La seconde ronde de négociations entre le gouvernement et les étudiants achoppe, à quelques jours de la semaine du Grand Prix du Canada.

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Les turbulences risquent de reprendre de plus belle après la rupture des négociations entre Québec et les associations étudiantes, hier. «Le gouvernement se magasine une crise sociale d'une ampleur inégalée dans les prochaines semaines», a lancé un leader étudiant, Paul-Émile Auger. Les étudiants se donnent rendez-vous au Grand Prix.

«On se préoccupe pour Montréal», a laissé tomber le premier ministre Jean Charest, qui accuse les leaders étudiants de proférer des «menaces». «Nous espérons dans les prochaines semaines une période d'accalmie», a-t-il dit. Il entend «tout mettre en oeuvre pour qu'on respecte l'ordre public».

Vers 16h hier, au quatrième jour de négociations, la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a quitté la table. «C'est l'impasse», a-t-elle annoncé aux médias.

Un peu plus tard, Jean Charest a confirmé qu'«un important fossé sépare» son gouvernement et les leaders étudiants. Leurs positions semblent inconciliables.

Pour régler la question des droits de scolarité, «ultimement, il y aura des élections générales d'ici 18 mois», a soutenu M. Charest. Il a fait savoir plus tard dans des entrevues télévisées que le contexte actuel «ne se prête pas très bien aux élections». Le scénario d'élections estivales semble donc écarté.

Rejet rapide

Michelle Courchesne a déploré que les leaders étudiants aient rejeté «très rapidement» sa première offre. Et selon elle, sa deuxième proposition était «majeure» dans la mesure où la hausse des droits de scolarité était ramenée à 100$ pour la prochaine année. Rappelons que l'augmentation annoncée par le gouvernement est de 254$ par année pendant sept ans (1778$). Cette mesure sera mise en application, puisqu'il n'y a pas eu entente.

Michelle Courchesne accuse les leaders étudiants de refuser «toute hausse des droits de scolarité». «C'était le gel, le moratoire, ou rien», a-t-elle pesté.

Pour les leaders étudiants, les deux offres du gouvernement étaient inacceptables. «C'est un peu insultant, après 16 semaines de grève, de n'avoir que ça devant soi», a tonné Gabriel Nadeau-Dubois, de la CLASSE. «C'est inacceptable de la part du gouvernement de quitter la table comme ça, manu militari.» Il menaçait lui-même de claquer la porte quelques heures auparavant. «Ça passe ou ça casse», disait-il.

Pour le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Léo Bureau-Blouin, «on dirait que le gouvernement ne veut pas régler la crise».

Il lui reproche de ne pas avoir étudié sérieusement leurs propositions qui étaient «à coût nul», comme il le souhaitait. Avec une réduction du crédit d'impôt sur les droits de scolarité, «on proposait que les étudiants financent à même leurs poches un réaménagement fiscal qui aurait permis de ne pas avoir une augmentation des droits de scolarité pour une période pouvant aller jusqu'à deux ans. Ce sont des propositions qui ne coûtent rien au gouvernement et aux contribuables», a plaidé Léo Bureau-Blouin.

Selon les leaders étudiants, le gouvernement Charest voulait absolument maintenir une hausse des droits de scolarité «pour des raisons politiques de communication publique», pour ne pas donner l'impression de céder. Cette augmentation n'était plus un moyen de financer les universités, mais «une finalité», «un objectif partisan», a souligné Gabriel Nadeau Dubois.

Pour la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins, «le gouvernement fait de la petite politique sur le dos des jeunes. La question n'est plus la qualité des universités, mais une question d'ego gouvernemental».

Selon Michelle Courchesne, réduire davantage le crédit d'impôt afin de financer un gel de deux ans aurait «pénalisé» les étudiants en formation technique au collégial et en formation professionnelle au secondaire, qui profitent aussi de cette aide fiscale. Elle ne voulait pas non plus toucher à la mesure incitative fiscale pour l'épargne-études, une autre option avancée par les étudiants.

Le premier ministre a martelé qu'il a fait des «efforts importants» depuis le début de la crise, en bonifiant entre autres le programme de prêts et bourses. Même s'il a mis fin aux négociations, Jean Charest assure que «la porte reste ouverte». De leur côté, les leaders étudiants disent avoir d'autres propositions à faire, mais ils attendent que le gouvernement retourne à la table de discussion.

Le Grand Prix

Michelle Courchesne a révélé qu'après avoir déposé une offre, un négociateur de la CLASSE lui a dit: «Avec cette offre-là, on va vous l'organiser, votre Grand Prix». «Ce sont des gens qui menacent les Québécois», estime Jean Charest. «On va parler avec les personnes qui sont responsables de la sécurité à Montréal pour faire du mieux que nous pouvons pour éviter qu'il y ait des débordements ou des incidents malheureux. Ça me dépasse que des gens pensent qu'en formulant ces menaces ou en faisant ce genre de gestes, ils aident leur cause.»

Gabriel Nadeau-Dubois a soutenu que son collègue ne proférait pas une menace, mais faisait plutôt une «blague». Selon lui, la CLASSE utilisera le Grand Prix comme une «tribune pour se faire voir et exprimer des revendications». Il n'est pas question de «mettre en danger la sécurité des gens».

Il a lancé un appel à la mobilisation: «Lorsque la négociation est sabordée, la seule place qu'il nous reste, c'est la rue. Il faut descendre dans la rue et faire le plus de bruit possible.» La prochaine grande manifestation aura lieu samedi à Montréal.

La hausse des droits de scolarité passait de 254$ à 219$ par année, une baisse de 35$. La mesure était financée par une réduction du crédit d'impôt sur les droits de scolarité.

L'augmentation totale des droits de scolarité était donc de 1533$ en sept ans.

Hausse des droits de scolarité de 100$ pour la première année. C'est une baisse de 154$ financée par une réduction du crédit d'impôt. La hausse était maintenue à 254$ pour chacune des six années suivantes

L'augmentation totale des droits de scolarité atteignait donc 1624$ en sept ans.

Gel des droits de scolarité pour les deux premières années grâce à des mesures fiscales - le crédit d'impôt ou la mesure d'incitation québécoise pour l'épargne-études.

La hausse des droits de scolarité aurait été de 254$ par année pendant les cinq années suivantes (un total de 1270$).