Le gouvernement Charest a finalement accepté de plier en ce qui concerne la hausse des droits de scolarité, l'enjeu au centre du conflit étudiant qui dure depuis plus de 100 jours. Une réduction de la hausse, mise sur la table par Québec, était désormais au coeur des négociations entre la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, et les leaders étudiants. Terminées tard en soirée mardi, elles doivent se poursuivre ce matin.

À la sortie du marathon de négociations, en toute fin de soirée hier, Léo Bureau-Blouin indiquait que les associations étudiantes «s'attendaient à des réponses [du gouvernement] demain». Le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, paraissait aussi plutôt optimiste, soulignant que la matinée de demain servirait à «évaluer différents scénarios». Il a même évoqué un éventuel verdict des membres de son association. Finalement, Martine Desjardins, de la FEUQ, soulignait que la décision de «rester à la table» de discussions était un signe que les choses progressaient. «C'est qu'on estime que cela vaut la peine», a-t-elle soutenu, évoquant «des scénarios intéressants».

Depuis le début de l'affrontement, Québec avait toujours insisté sur le maintien des hausses prévues au budget de mars 2011 - la seule concession prévue avait été, le 27 avril, un étalement de cette majoration sur sept ans plutôt que cinq, mais encore là, la proposition laissait intacte l'augmentation totale prévue pour les étudiants.

Selon nos sources, tant du côté du gouvernement que de celui des étudiants, Mme Courchesne a présenté en après-midi une offre qui ramènerait de 254$ à 219$ par année, pendant sept ans, la hausse des droits de scolarité, une baisse de 35$. L'augmentation totale passerait donc de 1778$ à 1533$ sur sept ans - avant l'étalement, la hausse était de 1625$ en cinq ans.

Mais pour le gouvernement Charest, toute modification aux droits de scolarité devait être faite «à coût nul». Pour financer la mesure, le gouvernement proposait de réduire le crédit d'impôt applicable aux droits de scolarité. Il avait déjà fait passer le taux de 20% à 16,5% pour bonifier les bourses de 39 millions de dollars par année. Le taux serait ramené à environ 13%, une proposition qui se rapproche des idées de l'économiste Luc Godbout, rappelle-t-on du côté du gouvernement.

«Point de départ»

Des sources ont signalé que les 35$ de moins par année étaient considérés du point de vue des organisations étudiantes comme «un point de départ» aux discussions.

Les leaders étudiants ont ensuite répliqué par une contre-offre au gouvernement. Toujours selon nos sources, ils auraient alors plaidé pour l'abolition pure et simple du crédit d'impôt. Leur objectif: faire en sorte que les économies dégagées servent à annuler complètement la hausse des droits de scolarité pour cette année. En fond de scène, il est clair que les associations étudiantes misent sur la tenue d'élections générales, au plus tard à l'automne 2013. La décision sur les droits de scolarité pourrait ainsi être revue si les libéraux perdent le pouvoir. En fin de semaine dernière, Pauline Marois laissait entendre que des augmentations d'impôts pourraient compenser l'abolition de ces hausses.

La loi d'exception (78), qui prévoit un contrôle étroit des manifestations, ne faisait toutefois pas partie des discussions, selon plusieurs sources. Dans les dispositions de la loi, Québec avait prévu qu'il pourrait y mettre fin, en tout ou en partie, avant le 1er juillet 2013, et qu'il n'aurait pas à légiférer de nouveau pour suspendre les dispositions de la loi concernant le contrôle des manifestations.

Quand le groupe a suspendu les discussions pour le souper, Mme Courchesne est venue faire rapport de l'avancement des discussions au comité des priorités du conseil des ministres. Selon les informations obtenues par La Presse, un optimisme plutôt «modéré» transpirait de son évaluation. Québec avait dès le début établi que les modifications devaient se faire «à coût nul» pour les finances publiques.

Inquiétude gouvernementale

Du côté du gouvernement, on observait avec un brin d'inquiétude les positions parfois différentes des trois associations étudiantes - le verdict final de la CLASSE, toujours plus radicale que les autres, posait surtout problème.

Au gouvernement, on ne voulait pas spéculer sur le résultat des discussions en fin de soirée. Déjà, on s'attendait chez les stratèges du gouvernement à ce que les discussions se poursuivent aujourd'hui. Toutefois, prévenait-on, il était bien peu plausible qu'on déborde sur demain. Le premier ministre Charest avait convié tous ses députés pour ce soir, un événement social, a-t-on fait valoir hier, mais il était clair qu'une conclusion devait être obtenue avant cette rencontre.

Les leaders étudiants avaient prévenu lundi que pour espérer une entente, Québec doit non seulement revoir sa hausse des droits de scolarité mais suspendre, au moins en partie, la loi spéciale. La CLASSE avait menacé de quitter la table de négociations si le gouvernement faisait preuve de «fermeture» à l'égard de ces deux demandes.

Questionné pour savoir s'il est déçu, Gabriel Nadeau-Dubois, de la CLASSE, a répondu que «la grève porte sur les droits de scolarité» et que, comme l'enjeu est sur la table, «c'est déjà un très bon début».

«Il y a déjà plus sur la table que ce qu'il y avait ce matin», a-t-il ajouté.

Avant les pourparlers d'hier, Michelle Courchesne se disait «satisfaite de l'ouverture des leaders étudiants» manifestée la veille. En toute fin de soirée, toutefois, le gouvernement affichait un optimisme bien modéré.

Pour la toute première fois depuis le début du conflit, le premier ministre Jean Charest a rencontré les leaders étudiants en se présentant à la table de négociations lundi. Il y est resté 50 minutes, a-t-il dit; une demi-heure, selon les étudiants. «Cela a été respectueux et courtois, c'est une nouvelle étape. Tout le monde veut tourner la page», a dit M. Charest. Il voulait «contribuer à envoyer un signal que le gouvernement veut en arriver à la meilleure solution possible. On espère en arriver à une conclusion».

Jean Charest s'est montré ouvert à la tenue d'un forum sur l'avenir des universités. Une bonne nouvelle, disent les leaders étudiants. C'était l'une de leurs revendications.