Tony Accurso a affirmé la semaine dernière à la commission Charbonneau avoir signé un chèque de 250 000$ pour Jacques Duchesneau, qui s'est empressé de démentir l'information. Dans cette situation délicate, quelles sont les options dont dispose ce dernier?

Selon une experte en commissions d'enquête interviewée par La Presse, elles sont très limitées. Même si les allégations étaient fausses, M. Duchesneau pourrait difficilement préparer une poursuite en diffamation pour l'instant.

«Si Jacques Duchesneau voulait poursuivre Tony Accurso, il ne pourrait pas utiliser ce qui a été dit lors de son témoignage. Je pense que ce n'est pas pour rien que M. Accurso a lancé cette bombe-là», a expliqué Martine Valois, professeure adjointe à la faculté de droit de l'Université de Montréal et ancienne conseillère à la commission Bastarache.

La semaine dernière, M. Accurso a affirmé qu'il avait déjà signé un chèque pour rembourser une partie du déficit de la campagne de l'ancien chef de police de Montréal, qui a brigué la mairie en 1998. Ces allégations ont piqué le principal intéressé au vif: «C'est totalement faux», a rapidement rétorqué M. Duchesneau.

Mais que peut-il faire dans ce genre de situation? À ce sujet, la Loi sur les commissions d'enquête est claire: «Nulle réponse donnée par une personne ainsi entendue comme témoin ne peut être invoquée contre elle dans une poursuite en vertu d'une loi, sauf le cas de poursuites pour parjure ou pour témoignages contradictoires.» Toutefois, si M. Accurso répétait ces mêmes allégations en dehors de la salle d'audience de la Commission, la situation serait différente, a expliqué Mme Valois.

Information à vérifier

Selon elle, la présidente France Charbonneau a bien fait de prendre la balle au bon - réalisant l'impact que pouvait avoir ce genre d'allégation - en demandant rapidement s'il était possible d'imaginer qu'une telle affirmation puisse être le produit d'une vengeance.

«Je crois que la Commission a l'obligation morale de faire ce qu'elle peut pour vérifier l'information [divulguée par Tony Accurso]. [...] Est-ce que M. Duchesneau doit être entendu? Ce n'est pas automatique. D'abord, il doit en faire la demande, puis à mon avis, il devrait démontrer de façon absolument certaine qu'il peut prouver la fausseté des affirmations d'Accurso, ce qui toucherait directement à la crédibilité du témoin», a-t-elle expliqué.

La Presse a joint dimanche l'avocat de Tony Accurso, Me Louis Belleau, qui a refusé d'indiquer si son client remettrait aux procureurs de la Commission des preuves des allégations qu'il a soulevées. Il a aussi été impossible d'obtenir une entrevue avec M. Accurso.

Jacques Duchesneau n'était pas non plus disponible, dimanche soir, pour commenter l'affaire. Selon une personne proche de lui qui gère ses relations de presse, il est actuellement à l'extérieur du pays, pour un voyage prévu depuis longtemps. Il est donc impossible pour l'instant de savoir si l'ancien chef de police de Montréal et auteur d'un rapport d'enquête sur la corruption dans l'attribution des contrats publics demandera à témoigner de nouveau devant la Commission.

Par le passé, l'ancien ministre péquiste Guy Chevrette et l'ancien maire de Montréal Gérald Tremblay avaient tous deux formulé cette demande après des témoignages - l'un par écrit et l'autre oralement. Mais la Commission n'a aucune obligation légale de les accepter, a expliqué la juriste Valois.

«Ce n'est pas le genre d'endroit où on revient sur un élément qui touche deux particuliers. C'est un système de corruption et de collusion qu'on enquête, ce ne sont pas deux personnes», estime-t-elle.

«M. Accurso, il est crédible ou il ne l'est pas. Si on peut démontrer qu'un élément de son témoignage est faux, ça entache tout le reste. Si c'est le cas, il faut mettre son témoignage de côté. C'est un élément qui permettrait à M. Duchesneau de venir témoigner», a-t-elle ajouté.

Le témoignage de Tony Accurso se poursuit cette semaine devant la commission Charbonneau.