Le juge en chef de la Cour supérieure, François Rolland, a suggéré hier aux élèves et étudiants qui demandent des injonctions pour pouvoir reprendre leurs études de faire appel au procureur général du Québec dans leurs requêtes.

«On est à la douzième heure, pas à la onzième... Il y a péril. Il faut que quelqu'un intervienne. Je le déclare encore, le procureur doit intervenir», a répété le juge Roland, hier, pendant qu'il entendait une demande d'injonction de deux élèves du collège Montmorency qui veulent retourner en classe pour sauver leur trimestre.

Il s'agit de la 20e demande d'injonction en lien avec la grève étudiante. Devant cette avalanche qui monopolise les effectifs de la Cour supérieure, le juge en chef a décidé de sauter lui-même dans l'arène. Lundi, il était à Sherbrooke. Hier, il s'est occupé de la demande concernant le collège Montmorency. Et aujourd'hui, il doit se rendre à Saint-Hyacinthe pour le même genre de recours. Les injonctions sont presque toujours accordées. Le problème, c'est que, souvent, elles ne sont pas respectées. Une situation que le juge trouve inacceptable. «J'ai cinq outrages au tribunal qui sont entrés à mon bureau», a-t-il noté, hier. Il a comparé cette situation à une équipe de hockey qui ferait fi du hors-jeu sifflé par l'arbitre, et qui continuerait à jouer et à «scorer». Il a insisté sur le fait que la majorité ne donne pas aux associations étudiantes le droit de tout faire. D'autant plus que le droit de grève s'applique aux travailleurs, pas aux étudiants, et qu'il y a des règles à respecter. «On ne peut pas bloquer l'entrée» des établissements, a-t-il donné en exemple.

Échanges musclés

Hier, l'audience a donné lieu à des échanges musclés entre le magistrat et les avocats qui représentent l'association des élèves et le syndicat des professeurs de Montmorency. Les deux ont soutenu que l'injonction demandée par les deux élèves pénaliserait les 271 autres qui suivent les mêmes cours. Ces derniers feraient face au choix de reprendre leurs cours ou de se retrouver avec des échecs.

Me Jonathan Leblanc, qui représente les élèves, a voulu donner son opinion, qu'il a qualifiée de politique et non juridique, sur la situation. «Lorsqu'un gouvernement sape les bases de la démocratie, et s'attaque au vote démocratique d'une association, il est normal que les gens fassent de la désobéissance civile», a-t-il déclaré.

«Vous êtes un officier de justice, et vous faites une telle affirmation devant un juge de la Cour supérieure», s'est offusqué le juge Rolland, avant de dire qu'il y avait une cour d'appel pour ceux qui ne sont pas satisfaits d'une décision.

Me Jonathan Di Zazzo, qui représente le syndicat des professeurs, a lui aussi signalé qu'une injonction irait à l'encontre de ce qui a été voté en assemblée générale par les cégépiens, et que cela créerait de l'insatisfaction. Les élèves feraient face à un choix qui les obligerait à retourner à l'école. Les professeurs sont censés enseigner dans un climat serein, ce qui ne serait sûrement pas le cas, a-t-il relevé.

Le juge a rappelé à Me Di Zazzo qu'il était l'avocat des professeurs, pas celui de l'association étudiante. «Si je suis votre raisonnement, on oublie ça, c'est fini, tout le monde a perdu sa session, too bad. Ça reprendra quand ça reprendra», a dit le juge.

Le magistrat estime que les conséquences n'ont pas toutes été évaluées. Les élèves qui perdent leur trimestre pourraient très bien intenter des recours collectifs contre l'association étudiante et les professeurs qui se retrouvent aux piquets de grève. L'association aurait peu à perdre, mais les professeurs, eux, sont solvables, a-t-il dit.

Entente

Les élèves du collège Montmorency sont en grève depuis la mi-mars. La direction a une entente avec l'Association générale des étudiants. La direction respecte les piquets de grève, mais, en échange, certains cours se poursuivent, notamment pour les techniques où il y a des stages. Le collège compte plus de 5000 élèves. Environ 700 ont des cours.

Il est de plus en plus difficile de mobiliser les élèves qui voteraient contre la grève dans les assemblées, notamment en raison de la crainte d'intimidation sur place et sur Facebook ont confié ces élèves à La Presse. Une accusation que le porte-parole de l'Association générale des étudiants du collège Montmorency, Alexandre Saint-Onge Perron, réfute. Les assemblées étaient démocratiques, dit-il.