré 50 secondes.» Selon elle, on voit bien sur les bandes vidéos qu'aucun utilisateur ne semble s'affoler ou être incommodé par la fumée.

Mme Robert a aussi critiqué que le fait que les services secrets canadiens s'impliquaient dans un tel dossier. Les accusations graves et issues de la section antiterroriste du Code criminel qui pèsent contre sa cliente ont des impacts majeurs sur sa vie, a-t-elle expliqué en entrevue.

Mais pour Michel Juneau-Katsuya, il est normal que le renseignement mette son nez dans ce genre d'événements.

«Le grand spécialiste du terrorisme au Canada, c'est le SCRS», a-t-il affirmé.

-Avec William Leclerc