Plus d'une centaine d'arrestations, des policiers blessés, des vitres fracassées, des graffitis, des voitures aspergées de peinture : la manifestation anticapitaliste organisée dans le cadre de la Fête des travailleurs a tournée au vinaigre en fin d'après-midi, hier, au centre-ville de Montréal.

Deux autres manifestations ont pris les rues d'assaut. L'une, organisée par les centrales syndicales dans Rosemont a été totalement pacifique. L'autre, celle des étudiants en soirée, colorée et musicale, a été le théâtre de quelques vitres brisées, de pétards, de feux d'artifice et d'une poignée d'arrestations.

Les étudiants, qui se sont réunis à la place Émilie-Gamelin à peine une heure après la fin musclée de la manifestation anticapitaliste, craignaient la présence de vandales. « Nous, on veut faire entendre notre message. Les casseurs donnent une excuse aux policiers pour déclarer que les attroupements sont illégaux», a dit Francis Perreault, un élève du Collège Montmorency.

Le départ de leur procession nocturne, maintenant traditionnelle, a été donné vers 21h. Il s'agissait du 8e soir consécutif lors duquel les étudiants protestaient dans les rues de la métropole. Le thème de la marche, organisée par un groupe d'étudiants en musique, était «Faisons-nous entendre». Les policiers ont d'abord tenté de les empêcher d'emprunter la rue Sainte-Catherine, mais le groupe y a finalement aboutit après quelques détours avant de faire un saut au Champ-de-Mars, point de départ de la marche anticapitaliste plus tôt dans la journée. 

Sur leur passage, des citoyens semblaient excédés. «Je suis écoeurée. Ça cause des problèmes de circulation et ça amène moins de clients dans les commerces du centre-ville. C'est dégueulasse», rageait une cliente d'un restaurant de la rue Crescent. «Les manifestations font en sorte que j'arrive en retard à mon travail à tous les jours», disait une autre. 

Violence et chaos

En après-midi, il n'a pas fallu une heure à la marche organisée par le groupe Convergence des luttes anti-capitalistes (CLAC) pour dégénérer. Elle a été déclarée illégale vers 18 h après que plusieurs pièces pyrotechniques eurent été lancées en l'air par des manifestants et que les policiers eurent été criblés de roches à l'angle des rues René Lévesque et University. La police a bien tenté de disperser les milliers de manifestants présents, mais ces derniers se sont divisés en plusieurs groupes est ont joué au jeu du chat et de la souris avec les forces de l'ordre jusqu'à près de 20 heures. 

Les discours prononcés au Champ-de-Mars avant le départ avaient donné le ton. « Nous allons vous distribuer les numéros des avocats avant de partir » avait promis un porte-parole de la CLAC au visage caché par un foulard sombre avant de céder la parole à des représentants de groupes sociaux. Comme pour la marche des étudiants de lundi soir, le mot d'ordre était de manifester masqué. Ils ont été nombreux à respecter la consigne. Le carré rouge était aussi à l'honneur. 

Dès que la foule s'est mise en marche, des pétards ont explosé. Des vitrines ont été fracassées dans une succursale de la Banque de Montréal et à l'édifice Loto-Québec. Puis, des manifestants ont commencé à s'en prendre aux policiers, qui ont utilisé du gaz poivre pour les disperser. Quelques agents ont été légèrement blessés par des roches ou incommodés par les gaz. Certains sont restés assis au sol durant de longs moments, aidés de leurs collègues. « Ils ont pu être décontaminés sur place », assure le sergent Laurent Gingras, ajoutant que des citoyens et des voitures ont aussi reçu des projectiles dans l'échauffourée. 

Un peu avant 19h, 70 protestataires ont été encerclés près du métro Berri par les équipes du SPVM, qui les poursuivaient depuis plus d'une heure dans les rues et ruelles de la ville. Ils ont été arrêtés sous les cris et les huées d'environ 200 marcheurs rassemblés à la Place Émilie-Gamelin. Quelque 25 personnes ont pour leur part été arrêtées durant la marche en lien avec des actes criminels, dont des méfaits, du vandalisme et voie de fait envers les policiers. Un homme a même été interpellé avant même que le cortège se mette en route. Plusieurs comparaissent ce matin au palais de justice. 

Joint en soirée, un porte-parole de la CLAC, Martin Francoeur, s'est dit déçu de la tournure des événements « On aurait voulu terminer notre marche, mais ça n'a pas été possible.» Selon lui, c'est l'arrestation d'un manifestant avant le début de la manifestation et la forte présence policière qui a fait monter la tension.

