Quelques dizaines d'étudiants du Conservatoire de musique de Montréal ont bloqué l'entrée de l'établissement d'enseignement de la rue Henri-Julien ce jeudi matin, et obtenu la levée des cours pour la journée. Le Conservatoire est la seule école depuis le début de la grève étudiante où bon nombre d'étudiants ont vu leur session être en partie perdue.

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Le Conservatoire vit une situation unique dans le lot des établissements d'enseignement perturbés par le mouvement de grève.

250 personnes y étudient la musique, des niveaux préparatoires, c'est-à-dire des enfants d'âge primaire et secondaire. Puis il y a les niveaux collégiaux et supérieurs.

La majorité des 159 étudiants de ces deux niveaux sont en grève, ou boycottent les cours, selon la personne à qui on parle, depuis quatre semaines.

La hausse des droits de scolarité est ici aussi l'enjeu central. Mais leur hausse à eux, ce n'est pas le 1625 $ contre lequel se bat la masse des grévistes depuis plus de deux mois.

Car eux relèvent du ministère de la Culture, et non del'éducation.

«Le conservatoire a le droit d'imposer les frais qu'il veut. Cette fois, le ministère de la Culture a décidé de s'arrimer à la décision de la ministre Beauchamp et d'augmenter les frais», explique l'étudiante au baccalauréat en clarinette, Geneviève Rivard.

La hausse proposée dans les conservatoires du Québec est donc importante. Au niveau collégial, les cours sont actuellement gratuits, si ce n'est d'une centaine de dollars de frais administratifs. Cela passerait à 400 $ par session. Donc 800 $ par année. Au niveau supérieur, il y a présentement un plafond aux droits de scolarité à 2200 $ par année. Ce plafond serait levé et remplacé par une facturation au crédit. Pour un étudiant à temps plein, cela représenterait plus de 3300 $ en 2014-2015.

L'association étudiante du Conservatoire, récemment affiliée à la Coalition large de l'association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), s'est jointe au mouvement de contestation, même si son dossier devra être négocié différemment.

«Cette hausse brisera des talents musicaux», craint Geneviève Rivard.

Malgré la grève, les cours se donnent pour ceux qui veulent y assister. Mais une règle du conservatoire stipule que tout étudiant manquant deux cours lors d'une session se voit attribuer un échec. La direction a donc annoncé la semaine dernière que tous les grévistes ayant manqué deux de leurs cours verront ces cours annulés plutôt que de se voir décerner un échec.

«Le problème, c'est que ça nous fait perdre un an. Parce qu'on ne peut continuer l'automne prochain si nous n'avons pas complété lescours de cet hiver. Nous devrons donc attendre l'hiver 2013 pour les reprendre», déplore la clarinettiste.

Le président de l'association étudiante du Conservatoire, Simon Rivard, estime que 80 étudiants sont touchés par l'annulation de leurs cours en tout ou en partie et perdront ainsi un an.

La direction indique que ceux-ci peuvent malgré tout tenter leur chance aux examens d'instruments de fin d'année.

Mais Geneviève Rivard affirme que seuls ceux ayant obtenu plus de 90 % au dernier examen y seront admissibles à cette possibilité, ce que confirme la direction du Conservatoire. C'est une mesure habituelle permettant aux «surdoués» de tenter de passer plus rapidement au niveau supérieur.

«C'est extrêmement difficile en examen d'avoir cette note. Ça prend une performance hors du commun. Moi, j'ai eu 87 au dernier, et j'estime que c'est excellent», déplore-t-elle.

Les manifestants ont réussi à obtenir peu après 11h la levée des cours. Et ce même si une injonction leur interdit de perturber l'accès au Conservatoire.

Parmi les manifestants, quelques professeurs, comme Liette Yergeau, prof d'histoire de la musique, qui a été suspendue sans solde pour deux journées à la fin mars.

«Nous avons l'obligation de prendre les présences à chaque cours. À la troisième absence, l'élève se voit décerner un échec. Moi, j'ai indiqué que je ne pénaliserais pas les étudiants. Qu'après la grève, on allait négocier une façon de reprendre les cours manqués. La direction n'a pas approuvé et m'a suspendue les 26 et 27 mars», explique-t-elle.

De son côté, le directeur des neuf conservatoires du Québec, Nicolas Desjardins, indique que la manifestation de ce matin a permis d'ouvrir la porte à une discussion entre les étudiants et la direction sur un éventuel protocole de reprise des cours annulés. La décision n'est donc pas irréversible. Mais si aucune entente n'intervient, il le confirme, les étudiants grévistes devront reprendre à l'automne là où ils ont commencé l'automne dernier dans leurs cours d'instrument.

«Quand aux hausses des droits de scolarité, nous allons observer ce qui se passe du côté du ministère de l'Éducation et aviser en fonction de ça», explique-t-il. En clair, on bougera si le ministère de l'Éducation bouge.

Il note que seul le Conservatoire de Montréal est perturbé par un «boycott des cours», et que tout fonctionne normalement à Val d'Or, Gatineau, Trois-Rivières, Québec, Saguenay et Rimouski.

À noter que ce dimanche à 20h, les étudiants du Conservatoire, épaulés par des étudiants des écoles de musique de l'Université de Montréal et de McGill, et des étudiants du Conservatoire en art dramatique, tiendront un concert pour dénoncer les hausses à l'église Saint-Jean-Baptiste, sur la rue Rachel. Ouvert à tous, il sera présidé par le comédien Marc Béland. On y jouera une pièce au titre dans l'air du temps: Le sacre du printemps, d'Igor Stravinsky.