Une loi qui fait du Québec un État policier, digne d'une république bananière, écrite par des «mononcles» contre une génération «qui va les botter dehors»: la charge des grandes centrales syndicales contre le projet de loi 78 est d'une rare véhémence.

Les présidents de la CSN, de la FTQ et de la CSQ estiment que ce projet de loi est le pire qu'ils aient vu de leur vie.

> En graphique: le projet de loi 78 en quatre points

> En direct: les débats à l'Assemblée nationale

> En savoir plus: le projet de loi 178 (PDF)

«Le gouvernement du Québec a choisi la matraque au lieu de la négociation», a dit Michel Arsenault, président de la FTQ. Cette loi est selon lui guidée par «la hargne, la colère et la revanche». Il regrette que le premier ministre ait refusé de rencontrer les leaders des associations étudiantes: «Ça n'a jamais été fait. On n'a pas besoin d'un cours de communications 101 pour savoir que la rencontre entre les gens, c'est la clé du succès.»

Les amendes qui pèseront sur les associations étudiantes et syndicales l'inquiètent grandement. «On sait très bien que la cotisation, c'est l'oxygène de nos associations», lance-t-il. En attaquant le portefeuille de ces associations, on essaie de les bâillonner, croit-il.

Il se questionne sur l'impact de cette future loi sur la prochaine campagne électorale. Si sa famille de 10 personnes invective un politicien croisé dans un centre commercial, est-ce que cela violera la loi? se demande-t-il.

L'organisation d'une grève sera aussi très difficile avec cette loi, qui deviendra caduque en juillet 2013, selon son libellé actuel. «À toutes les huit heures, il va falloir appeler la police pour dire où on va être!», lance M. Arsenault.

«Les conservateurs d'Ottawa ont des leçons de law and order d'extrême droite à recevoir» du PLQ, a-t-il lâché.

«On n'est pas en Corée du Nord. On ne va pas se mettre à pleurer ou à rire quand le premier ministre passe!»

Selon Louis Roy, président de la CSN, le projet de loi 78 a été écrit par des «mononcles impuissants» contre une génération qui va «les botter dehors».

Les professeurs pourraient devenir coupables d'un crime s'ils omettent d'inciter les étudiants à respecter la loi. Et les manifestants qui omettent d'empêcher des casseurs de violer la loi pourraient aussi être punis. «Je ne suis pas la police, ce n'est pas à moi d'arrêter ce monde-là», a lancé M. Roy.

«Je n'ai jamais vu une loi aussi perfide que celle-là», a renchéri Réjean Parent, président de la CSQ.

Le gouvernement Charest soutient que la loi spéciale rétablira le calme et permettra aux étudiants qui le veulent de terminer leur trimestre, mais M. Parent n'en croit rien. On ajoute des bidons d'essence sur le feu avec ce projet de loi «digne d'une république de bananes». 

«Dans les années 50, mon père aurait dit qu'il était en tabarnak. Moi, j'ai plus de vocabulaire, je vais dire que je suis outré.»

«Pour la première fois dans ma courte vie, je pense que tout est noir ce matin.»

Vers une contestation

La CLASSE a déjà indiqué qu'elle pourrait inciter ses membres à violer la future loi. Ses membres en débattront bientôt, a confirmé ce matin son porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois, et une annonce sera probablement faite aujourd'hui.

Le comité de direction de la CLASSE doit rencontrer des conseillers juridiques aujourd'hui. Compte tenu de l'urgence, a expliqué M. Nadeau-Dubois, le comité prendra une décision sans la soumettre aux membres.

La FEUQ et la FCEQ n'appellent pas leurs membres à désobéir à la loi, mais elles la contesteront, tout comme elles contesteront les contraventions que recevront leurs membres, le cas échéant, a déclaré la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins.

La CSN prévoit qu'elle gagnera cette bataille contre la loi d'exception. «On sait qu'on va gagner en Cour suprême», dit son président, Louis Roy. Mais cette victoire risque d'arriver trop tard puisque, selon le libellé du projet de loi actuel, ses dispositions prendront fin en juillet 2013.

Les trois centrales syndicales n'incitent pas leurs membres à désobéir à la loi. M. Roy précise que ses membres sont de bonne foi quand ils manifestent. «On le fait pacifiquement et on donne déjà notre trajet à l'avance aux policiers», dit-il. Ses membres continueront d'agir ainsi. Si on utilise la future loi 78 pour leur donner des contraventions, par exemple pour une manifestation organisée seulement quatre heures à l'avance, ils les contesteront, explique-t-il.