Tony Accurso a avoué hier devant la commission Charbonneau qu'il utilisait ses employés comme prête-noms pour financer les partis politiques. Une pratique qui a pris son envol après 2001, lorsque les dons au PLQ ont explosé. L'ancien roi de la construction trace un lien direct avec l'arrivée de Marc Bibeau comme grand argentier du PLQ.

Entre 1998 et 2001, les contributions politiques des employés de l'empire Accurso au PLQ se situaient en deçà de 10 000$. Mais de 2001 à 2008, leurs contributions ont augmenté de façon exponentielle, pour atteindre près de 90 000$, avant qu'Accurso ne fasse régulièrement les manchettes en 2009.

«Ce que vous voyez là, c'est exactement ce qu'on nous a demandé», a dit Accurso en regardant le graphique de compilation des dons politiques préparé par la Commission (voir tableau).

De 1998 à 2011, Accurso et ses employés ont donné 556 080$ au PLQ, 154 385$ au PQ et 37 825$ à l'ADQ.

Tony Accurso a déclaré qu'il avait personnellement été approché par Marc Bibeau, probablement au tournant des années 2000, pour contribuer au PLQ.

«C'est un gars que je connais parce que mon entreprise et la sienne font affaire ensemble. Ce n'est pas un ami, c'est une connaissance, a expliqué Accurso. Il m'a appelé personnellement, j'ai été le rencontrer à son bureau et il m'a demandé ces sommes-là année après année.»

Les chèques de «Tony A»

C'est son vice-président aux finances de l'époque, Charles Caruana, qui était chargé de recueillir les chèques des employés, qui étaient «systématiquement» remboursés.

«Il n'y a personne qui va donner un don de 3000$ par conviction, surtout s'il gagne 30 000 ou 40 000$ par année. Il va s'occuper de ses enfants et de son hypothèque avant, alors c'est sûr qu'il était remboursé», a dit Accurso.

Me Sonia Lebel, qui mène l'interrogatoire d'Accurso, a révélé que les policiers ont retrouvé une pile de chèques totalisant 61 500$ lors d'une perquisition au PLQ avec une liste d'employés des entreprises d'Accurso. La pile était identifiée au nom de «Tony A».

Tony Accurso a aussi dit qu'au moment de remettre les chèques au PLQ, ils étaient regroupés dans une même enveloppe portant le sceau de son entreprise.

Lorsque les scandales impliquant Accurso ont commencé à faire les manchettes, les partis politiques ont cessé de le solliciter. «C'était le bon côté de la médaille», a-t-il lancé à la blague.

Souper avec Jean Charest

Tony Accurso dit aussi avoir soupé dans un restaurant du centre-ville avec Jean Charest en compagnie de Bibeau et à l'invitation de ce dernier. Il n'a pu préciser le moment où avait eu lieu ce souper, mais il croit qu'à cette époque, Henri Massé était président de la FTQ.

«Je pense que Charest m'avait dit: «Tony, t'es proche de la FTQ, toi? Explique-moi comment ça marche.» Peut-être qu'il voulait de l'information privilégiée de moi», se rappelle Accurso au sujet de ce souper qui aurait duré une heure.

Une photo Rizzuto-Accurso?

La Commission a aussi diffusé une écoute électronique inédite entre l'ancien président de la FTQ Michel Arsenault et John LeBoutillier qui porte à croire que les policiers sont en possession d'une photo montrant Tony Accurso et le défunt chef de la mafia montréalaise Vito Rizzuto. John LeBoutillier est président du conseil d'administration d'Industrielle Alliance.

«La police a une photo d'Accurso et de Vito Rizzuto qui se donnent l'accolade, à la mafia, sur un trottoir, probablement en avant du Top Resto-Bar. Deux journalistes ont vu la photo, mais la police n'a jamais voulu me la donner», déclare M. LeBoutillier dans la conversation interceptée le 20 mars 2009.

M. LeBoutillier y va ensuite d'une autre révélation étonnante: «La deuxième chose que j'ai apprise, c'est que quand le Parti québécois était au pouvoir, [Serge] Ménard, il avait barré Accurso des soumissions publiques... On m'a dit qu'il l'avait barré parce qu'il y avait toujours des extras dans ses soumissions publiques.»

LeBoutillier ajoute que c'est Jean Charest qui aurait remis Accurso sur une liste de soumissionnaires autorisés à faire affaire avec le gouvernement. «Accurso est allé voir Charest quand il a été élu en 2003, il a été suivi personnellement, lui l'aurait remis sur la liste.»

«C'est complètement faux», a dit Accurso après la diffusion de l'écoute électronique. «J'ai jamais été barré et je n'ai jamais été remis.»

Le commissaire Renaud Lachance lui a alors demandé si, à sa connaissance, un politicien peut user de sa discrétion politique pour écarter un entrepreneur. «Moi, ça ne m'est jamais arrivé, sauf si la Commission montre que Pauline Marois m'a barré d'Hydro-Québec», a-t-il répondu.