«On est près d'arriver à un règlement, les discussions vont se poursuivre», a dit le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Léo Bureau-Blouin, en fin de soirée lundi. Il s'adressait à des manifestants devant l'édifice où ont lieu les négociations avec Québec.

Alors que la police procédait à des arrestations pour manifestation illégale - dont le négociateur de la CLASSE, Philippe Lappointe -, Léo Bureau-Blouin a invité la centaine d'étudiants au calme et a tenté de convaincre les policiers de laisser la foule se disperser. «Si on évite les arrestations ou qu'on évite que les choses virent mal, on va réussir à arriver à quelque chose de bien», a-t-il dit aux manifestants. Au moment de mettre sous presse, les policiers continuaient toutefois les arrestations parce que l'itinéraire de la manifestation ne leur avait pas été fourni.

Les autres leaders étudiants se sont refusés à tout commentaire à la sortie de la rencontre, vers 22h. Les négociations vont reprendre aujourd'hui, à 13h.

Au gouvernement, l'échéance est déjà inscrite pour les négociations. Geste très inusité, le premier ministre Jean Charest a convoqué le Conseil des ministres et les députés pour une réunion en fin de journée demain.

Dans les officines libérales, on a vite compris que le gouvernement aura à ce moment tiré ses conclusions sur les négociations. On s'attend à ce que Jean Charest explique alors sa décision à l'ensemble des élus libéraux.

De telles réunions extraordinaires sont rarissimes. La décision de déposer un projet de loi spéciale dans l'espoir de régler le conflit - le projet de loi 78 - avait passé par le même processus de réunions et de discussions avant d'être annoncée.

Déjà, hier après-midi, la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, et les leaders étudiants ont défini un «cadre de négociation» qui devait durer «jusqu'à mercredi», selon une source étudiante.

En soirée, des sources gouvernementales, informées des discussions à huis clos, ont indiqué que le gouvernement comme les leaders étudiants «étaient d'une extrême prudence» dans leurs échanges. «Ils ont progressé, mais lentement», a-t-on résumé. Autour de la table, les émissaires du gouvernement - Mme Courchesne, le ministre délégué aux Finances, Alain Paquet, et le négociateur Pierre Pilote - restaient optimistes devant le ton des échanges. On a souligné que les discussions étaient beaucoup plus faciles avec la FECQ et la FEUQ. «Pour la CLASSE, c'est vraiment autre chose», a-t-on précisé.

Mais les négociations se sont suffisamment bien déroulées pour que les parties se donnent de nouveau rendez-vous aujourd'hui. Signal positif, la CLASSE a décidé de continuer d'y participer, du moins pour le moment. Elle avait menacé de quitter les négociations si Québec faisait preuve de «fermeture» au sujet de ses demandes.

En soirée hier, le gouvernement n'avait pas encore clairement indiqué s'il était disposé à revoir l'augmentation des droits de scolarité. On n'avait pas encore fait de proposition. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a toutefois signalé en entrevue que Mme Courchesne a reçu «un mandat précis» pour «mettre des choses sur la table», comme La Presse l'a indiqué hier.

Pour parvenir à une entente, Québec devra revoir la hausse des droits de scolarité et suspendre au moins en partie la loi d'exception, ont indiqué les leaders étudiants juste avant d'entreprendre les négociations. «S'il y a une fermeture complète sur ça, c'est sûr, on va remettre en question notre participation» aux discussions, a prévenu Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE. Il ne participe pas lui-même aux discussions; la CLASSE est représentée par son comité de négociation.

Selon Martine Desjardins, présidente de la FEUQ, «il faut traiter de la hausse des droits de scolarité et, de façon inévitable maintenant, de la loi 78, de la suspension des articles qui visent à réduire la liberté d'expression, la liberté d'association, la liberté de manifestation pacifique. Les deux sont liées et devront être abordées».

Les leaders étudiants ont refusé de dire ce que serait une offre acceptable à leurs yeux. Léo Bureau-Blouin a déjà indiqué que les étudiants seraient prêts à accepter une hausse moindre que celle annoncée par le gouvernement. À la table, les négociateurs de la CLASSE plaideront pour un gel, comme le prévoit leur mandat, mais ils tenteront d'arracher la «meilleure entente possible», une formule qui leur laisse une marge de manoeuvre.

Martine Desjardins a indiqué que les associations étudiantes ont «des propositions qui se rejoignent». Mais «il n'y aura pas d'offre commune formelle de la part des associations étudiantes», a dit Gabriel Nadeau-Dubois. «On considère que c'est la responsabilité du gouvernement de répondre à nos demandes.»

Michelle Courchesne a entrepris cette rencontre de la dernière chance «sans être fermée à rien», «avec ouverture». «Je me présente avec toute l'énergie et la confiance voulues. Nous avons tous une obligation de résultat, pas juste le gouvernement», a-t-elle affirmé.

Mais selon les leaders étudiants, «la balle est dans le camp du gouvernement». «Étant donné que la session est suspendue, il n'y a pas de pression sur les votes de grève, on ne sent pas beaucoup de pression, a dit Gabriel Nadeau-Dubois. La pression est peut-être davantage sur le gouvernement. La saison touristique approche, et le milieu des affaires s'attend à un règlement pour éviter qu'il y ait des perturbations cet été.» Et comme la loi spéciale est «un échec, tous les regards sont tournés vers les libéraux», a-t-il ajouté.

La Table de concertation étudiante du Québec participe aussi aux négociations.