Les élèves de deux écoles secondaires de Montréal, âgés de 12 à 17 ans, ont déclenché ce matin une grève de trois jours en appui à la contestation étudiante contre la hausse des droits de scolarité. Une troisième a dû lever les cours, les étudiants s'étant massivement absentés des cours. Un geste que les professeurs appuient et que même la direction de l'école salue, du bout des lèvres.

L'école Joseph-François-Perrault (JFP), dans le quartier Saint-Michel, et l'Académie Roberval, dans Villeray, sont entourées de dizaines d'élèves ce matin. Le visage peint en rouge, portant tous l'emblématique carré rouge à la boutonnière, équipés de porte-voix et de trompettes, ils appuient de façon festive leurs aînés.

À JFP, certains y allaient même de concours de limbo. «Limbo! Limbochamp», scandaient-ils.

La semaine dernière, ils se sont réunis en assemblée et ont voté en faveur de cette grève de trois jours à 91%.

Près d'eux, un groupe de professeurs portant le carré rouge les observait.

«Ils ont voté dans un cadre démocratique et parfaitement organisé. Beaucoup de gens pourraient prendre exemple sur eux», opine le professeur d'anglais Rachida Aitahar.

Son confrère Mathieu Alarie, prof d'histoire, croit que malgré le jeune âge de certains, qui en secondaire un n'ont que 12 ou 13 ans, ils comprennent les enjeux du mouvement étudiant.

«Le travail d'un prof est de développer leur esprit. On est là pour leur donner une conscience citoyenne. Ce qui se passe ici est le fruit de notre travail», croit-il.

«On veut un avenir», a lancé Ernesto Rosado Vargas, un jeune de secondaire un.

Son ami Jose Reyes Cueto, du même âge, abondait dans le même sens. «Quand je serai grand, je veux aller à l'université. Je ne sais pas si ma mère aura les moyens de payer avec la hausse», dit-il.

«Le gouvernement n'aime pas que les étudiants décrochent. Mais avec la hausse, il va y avoir plus de décrochage», croit leur consoeur Néïssa Samedy.

La manifestation autour de leur école de 1600 élèves diffère de celles que l'on voit depuis le début du mouvement. Il n'y a pas de policiers en vue. Au micro, les voix des leaders sont moins viriles. À peine muées.

Un membre du conseil étudiant, Arnaud Milot-Chouinard, élève de secondaire quatre, assure que le mouvement dans son école vient de l'intérieur, qu'il n'a pas été monté en épingle par leurs aînés membres des associations étudiantes comme la CLASSE.

«Il y a quelques étudiants de cégep, des anciens de Joseph-François-Perrault, qui sont venus nous appuyer, mais c'est tout. On a commencé notre mobilisation pour la marche du 22 mars en expliquant aux élèves ce qui se passait, à quel point c'est injuste. Puis on a tenu une assemblée le 17 avril, dans laquelle on a expliqué le pour et le contre de la grève», explique l'élève.

La direction se faite discrète

Le directeur de l'école secondaire, Éric Dionne, assistait à la scène, un peu en retrait.

Il avoue être un peu coincé entre l'arbre et l'écorce. Trois jours de cours perdu, ça complique la vie académique de l'école.

«Mais ça me fait aussi plaisir de voir des jeunes exprimer leur opinion. Je suis fier d'eux. Ils en parlent depuis longtemps, et ils sont bien informés», indique-t-il.

Il souhaite que le tout se déroule de façon sécuritaire. Ces manifestants sont mineurs, et il en a la responsabilité.

Grève à l'Académie Roberval

Rue de Castelnau, une centaine d'élèves sur les 400 que compte l'école bloquaient aussi les accès de l'Académie Roberval ce matin.

Jules Michaud, élève de 5e secondaire, et porte-parole pour le groupe, confirme que la grève durera là aussi trois jours. «On souhaite apporter notre solidarité aux étudiants des cégeps et des universités, et en plus, ça nous concerne directement. C'est nous qui payerons la totalité de la hausse», a-t-il déclaré.

Sur les entrefaites, de l'autre côté de la rue, les élèves de l'école primaire Saint-Gabiel-Lalemant encourageaient leurs voisins en scandant «so-so-so, solidarité!».

L'école Édouard-Montpetit aussi fermée

L'école secondaire Édouard-Montpetit, sur l'avenue Pierre-de-Coubertin dans l'arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, a aussi levé les cours pour la journée. Il n'y avait pas eu de vote de grève là-bas comme dans le cas des deux autres écoles, mais quelques élèves seulement s'y sont présentés ce matin, prenant la direction par surprise. Mais aucun piquet de grève n'y était visible.

Lundi, la Commission scolaire de Montréal avait avisé les parents de perturbations potentielles à venir dans certaines de ses écoles, au cours des prochains jours. Le porte-parole de la CSDM,

La direction de la CSDM a toutefois rencontré cet après-midi les associations étudiantes des écoles secondaires en grève et a demandé aux parents, par le biais d'un courriel, d'informer leurs élèves que les cours reprendront mercredi matin, malgré la grève prévue pour trois jours. On invoque la trêve des actions de perturbation demandée par la ministre de l'Éducation Line Beauchamp pendant les négociations avec les associations étudiantes.

«Compte tenu de la demande de trêve, qui a été acceptée par tous pour 48 heures, la CSDM fait appel à la solidarité des élèves du secondaire qui ont voté une grève dans leur établissement pour éviter de nuire aux échanges en cours entre les associations étudiantes collégiale et universitaire et le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Toute nouvelle action pourrait être perçue comme un élément perturbateur», lit-on dans la missive signée par la présidente de la CSDM Diane de Courcy et le directeur Gilles Petitclerc.

Dans une déclaration au sujet des négociations et des manifestations étudiantes qui continuent d'avoir lieu malgré tout, le premier ministre Jean Charest a dit ne pas comprendre le geste des élèves du secondaire.

«Il n'y a pas de raison pour laquelle les élèves du secondaire devraient boycotter leurs propres cours. Il n'y en a pas. D'autant plus qu'on est en discussion avec les représentants des associations», a-t-il commenté.

- Avec Isabelle Audet et Martin Primeau