Après quatre jours de négociations où les associations étudiantes et la partie gouvernementale ont proposé de nombreuses offres pour mettre fin au conflit étudiant, voilà que tout se termine de manière abrupte cet après-midi. Les négociations sont officiellement rompues.

«Nous venons de vivre quatre jours d'intenses discussions, où les parties ont démontré de l'ouverture. Nous avons eu des discussions franches, très sérieuses. Force est de constater que nous sommes dans une impasse», a déclaré Mme Courchesne, qui donnera une conférence de presse avec le premier ministre Jean Charest à 17h30.

Le gouvernement avait fait deux offres aux associations étudiantes. La première diminuait de 35$ la hausse des droits de scolarité, ce qui a été rejeté par les leaders étudiants. Par la suite, la ministre de l'Éducation aurait proposé une hausse de 100$ la première année et 254$ la deuxième année, pour ensuite augmenter les droits de scolarité de 254$ sur une période de six ans.

De son côté, les associations étudiantes - unies autour de la table - ont également proposé de nombreuses contre-offres au gouvernement. La première mise sur la table visait à annuler la hausse des droits de scolarité sur une période de deux ans, en annulant le crédit d'impôt offert aux étudiants, le temps de tenir une conférence globale sur la gestion des universités. Après cette période de deux ans, la hausse aurait été de 1270$ sur une période de cinq ans.

De cette manière, les étudiants obtenaient l'équivalent d'un moratoire sur la hausse des droits de scolarité, à coût nul pour les contribuables - ce que réclamait le gouvernement - dans l'espoir que le Parti libéral du Québec soit défait aux prochaines élections générales qui se tiendront au cours des 18 prochains mois.

Peu après 16h30, les quatre leaders étudiants représentant la FEUQ, la FECQ, la CLASSE et la TACEQ ont rencontré la presse pour dénoncer l'attitude «idéologique et politique» du gouvernement dans l'achoppement des négociations.

«Le gouvernement fait de la petite politique sur le dos des jeunes et franchement, c'est déplorable», a dit la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins.

«C'est désillusionnant de voir tout ça, mais nous on reste disponible pour continuer à négocier», a pour sa part affirmé le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin.

Cette nouvelle impasse risque de plonger Montréal dans une longue nuit de manifestation ce soir. La traditionnelle marche nocturne partira de 20h30 au parc Émilie Gamelin.

Le porte-parole de la CLASSE Gabriel Nadeau-Dubois a également invité tous les étudiants et les citoyens à se rendre dans la rue au cours des prochaines heures et des prochains jours afin d'augmenter la cadence des manifestations.

La CLASSE invite également les gens à se rendre à une grande manifestation nationale, samedi à 14h, au parc Jeanne Mance à Montréal. Ce nouvel événement serait familial, a annoncé M. Nadeau-Dubois, et va inclure le mouvement des casseroles à la marche.

Plus tôt aujourd'hui

Un peu plus tôt, le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, avait indiqué que la situation à la table des négociations était critique.  

«Ça passe ou ça casse», a-t-il dit. La proposition déposée hier soir par les associations étudiantes est selon lui un «minimum».

«Pour nous, considérant notre demande d'annuler la hausse des droits de scolarité, l'offre qu'on a fait, c'est vraiment le plancher, le minimum», a-t-il affirmé avant la reprise des négociations, vers 12h30. Il a soutenu que cette proposition a été présentée «très clairement» à la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, comme étant un «plancher».

«L'ensemble des associations, on a regardé ensemble jusqu'où il était possible d'aller. On a soumis une offre que nous on considère comme étant ce qu'on peut faire de mieux pour présenter à nos assemblées générales dans l'espérance que ce soit adopté», a-t-il ajouté.

Il laisse planer la menace de quitter la table si la ministre rejette la proposition. «C'est une journée décisive, a-t-il dit. Je crois qu'on peut dire: ça passe ou ça casse. S'il n'y a pas de développement significatif dans les prochaines heures, encore une fois, aucune option n'est exclue.»

La FECQ ne va pas aussi loin, refusant de qualifier la proposition de minimale. «Il n'y a jamais eu de menace jusqu'à présent de quitter la table, a indiqué le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin. Tous les acteurs sont ici de bonne foi. On est ici pour solutionner cette crise. On espère trouver un terrain d'entente.»

La présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, espère que «le gouvernement a pris le temps de regarder» la proposition. Mais elle dit en avoir «d'autres en banque». «On va voir ce que ça va donner. Est-ce que ça passe ou ça casse? On espère que le gouvernement va juger de notre bonne foi», a-t-elle dit. Les leaders étudiants ont demandé le report de l'audition de leur requête pour suspendre l'application de la loi 78 «pour ne pas lier politique et tribunaux».

Selon Martine Desjardins, «le problème depuis le début, c'est qu'on fait des propositions que le gouvernement n'est pas sérieux dans le fait de vouloir les regarder. Et chaque fois, on retourne au point zéro et il faut développer d'autres propositions». Hier, elle disait être « face à un mur » à la table de négociations.

Aucun leader étudiant n'a pas voulu donner de détails sur la proposition. Le gouvernement cherche de son côté une solution à coût. Il veut compenser une réduction de sa hausse des droits de scolarité en rendant moins généreux le crédit d'impôt pour les études postsecondaires. Les leaders étudiants cherchent à réduire encore davantage voire à éliminer le crédit d'impôt pour faire en sorte, surtout, qu'il n'y ait pas de hausse des droits de scolarité cette année. Ils prennent en considération que des élections auront lieu au plus tard à l'automne 2013 et que les libéraux pourraient perdre le pouvoir. Québec estime qu'il est impossible de rayer complètement le crédit d'impôt, qui s'applique aussi au collégial.

Gabriel Nadeau-Dubois a laissé entendre que la proposition des étudiants n'est pas nécessairement à coût nul. «Ça s'inscrit dans la continuité des paramètres donnés par le gouvernement. Mais on a aussi ajouté certains éléments qui, pour nous, sont incontournables.»

Le secrétaire général de la TACEQ, Paul-Émile Auger, a tenu des propos qui vont dans le même sens en parlant d'une «proposition minimale». «On travaille actuellement dans des conditions extrêmement difficiles. On parle d'une solution à coût nul dans le cadre du plan de financement du gouvernement. On parle d'un simple réaménagement de l'argent des étudiants. On ne parle pas d'argent neuf actuellement. Ça, pour nous, c'est extrêmement difficile. On a peur que le gouvernement ne soit pas prêt à faire les compromis nécessaires pour régler la crise sociale», a-t-il affirmé.

Léo Bureau-Blouin souhaite obtenir des «bonnes nouvelles du gouvernement» aujourd'hui, lui qui en est à sa dernière journée de mandat. Il pourrait toutefois agir à titre de négociateur, au besoin, dans les prochains jours. Éliane Laberge deviendra demain la présidente de la FECQ.

Où est l'impasse?

Le gouvernement souhaite une solution à coût nul. Il veut compenser une réduction de sa hausse des droits de scolarité en rendant moins généreux le crédit d'impôt pour les études postsecondaires. Cette mesure fiscale, qui s'applique aux droits de scolarité, coûte à l'État autour de 140 millions $ par an.

Québec avait déjà fait passer de 20% à 16,5% le taux du crédit d'impôt pour bonifier de 39 millions les bourses. Dans sa première offre, il proposait d'abaisser le taux à 13% afin de faire passer de 254$ à 219$ par année la hausse des droits de scolarité, une baisse de 35$. Depuis mardi, il a « bougé un peu », donc offert une réduction de la hausse supérieure à 35$.

De leur côté, les leaders étudiants ont fait valoir qu'abaisser le taux à 13% rapporte plus que ce pense le gouvernement : 34 millions $. Une somme qui équivaut presque à la hausse des droits de scolarité pour la prochaine année (elle doit rapporter 44 millions). Les étudiants veulent réduire encore le crédit d'impôt, voire l'éliminer, pour faire en sorte à tout le moins qu'il n'y ait pas de hausse des droits de scolarité pour la prochaine année. Ils tiennent compte que des élections auront lieu au plus tard à l'automne 2013 et que les libéraux pourraient perdre le pouvoir.

Mais le gouvernement Charest tient à une hausse des droits de scolarité dès cet automne pour ne pas donner l'impression d'accepter un moratoire.

Notons que pour les leaders étudiants, le crédit d'impôt est une mesure fiscale régressive parce qu'elle ne profite pas vraiment aux moins bien nantis. L'argent est également versé après la déclaration d'impôt, alors que les étudiants ont davantage besoin d'une aide en août ou en janvier, lors du paiement des droits de scolarité.

- Avec Hugo Pilon-Larose