Non, ils ne soutiennent pas nécessairement toutes les demandes étudiantes. La loi d'exception? Une (grosse) goutte de plus dans un vase qui s'emplissait et s'emplissait depuis longtemps. Ils n'ont pas toujours de revendication précise, mais partagent un point en commun: la colère contre les injustices. Le tapage nocturne des casseroles est devenu un immense défouloir pour citoyens écoeurés.

Qui sont ces tapeurs de casserole qui ont déferlé dans les rues cette semaine? Des étudiants, bien sûr, mais beaucoup de travailleurs, de jeunes familles, de retraités, de voisins émerveillés de se parler. Ils souffrent tous d'une «écoeurantite aiguë». Et le soulagement qui se lit sur le visage des tapageurs témoigne de la rage qu'ils étouffent depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.

La majorité des lecteurs qui ont répondu à l'appel à tous lancé hier matin sur les réseaux sociaux disent faire du bruit pour appuyer les étudiants et dénoncer la loi d'exception adoptée la semaine dernière. Mais pour la plupart des «casseroleux», la colère va bien au-delà.

La corruption, sous toutes ses formes, est source importante de ras-le-bol. «J'en ai assez d'entendre qu'il n'y a plus assez d'argent pour assumer les services publics», dit Josée Leblanc, de Sherbrooke.

«On vend nos ressources pour rien! On veut nous faire croire que c'est pour notre bien. Désolée, mais je n'ai pas été convaincue. Je crois plutôt que ce sont des projets pour enrichir une minorité et que la population en général n'en bénéficiera pas.»

Autre exemple, celui de Pascal Dubé-Lamoureux, de Blainville, qui attend depuis deux ans une place en CPE pour sa fille. «Nous entendons plein de rumeurs de passe-droits. Des gens ont une place avant nous, car ils connaissent la bonne personne, peut-être qu'ils donnent même des pots-de-vin... Ça nous dégoûte. On voit les scandales des garderies, les places vendues aux amis du parti, les permis vendus au gros prix. Bref, la marchandisation de nos enfants.»

La vente des gisements pétroliers de l'île d'Anticosti par Hydro-Québec à des intérêts privés et l'exploration de gisements de gaz de schiste sont souvent citées. François Arguin, de Montréal, ajoute également «le retour des conservateurs chrétiens qui essaient de recriminaliser l'avortement, les F-35, l'occupation de l'Afghanistan». «C'est un immense pot-pourri de ras-le-bol.»

Premières manifs

La plupart des témoignages viennent de personnes qui ont participé aux grandes manifestations. Mais les casseroles ont la particularité de faire participer des gens qui n'étaient pas descendus dans la rue jusqu'ici. La colère contre le gouvernement Charest est unanime, même chez ceux qui ne sont pas entièrement d'accord avec les étudiants.

«Je suis personnellement entièrement en faveur de l'augmentation des droits de scolarité, dit d'ailleurs Frédéric Pepin, ingénieur de Montréal. Par contre, ce que je trouve complètement aberrant et qui me révolte au plus haut point, c'est l'attitude que le gouvernement Charest a adoptée depuis le début du conflit. Paternalisme, mépris envers une génération, ignorance et indifférence. Alors que ce gouvernement est censé représenter son peuple, il se contente de ridiculiser tous les efforts que les étudiants ont faits pour se faire entendre.»

«Ce gouvernement, incapable de résoudre la crise, incapable d'avoir de vraies négociations avec les étudiants, incapable de comprendre ce qui se passe chez la jeune génération, décide de passer une loi marteau dans le but de restreindre les manifestations. On préfère la répression à la négociation. Incroyable!», écrit Frédéric Pepin.

«J'en ai ras le bol de ce conflit», dit Karine Doyon, «casseroleuse» de Montréal et favorable à une hausse. «On a gelé les droits de scolarité trop longtemps, maintenant on doit rattraper. Je tape parce que je trouve que le gouvernement est si maladroit pour nous sortir de ce beau merdier!»

«J'aurais préféré un tel soulèvement pour protester contre le Plan Nord ou contre la réforme de l'assurance-emploi dont les répercussions sur notre société sont, selon moi, encore plus catastrophiques et qu'on accepte par notre silence», dit Pascale Germain, opposée à la gratuité scolaire, mais favorable à un gel. «Je nous trouve trop conciliants. La classe politique a besoin de se faire dire NON parfois, car c'est notre voix qu'elle doit représenter, notre futur qu'elle forge.»