Le cégépien Francis Grenier, qui a été gravement blessé à un oeil lors d'une manifestation étudiante, poursuivra la Ville de Montréal. Son avocat présentera une requête officielle en Cour supérieure d'ici au moins de juillet.

«Ma vie ne sera plus jamais la même», affirme le jeune homme, assis dans le bureau de Me Alain Arsenault, spécialiste des causes de brutalité policière. Les marques de sa blessure, reçue il y a déjà deux mois, sont toujours bien visibles sur sa paupière droite. «Il a eu une reconstruction», nous a confié sa mère avant le début de l'entrevue.

Le 7 mars dernier, lors de sa deuxième manifestation à vie, Francis Grenier, élève en arts âgé de 22 ans, a été gravement blessé pendant qu'il jouait de l'harmonica. Une grenade assourdissante lancée par un policier aurait explosé tout près de son visage. Le choc a été violent et le sang a giclé.

Quelques heures plus tard, à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, il a appris qu'il ne verrait peut-être plus jamais d'un oeil. Deux mois plus tard, il ne distingue que des taches et des couleurs. «Je ne peux pas lire plus de quelques lignes avant d'avoir des maux de tête, dit-il. Une page et j'ai des nausées.» Le jeune homme, qui souhaite devenir artiste visuel, craint de devoir abandonner son rêve. «J'ai de la difficulté à dessiner, il faut que la toile soit très grande ou je n'y arrive pas. Et je suis beaucoup moins précis qu'avant.»

Francis Grenier est inquiet. Il y a longtemps qu'il aurait dû savoir s'il recouvrera l'usage de son oeil. Une enflure importante empêche les médecins de poser un diagnostic, explique son père. Moins serein que son fils, il a des mots durs envers les policiers et le gouvernement. «Quand Jean Charest dénoncera-t-il la violence envers les étudiants comme il demande aux étudiants de le faire?»

Francis, lui, est plus calme. Il n'en veut pas au policier qui a lancé la grenade, mais à celui qui en a donné l'ordre. Durant deux semaines, il est resté allongé sur le côté droit. Puis il a consacré plus de trois heures par jour à se mettre des gouttes. «Mon moral varie, dit-il. Ça dépend des nouvelles que je reçois des médecins et du mouvement.»

S'il veut poursuivre la Ville, c'est bien sûr pour être dédommagé. Mais c'est aussi par principe. «On a le droit de manifester et de faire confiance aux policiers, dit-il. Avant, j'avais confiance. Beaucoup moins maintenant.»