La rentrée scolaire a donné lieu ce lundi à des scènes rares et désolantes : des policiers forcés d'investir les couloirs d'université. C'est ce qui s'est produit à l'Université de Montréal où le SPVM est intervenu, en vertu de la loi 12, à la demande de la direction, pour arrêter 18 personnes.

La rentrée a aussi été perturbée à l'UQAM, où la direction n'a toutefois pas réclamé d'aide policière.

À l'Université de Montréal, quelques dizaines d'agents casqués ont joué, toute la journée, au chat et à la souris avec des manifestants, dans le pavillon Jean-Brillant.

Dans cette institution, huit écoles regroupant un peu moins de 2000 élèves, dont cinéma, anthropologie, histoire de l'art et études est-asiatiques, notamment, ont voté pour la poursuite de la grève. Mais les cours reprenaient tout de même pour ces étudiants. En matinée un cours devant normalement rassembler 100 élèves en comptait deux.

Les étudiants en faveur de la grève sont fermement déterminés à faire respecter les décisions de leurs assemblées générales malgré la loi 12.

La reprise forcée des cours s'annonçait mouvementée, et la direction de l'Université avait d'ailleurs embauché plus de gardiens de sécurité qu'à l'accoutumée.

Ceux-ci auraient retenu en avant-midi sept manifestants dans une classe où ils étaient entrés pour perturber un cours, au quatrième étage du pavillon Jean-Brillant. La direction rétorque que ce sont plutôt les étudiants qui se sont barricadés dans la salle.

Vers 10h30, une trentaine de policiers casqués sont entrés dans l'école, sous une pluie d'injures de manifestants, pour les arrêter.

«Des policiers, dans une université, c'est du jamais vu», déplorait un étudiant.

Le commandant Ian Lafrenière, du SPVM, a précisé que la police était intervenue à la demande du rectorat de l'université, et vertu de la fameuse loi 12. Après trois heures de détention, les sept manifestants sont montés dans un autobus de la STM pour être relâchés, plus loin, sans accusation.

«Ils ont été informés qu'ils seront l'objet d'une enquête en vertu de la loi 12», a précisé le commandant.



Plus tard dans la journée, 10 autres étudiants ont été arrêtés puis relâchés de la même façon. Un autre sera accusé criminellement de voies de fait sur un policier.



Toute la journée, des manifestants ont tenté de perturber des cours dans le pavillon, ou se sont massés dehors où ont parfois eu lieu des face à face tendus entre jeunes et policiers du groupe d'intervention. Ce qui a parfois donné lieu à des scènes étranges, puisqu'à quelques mètres de là se tenaient les festivités d'initiation des nouveaux étudiants en Droit.Souriants, festifs, ils y allaient de chansons à boire qui contrastaient drastiquement avec les slogans de manifestation.

Plus tard dans la journée, deux étudiants ont été arrêtés alors qu'ils tentaient de perturber un cours. Selon Ian Lafrenière, ils pourraient être accusés de voies de fait contre des policiers.

Plusieurs professeurs déploraient la situation.

«Nos étudiants ne sont pas en grève, mais nos cours ont été perturbés par l'action des agents de sécurité et de la police. L'Universitédevrait lever les cours. C'est de la provocation de la part de la direction», opinait-elle.

D'autres disaient être dans une situation déchirante, étant obligés de donner des cours même à deux ou trois étudiants, sous peine d'être condamnés à une amende en vertu de la loi 12.

Au final, trois cours auront été levés.

«Les cours avaient débuté et ont dû être interrompus », indique le porte-parole de l'Université de Montréal, Mathieu Filion.

D'autres cours se sont donnés alors que des policiers et agents de sécurité montaient la garde devant la porte.

Rentrée animée à l'UQAM

Le retour en classe a aussi été perturbé à l'UQAM. Quelques centaines d'étudiants déterminés à empêcher la reprise des cours ont bruyamment perturbé la rentrée.

L'Association facultaire étudiante de sciences humaines (AFESH) de l'UQAM a reconduit la grève lors d'un vote dans une assemblée qui s'est tenue le 23 août, où 703 des 4600 membres de l'association se sont présentés. Et les militants les plus déterminés à livrer bataille jusqu'au bout, quitte à perdre une session, ont tenté d'empêcher leurs confrères désireux de reprendre les cours de le faire.

Peu avant le début des classes, quelques centaines de manifestants, dont plusieurs masqués, équipés de trompettes, tambours et casseroles, se sont présentés dans les salles de classe où se donnaient des cours de l'AFESH.

Ils ont réussi à en perturber un certain nombre et à carrément empêcher la tenue de certains cours.

Cela a donné lieu à des discussions animées, pour ne pas dire agressives dans certains cas, entre ceux qui souhaitent le retour en classe, et ceux qui veulent l'empêcher.

«C'est un grand manque de respect de leur part», a déploré une des étudiantes en sexologie qui a dû quitter son cours.

«S'ils avaient gagné en assemblée et obtenu la fin de la grève, on respecterait le retour en classe», a rétorqué une des protestataires.

«L'association tient ses votes le jour, la semaine. Etjustement, à cause de la grève, la plupart d'entre nous travaillent, le jour, la semaine», a critiqué une étudiante qui aurait aimé reprendre les cours.

«On est contre la hausse des frais de scolarité. On était pour la grève au début, mais plus maintenant. Elle met notre avenir en péril. On va laisser le Québec voter le 4 septembre et on en rediscutera après», lance Mélissa, elle aussi étudiante en sexologie.

«Si on perd la session, on risque de perdre nos stages. Je suis en troisième année en sexo. Si je ne fais pas mes stages, ça va aller à l'an prochain, et je devrai payer une année de frais de plus, ça ne nous avance pas», rageait quant à elle Marie-Pierre Guertin.

Contrairement à l'Université de Montréal, l'UQAM n'a pas requis la police pour intervenir à l'intérieur de l'UQAM, et ce même si les manifestants y étaient bien plus tapageurs et parfois même agressifs. La sécurité de l'établissement surveille et invite les étudiants aux cours perturbés à ne pas entrer en conflit verbal avec les manifestants.

Marois réagit et invite à voter

Pauline Marois a réagi à la perturbation de la rentrée lors d'un passage à Sorel-Tracy. «Je ne peux, comme citoyenne et comme élue, que de demander aux gens de respecter la loi 12 (projet de loi 78) si ignoble soit-elle. Dès que nous serons élus, elle sera abrogée, elle sera annulée», a affirmé la chef péquiste.

Elle a fait valoir que «la seule façon de solutionner la hausse démesurée des droits de scolarité et d'abolir la 12 (projet de loi 78), c'est d'aller voter le 4 septembre».

Juste avant d'être questionnée par les journalistes sur les perturbations, Mme Marois a affirmé que les étudiants ont témoigné «de beaucoup d'intelligence» en retournant en classe paisiblement au lieu de poursuivre la grève. «J'y vois la reconnaissance de leur part que le vote du 4 septembre peut permettre l'élection d'un gouvernement qui va régler la crise», a-t-elle dit.

Ce printemps, «on a assisté au réveil d'une génération» selon elle. «Sauf quelques exceptions malheureuses, on a pu voir à l'oeuvre une jeunesse éloquente, créative, organisée», a-t-elle ajouté.

Avec Pascale Breton