Le nouveau directeur général de la Ville de Laval a livré un témoignage éclairant devant la commission Charbonneau, aujourd'hui, sur la culture du «contrôle» qui prévalait sous le règne du maire déchu Gilles Vaillancourt. Serge Lamontagne a raconté comment la plus banale des décisions administratives devait être approuvée par le comité exécutif de la Ville, où était centralisé tous les pouvoirs.

«Toutes les dépenses devaient être approuvées par le conseil exécutif », a-t-il déclaré. « Imaginez, on était obligé d'y amener les demandes d'autorisation pour une formation de fonctionnaires à 200$ ou même pour le remplacement d'un employé parti en congé de maladie pour deux semaines », a-t-il illustré.

«Pour sortir de votre bureau, il fallait quasiment avoir l'autorisation du comité exécutif », s'est exclamé le commissaire Renaud Lachance.

«Ce sont des gestes parmi d'autres qui montrent que l'on a développé une culture organisationnelle de contrôle. C'était top-down dans cette administration-là», a-t-il répondu.

Serge Lamontagne a été nommé dans son poste par la tutelle de Laval il y a neuf mois. Avant son arrivée, la Ville a été entachée par de nombreux scandales.

Rappelons Gilles Vaillancourt, son ancien directeur général Claude Asselin et l'ancien directeur des services d'ingénierie Claude Deguise sont accusés de gangstérisme, de complot, de fraude, d'abus de confiance et de corruption.

Lamontagne a expliqué que l'administration Vaillancourt avait la volonté de gouverner en « silo ». Il a aussi révélé que l'ensemble des dossiers de communication, de santé et de sécurité et de règlements de griefs était systématiquement confié à une firme externe.

«On évacuait toute la responsabilité du fonctionnaire, ça déresponsabilisait l'organisation», a dit Lamontagne.

Parmi les solutions avancées pour remettre Laval sur les rails : un bureau de l'éthique, créé en mars dernier. Le nouveau code d'éthique prévoit par ailleurs que les élus sont désormais obligés de dénoncer toute infraction au ministère des Affaires municipales.

Laval planche aussi actuellement avec le gouvernement du Québec sur une nouvelle charte qu'elle devrait présenter d'ici un an. La charte de la Ville de Laval date de 1965 et est davantage calquée sur le modèle d'une entreprise privée.

Collusion à Montréal : «une tempête parfaite», dit le VG

Le vérificateur général de la Ville de Montréal, Jaques Bergeron a aussi été appelé à la barre de la Commission aujourd'hui.

La collusion à Montréal était non seulement difficile à détecter, le système qui l'a favorisé était « une tempête parfaite », a-t-il expliqué ce matin.

« Lorsqu'il y a entente secrète entre deux ou plusieurs personnes, ça devient très difficile pour le vérificateur général et les instances de gouvernance de la Ville de détecter ce genre de stratagème », a-t-il souligné.

« Dans le cas de Montréal, à l'interne vous aviez différents individus qui contrôlaient le cycle de l'estimation des coûts, de la surveillance des chantiers, du contrôle des extras et de la réédition de comptes aux élus.  Tout balançait. On avait les bons documents, les bonnes autorisations grâce à des gens qui s'entendaient ensemble. »

Les employés de la Ville de Montréal doivent être « alertes », selon Bergeron. «La chaîne de commandement était elle-même était corrompue. On a vraiment ce qu'on appelle la tempête parfaite : il existe des documents qui sont présents et qui sont autorisés, mais qui ne sont pas véridiques. C'est un système parfait. »

Au Québec, toutes les villes de 100 000 habitants et plus sont dotées d'un vérificateur général. À Montréal, la fonction existe depuis 2002, Bergeron est en poste depuis 2012. En 2014, le budget du vérificateur général de Montréal était de 6 millions $. Ce dernier gère la ligne éthique et mène des enquêtes sur les processus d'octroi des contrats, entre autres choses.

Bergeron s'étonne que les systèmes de collusion décrits devant la commission Charbonneau aient perduré aussi longtemps sans être dénoncés.

«C'est un système qui est tellement gros, tellement vaste qui a été décrit à la Commission, que c'est pratiquement impossible que des gens honnêtes à la Ville n'aient pas vu ces stratagèmes-là. »

«C'est très surprenant qu'il n'y ait pas eu de dénonciations que gens qui auraient pu observer ce genre de situation là. Ils n'ont pas voulu en parler, probablement par peur de représailles.»