Le fil des événements



24h00: Environ 200 manifestants sont toujours dans les rues du centre-ville. Tout se passe dans le calme. 

23h15: Le SPVM confirme que deux manifestants ont été arrêtés un peu plus tôt en soirée sur la rue Ste-Catherine.

23h10: Les manifestants font un sit-in devant le Cégep du Vieux-Montréal, au coin des rues Sanguinet et Ontario.

23h: Petit arrêt au métro Saint-Laurent. Des policiers donnent une bouteille d'eau à leurs collègues qui suivent la manifestation. La foule est maintenant rendue sur la rue Ontario, toujours en direction est.

22h55: Les manifestants ont quitté le Vieux-Montréal et remontent la rue Saint-Denis. Après leur passage, les cônes oranges qui indiquent les travaux en cours autour du CHUM ont tous été renversés.

22h45: Les manifestants optent finalement pour la rue Saint-Antoine en direction est.

22h43: Les manifestants contre la hausse des droits de scolarité reviennent au Champ-de-Mars, là où la manifestation des anti-capitalistes s'était mise en branle il y a moins de six heures. Certains ont l'idée d'emprunter l'autoroute Ville-Marie à contre-sens. Mauvaise idée. Les policiers viennent rapidement leur bloquer la route.

22h35: La manifestation est maintenant dans le Vieux-Montréal. Les marcheurs passent devant La Presse, rue Saint-Jacques.

22h25 : Les manifestants marchent maintenant sur le boulevard René-Lévesque en direction ouest

22h15 : Marchant sur McGill College, les manifestants bifurquent soudain et empruntent les escaliers pour se retrouver au coeur de la place Ville-Marie.

22h05 : Quatre étudiants de l'Université McGill, originaires de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et des États-Unis, sont sortis de leur appartement, rue Jeanne-Mance, pour regarder passer les étudiants qui manifestent. «On peut comprendre leurs revendications. En même temps, ce sont eux qui paient le moins cher en Amérique du Nord et les universités ont besoin d'argent», lance Dylan Watts.

«Moi, je n'ai aucune pitié. On paie deux fois plus cher qu'eux à McGill», rétorque l'un de ses amis.

22h : Environ un millier d'étudiants manifestent ce soir. Ils marchent maintenant boulevard de Maisonneuve. À leur passage, quelqu'un lance des oeufs du balcon d'un immeuble.

21h55 : Les manifestants tournent maintenant sur la rue Bleury en direction nord. Certains sont masqués, mais leur nombre est beaucoup moins nombreux que cet après-midi, lors de la manifestation de la CLAC.

21 h 45 : La manifestation laisse des clients mécontents derrière elle, rue Crescent. «Je suis écoeurée. Ça cause des problèmes de circulation et ça amène moins de clients dans les commerces du centre-ville. C'est dégueulasse», dit une cliente attablée à un restaurant.

21 h 40 : Les manifestants, toujours paisibles, marchent maintenant sur le boulevard Maisonneuve en direction est. Croisé dans la foule, Francis Perreault, un cégépien qui fréquente le Collège Montmorency, déplore que des personnes s'infiltrent dans les manifestations pour faire de la casse. 

«Nous, on veut faire entendre notre message. Les casseurs donnent une excuse aux policiers pour déclarer que les attroupements sont illégaux.»

21 h 30 : Les étudiants empruntent le même chemin que les manifestants de la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) plus tôt cet après-midi. Des vitriers sont déjà affairés à réparer les vitrines d'une succursale de la Banque de Montréal qui avaient alors été fracassées. Dans la foule, on entend encore beaucoup de slogans anti-capitalistes.

21 h 25 : Plusieurs manifestants ont amené leur instrument de musique ce soir. Dans la foule, on voit aussi quelques drapeaux noirs. Des klaxons se font entendre sur Sainte-Catherine quand les manifestants empruntent la rue à contre-sens. Des feux d'artifices sont lancés.

21 h 15 : Ce soir, les policiers ne suivent pas les manifestants sur le trottoir, comme ils l'ont fait au cours des dernières manifestations nocturnes. Les manifestants sont maintenant sur René-Lévesque, en direction ouest.

21 h 10 : L'ambiance est festive et bruyante. Mais quelques minutes de marche à peine et déjà, des pièces pyrotechniques explosent au-dessus de la foule.

21 h 05 : Les policiers bloquent l'accès à la rue Sainte-Catherine. Les manifestants bifurquent vers la rue Saint-Denis en direction sud.