Toute manifestation de 50 personnes ou plus est désormais soumise à un contrôle étroit en vertu de la loi spéciale adoptée à toute vapeur à l'Assemblée nationale vendredi. Les associations étudiantes contesteront cet «abus de pouvoir» devant les tribunaux dès mardi. La CLASSE envisage de lancer un appel à violer la loi.

Elle a reçu un appui étonnant dans sa démarche. Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a invité «tous les partenaires de la société à réfléchir ensemble à la possibilité de désobéir à cette loi de façon pacifique». Il a justifié son appel en disant que cette loi est «injuste» et est «imposée par un gouvernement illégitime, corrompu». «Est-ce que nous devons obéissance à cette loi qui nous enlève un droit pourtant fondamental?» a-t-il demandé.

Réaction des associations

Pour Gabriel Nadeau-Dubois, de la CLASSE, «il va falloir une réponse d'exception à cette loi d'exception». «Est-ce que nous allons appeler à désobéir à cette loi? C'est le genre de questions auxquelles nous allons répondre avec nos avocats en fin de semaine et à notre congrès de dimanche», a-t-il affirmé.

De son côté, la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) déposera en cour, mardi, une requête en nullité pour invalider la loi spéciale. «On ne dit pas qu'il faut défier la loi, mais on va la contester», a affirmé son président, Léo Bureau-Blouin. La présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins, a prévenu que l'adoption de la «loi matraque» ne sonne pas la fin du conflit.

Québec a mis un petit peu d'eau dans son vin avec 10 modifications à la loi, mais pas assez au goût des associations étudiantes. «Même avec les amendements, c'est une loi excessive qui limite d'une manière beaucoup trop importante le droit de manifester», a dit Léo Bureau-Blouin.

Selon l'un des amendements, c'est tout organisateur d'une manifestation de 50 personnes ou plus - au lieu de 10 - qui devra fournir aux policiers, huit heures à l'avance, l'itinéraire et la durée de cette sortie. Autre modification: les policiers pourront ordonner un changement de lieu ou d'itinéraire lorsqu'il juge que l'emplacement choisi comporte un «risque grave pour la sécurité publique», une précision qui n'existait pas à l'origine.

La plupart des mesures sont demeurées intactes. Ceux qui participent à la manifestation, même s'ils ne l'ont pas organisée, doivent «prendre les moyens appropriés» afin que l'événement corresponde aux renseignements fournis à la police. Il est interdit de manifester dans les établissements scolaires et dans un rayon de 50 mètres de leur terrain. «Nul ne peut par un acte ou une omission» entraver «le droit d'un étudiant de recevoir l'enseignement» ou «l'accès à un établissement». Les contrevenants et les associations étudiantes fautives sont passibles de lourdes amendes.

Durs échanges à l'Assemblée nationale

Toutes ces dispositions ont provoqué des échanges acrimonieux à l'Assemblée nationale durant les quelque 20 heures de débat. Au final, 68 députés ont voté pour et 48 contre la loi spéciale. Elle est entrée en vigueur presque aussitôt, avec la sanction du lieutenant-gouverneur.

«Ainsi s'écrit l'histoire de ce gouvernement en fin de régime, par un recul de nos libertés», a lancé la chef péquiste Pauline Marois. Elle a demandé aux étudiants de la respecter, de ne pas «tomber dans le piège tendu par le premier ministre». Elle a promis d'abroger la loi si son parti est porté au pouvoir.

Dans les banquettes de l'opposition, seuls les députés de la Coalition avenir Québec se sont levés pour appuyer la loi 78. Le gouvernement a retenu quelques-uns de leurs amendements. «La Coalition, par devoir, même si on n'est pas dans une situation idéale, doit appuyer les mesures qui sont nécessaires pour que les étudiants qui souhaitent retourner en classe puissent le faire et pour qu'on retrouve un certain calme au Québec», a affirmé le chef François Legault.

En conférence de presse, les ministres Michelle Courchesne (Éducation), Jean-Marc Fournier (Justice) et Robert Dutil (Sécurité publique) ont défendu le bien-fondé de la loi et nié que des droits sont bafoués. Ils ont insisté sur le droit d'accès à l'éducation et la nécessité de ramener «la paix et l'ordre» comme l'indique la loi. Jean-Marc Fournier a associé la sortie d'Amir Khadir concernant la désobéissance civile à des «appels antidémocratiques et antisociaux».

La loi 78 sera en vigueur jusqu'en juillet 2013.