Après plus de six mois, la grève est terminée dans les cégeps. Les derniers bastions de la résistance ont voté hier pour le retour en classe, au grand soulagement des directions d'école. Malgré les craintes, il y aura donc une rentrée dans les 14 collèges touchés par le conflit. Mais les contrecoups se feront sentir encore longtemps dans le réseau scolaire, où des milliers d'élèves découragés ont abandonné les cours.

Plus de 3400 cégépiens ont abandonné leur trimestre à cause de la grève étudiante, révèle une compilation de La Presse. Ce nombre record ne tient compte ni de ceux qui n'ont donné aucun signe de vie à leur collège, ni de ceux qui ont laissé tomber une partie de leurs cours de peur d'être surchargés. Les directions des cégeps sont formelles: si beaucoup de ces élèves reprendront les classes au prochain trimestre, d'autres ne remettront jamais les pieds au cégep.

Comme des milliers de collégiens, Antoine Després n'est pas retourné à l'école cette semaine. Pas parce que son cégep est en grève - il ne l'est plus depuis mardi -, mais parce qu'il a décidé d'abandonner le trimestre en cours. Il n'était pourtant qu'à quelques mois d'obtenir son diplôme en langues au collège Édouard-Montpetit de Longueuil lorsque les moyens de pression ont été déclenchés. Mais il a eu peur que ses notes souffrent du conflit. «Je veux de très bons résultats», dit le jeune homme, qui souhaite devenir professeur de français et d'anglais langues secondes. Avec ses notes actuelles, il pourrait facilement entrer à l'UQAM, mais c'est l'Université McGill qu'il vise. «Et je veux m'assurer d'avoir une moyenne plus élevée que le minimum exigé», indique-t-il. Inquiet des conséquences de la reprise intensive du trimestre sur ses résultats, il a préféré recommencer à zéro. Puisque plusieurs des cours auxquels il était inscrit ne se donnent qu'à l'hiver, il devra attendre le mois de janvier pour retourner à l'école. En comptant la période de grève, il aura perdu un an. «J'ai réfléchi longuement et j'ai conclu que c'était la meilleure solution.»

Les indécis sacrifiés

Dans les 14 cégeps touchés par le conflit, tous dans la grande région de Montréal, de 1 à 12% des élèves ont annoncé, comme Antoine Després, leur intention de ne pas se présenter à la rentrée cette semaine. «Il n'y a jamais autant de départs dans une année normale», dit Ginette Laurin, porte-parole du cégep de Saint-Hyacinthe. Son établissement recense

331 abandons et 189 «disparus» sur les 3800 inscrits. À l'heure actuelle, quelque 200 élèves ont aussi choisi de laisser tomber un ou plusieurs cours et devront allonger leur passage au cégep pour les rattraper. Au collège Ahuntsic, le plus grand au Québec, près de 680 élèves ont abandonné les cours. On en compte plus de 400 à Saint-Laurent et 277 à Rosemont.

«Un élève qui décroche, c'est un de trop», déplore le président-directeur général de la Fédération des cégeps, Jean Beauchesne, dont l'organisme, en collaboration avec les établissements, entend communiquer avec chacun des décrocheurs. «On ne peut pas les laisser sur le carreau», dit-il.

Deux types d'élèves ont choisi de ne pas terminer leur trimestre: les très performants, inquiets de voir leurs notes baisser, et les indécis. Ces derniers risquent de ne jamais retourner au cégep. «Ce sont des gens qui sont en transition, qui ne savent pas trop ce qu'ils veulent faire et qui sont venus au cégep pour essayer, explique Ginette Laurin. Ceux-là, on ne les reverra sûrement pas. Un des impacts du conflit...»

Grâce à la loi 12 (ex-projet de loi 78), ceux qui auront averti à temps la direction de leur école n'auront pas de mention d'échec à leur bulletin. «Et tous ceux qui ont laissé tomber des cours ont dû consulter une aide pédagogique pour bien comprendre les conséquences d'une telle décision», indique la directrice des communications du collège de Maisonneuve, Brigitte Desjardins. La plupart des cégeps accepteront les élèves qui n'ont pas donné signe de vie au cours de l'été ou qui ont changé d'idée, même s'ils n'ont pas confirmé leur intention de reprendre les cours comme l'exigeaient les collèges. «On va faire tout ce qu'il faut pour les accommoder. Le but est d'éviter le décrochage», dit la directrice des communications du collège Montmorency, Johanne Morrissette.