Déclarée illégale par le SPVM avant même son départ, la 30e manifestation nocturne, hier, s'est avérée des plus pacifiques, jusqu'à ce que le SPVM barre la route aux manifestants et en encercle 506. Au total, 518 personnes ont été arrêtées durant la manifestation, dont une parce qu'elle portait un masque.

Des milliers de casseroles dans la rue

La manifestation s'était amorcée de façon très pacifique. Ils étaient 3000 à marcher dans les rues du centre-ville après avoir pris le départ à l'endroit habituel, au parc Émilie-Gamelin.

Sur place, un petit groupe d'une quarantaine de marcheurs s'est constitué et a annoncé aux policiers qu'il avait un itinéraire.

Cela n'a pas donné grand-chose. Le commandant du poste de quartier 21, Alain Simoneau, a averti le groupe avant même son départ que la manifestation était considérée comme illégale, en vertu du règlement municipal interdisant le port du masque et obligeant les manifestants à divulguer leur itinéraire.

C'est donc dans la tension que s'est amorcée la marche, sous une pluie de quolibets adressés aux policiers, bien visibles. Les manifestants craignaient une application rigoureuse de la loi spéciale du gouvernement ou du règlement municipal.

Les policiers ont imposé aux manifestants une certaine forme de trajet. Par exemple, ils les ont empêchés de gagner la rue Saint-Denis à partir de la rue Ontario, ce qui leur a valu de nombreuses railleries, sans plus.

Puis, l'atmosphère s'est détendue. De très nombreux feux d'artifice ont été lancés en rafale dans la rue Sherbrooke et sur le boulevard René-Lévesque. Peu de personnes étaient masquées, l'atmosphère était festive.

«J'ai fait cinq ou six manifs. Cette fois-ci, ça pas l'air d'être parti pour dégénérer», a commenté un étudiant.

Avant le départ, le SPVM a expliqué à La Presse qu'il était peu probable qu'il applique la loi spéciale puisque le règlement municipal sur le port du masque et les itinéraires lui donnent un rayon d'action suffisant pour contrecarrer les éventuels débordements.

Après plusieurs heures de marche, rejoint par une colonne de manifestants aux casseroles <https://www.lapresse.ca/actualites/regional/montreal/201205/23/01-4528041-des-milliers-de-casseroles-dans-la-rue.php>, le groupe a descendu la rue Saint-Denis vers le sud.

À l'angle de la rue Sherbrooke, vers 23h15, la police attendait les marcheurs, dont le nombre avait considérablement diminué.

La foule s'est mise en colère. Quelques manifestants ont lancé des bouteilles vers les agents et possiblement des bougies de moteur de voiture.

La police a chargé les premières lignes de manifestants plus téméraires.

Puis, des pelotons de la SQ et du SPVM se sont amenés dans tous les sens pour encercler la foule. Un avis de dispersion a été donné, mais au moins 506 personnes étaient déjà encerclées.

«J'essayais de me disperser, mais c'était impossible, ils bloquaient tous les chemins», raconte un manifestant qui dit avoir vu quelques petites bouteilles être lancées aux agents.

«Mais ils ont de grosses armures, ce n'était pas si dangereux que ça», dit-il.

«Même par les trottoirs, ils ne nous laissaient pas partir», raconte une autre.

La foule s'est alors mise à scander «on reste pacifiques».

Ils ont levé les mains en l'air avant de s'asseoir par terre entre les policiers, en attendant de se faire arrêter. Certains ont lu des poèmes. Des manifestants ont avisé les autres de garder le silence s'ils étaient questionnés.

Certaines discussions se sont entamées entre les prévenus et les policiers qui les entouraient.

«Je suis contre ceux qui ont lancé des bouteilles aux policiers. Mais quand vous nous avez demandé de nous disperser, j'ai tenté de partir, et vous nous en avez empêchés», a déploré une jeune femme.

«Je comprends. Mais depuis des semaines, nous avons reçu des pierres, des bouteilles et des cocktails Molotov. Il faut comprendre ça aussi», lui a répondu le policier, sur un ton poli.

La discussion s'est étirée, comme plusieurs autres. Les manifestants avaient l'impression de s'être fait tendre un piège alors que la manifestation était pacifique.

Dans cette foule, on pouvait voir des étudiants, des sympathisants de la cause, même quelques têtes bien blanches, quelques rares cagoulés et deux ou trois fêtards éméchés récupérés à la sortie de bars au fil du trajet.

Résignés, la plupart ont attendu dans le calme en blaguant et en revendiquant la justice.

«On ne la trouvera pas ici, la justice», a lancé un manifestant.

En entrevue au réseau RDI, un porte-parole du SPVM a expliqué que les manifestants avaient été arrêtés en vertu du règlement municipal contre l'attroupement illégal. Ils recevront un constat d'infraction. Parmi les manifestants pris en souricière, quelques-uns seulement feront face à des accusations criminelles pour avoir lancé des projectiles sur les policiers.

Pendant ce temps, une autre manifestation s'est formée au bas de la côte Saint-Denis, à l'angle de la rue Ontario, ce qui a donné du fil à retordre aux policiers qui n'étaient pas déjà occupés avec le groupe arrêté. Ils ont fini par les forcer à se disperser.

Les manifestants ont été graduellement embarqués dans des autobus de la STM. Au total, 518 personnes ont été arrêtées: 506 dans l'arrestation de masse et 12 de façon isolée, parmi lesquelles 4 seront accusés d'entrave au travail de la police, de voies de fait ou d'agression armée sur les policiers. Un sera accusé en vertu du règlement sur le port du masque. Il y avait 30 mineurs dans le groupe.

Les autres se sont vu remettre des contraventions de 634 $ pour participation à un attroupement illégal. La grande majorité entend contester ces constats d'infraction.