La Coalition avenir Québec propose non pas de contraindre, mais d'« inviter » unanimement les commissaires Renaud Lachance et France Charbonneau à venir s'expliquer devant l'Assemblée nationale.

Au cours d'une conférence de presse vendredi à Montréal, les députés caquistes Nathalie Roy et Simon Jolin-Barrette ont dit faire le pari que si le Parti libéral ajoute sa voix à celle du Parti québécois, de la CAQ et de Québec solidaire, l'invitation aurait un poids moral certain face aux deux représentants de la Commission Charbonneau, à défaut de pouvoir les contraindre légalement à témoigner.

Interrogé à ce sujet, le premier ministre et chef libéral Philippe Couillard est demeuré vague. « Il serait totalement inapproprié pour le chef de l'exécutif de donner quelque instruction que ce soit à des commissaires indépendants », a-t-il commenté.

Du même souffle, il a rappelé que « la commission parlementaire a le loisir de les inviter, de le faire ou de ne pas le faire », mais il n'a pas exprimé sa préférence.

Les députés de la CAQ font une tout autre lecture des événements.

« Les commissaires doivent sortir de leur silence, a lancé la députée Roy. Maintenant on a des faits nouveaux et ce qu'on apprend sent très, très, très mauvais. »

Les récentes révélations de l'émission Enquête, à Radio-Canada, au sujet des courriels au ton acrimonieux échangés entre les deux commissaires et du brouillon de rapport annoté par le commissaire Lachance qui y a ajouté des commentaires comme « ridicule », en plus de biffer certains passages dans le chapitre sur le financement des partis politiques, laissent un goût amer, selon la députée caquiste Roy.

« Ce conflit a-t-il eu pour effet d'atténuer les conclusions et les recommandations du rapport? Est-ce que ce conflit explique l'absence de blâme qui était pourtant attendu de tous? Beaucoup de questions se posent sur la dissidence du commissaire Renaud Lachance », a affirmé Mme Roy.

Elle a toutefois refusé de spéculer quant aux raisons qui auraient pu pousser ainsi le commissaire Lachance à adoucir le ton lors de la rédaction du rapport, alors qu'il s'était montré fin limier lors des témoignages.

Si le leader parlementaire du Parti québécois, Bernard Drainville, a demandé à voix haute si des pressions politiques avaient été faites sur le commissaire Lachance, Mme Roy a refusé de s'avancer aussi loin. « Je l'ignore », a-t-elle simplement répondu.

Mais les Québécois veulent connaître le fond des choses, d'autant plus que la commission a coûté 45 millions de dollars en fonds publics, ont rappelé les deux députés caquistes. Et la seule façon d'y parvenir est d'entendre les deux parties intéressées et séparément.

Le premier ministre Couillard, quant à lui, a carrément répondu « non » quand on lui a demandé s'il avait été troublé par les révélations de l'émission Enquête.

Puis il s'en est pris au Parti québécois, lui reprochant de s'en prendre aux commissaires lorsqu'il n'est pas satisfait du résultat.

La Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction a produit une soixantaine de recommandations, mais n'a pas émis de blâme formel.

Sa recommandation pivot est d'instituer une Autorité des marchés publics afin de mieux encadrer le système d'appel d'offres. Elle a aussi recommandé d'adopter une loi pour mieux protéger les lanceurs d'alerte - un projet de loi à cet effet vient d'ailleurs d'être déposé.

Le commissaire Lachance a écrit dans le rapport: « je ne peux pas souscrire à la thèse développée dans la section 4.6 concluant à un lien indirect entre le versement de contributions politiques et l'octroi des contrats au niveau provincial ».