Vincenzo Accurso a 17 ans lorsqu'il quitte son village calabrais pour traverser l'Atlantique en 3e classe à bord du vapeur Colombo. Lorsqu'il pose ses valises à Pointe-aux-Trembles, à l'été 1923, le jeune ouvrier agricole n'a que 25$ et une poignée de semences de tomates dans ses poches.

Durant toute sa vie, Vincenzo sélectionnera les meilleurs fruits de sa récolte et replantera leurs graines. Près d'un siècle plus tard, son fils Tony perpétue cette tradition. De plantureuses tomates poussaient encore récemment dans la cour de sa luxueuse résidence de Deux-Montagnes.

Là n'est pas le seul héritage de Vincenzo que son fils a fait fructifier.

À sa mort en 1981, Vincenzo lui cède les rênes de Louisbourg Construction, l'entreprise qu'il a fondée en 1954 et nommée en souvenir de la rue où il a obtenu son premier contrat à Montréal. Tony a alors 30 ans.

Vincenzo avait sciemment choisi de ne pas donner un nom à consonance italienne à sa compagnie pour ne pas «nuire» aux affaires. Plus tard dans sa vie, Vincenzo se fera d'ailleurs appeler James. Tout comme Antonio deviendra souvent Anthony ou «Tony».

Sous le règne du fils, l'entreprise familiale passe de 75 à 3500 employés. Avec plus d'un milliard de chiffre d'affaires annuel, l'empire Accurso était, en 2012, deux fois plus grand que celui de son plus proche concurrent.

«Les idées de grandeur» de Tony n'ont cependant pas toujours plu à son père. «Il le critiquait beaucoup pour ça», confie un membre de la famille élargie. «Il trouvait que ça allait à l'encontre de sa vision d'immigré italien qui voulait bâtir une entreprise sans pour autant conquérir le monde.»

C'est l'une des raisons qui pousseront Vincenzo à envoyer son fils à l'Académie militaire de New York, un collège privé sélect fondé en 1889 dont est issu entre autres le célèbre homme d'affaires américain Donald Trump.

Tony y sera pensionnaire de 1965 à 1970. Encore aujourd'hui, sa façon de mener sa vie et ses affaires est teintée par son éducation militaire, affirment des proches. La discipline est une valeur importante pour Tony Accurso, qui se lève très tôt tous les matins pour travailler ou faire du vélo, même après une soirée bien arrosée.

TONY «LE BÉLIER»

Tony Accurso est un sportif accompli. À l'Académie militaire, il est le capitaine de l'équipe de hockey et de lutte gréco-romaine. Il s'illustre également sur les terrains de football, de tennis et de crosse. L'homme qui a toujours fui les médias est reporter au journal étudiant de son école, The Ramble. Catholique, il assistera aussi l'aumônier de l'école.

Ses exploits sportifs se poursuivent au collège Loyola (annexé à l'Université Concordia en 1974) de 1970 à 1975. En 1972, il se classe au deuxième rang de la ligue universitaire pour les verges au sol, tout juste derrière... Larry Smith, l'ancien joueur et ex-PDG des Alouettes de Montréal, aujourd'hui sénateur conservateur.

«Cette saison, Accurso a bulldozé son chemin à travers 519 verges en 83 courses (une moyenne de 6,3 verges par course) et marqué 5 touchés», rapporte l'album de la promotion du collège Loyola de 1972.

Le coach des Warriors de Concordia de l'époque, Doug Daigneault, se souvient très bien de son joueur étoile. «Il était très compétitif. Cela dit, ses coéquipiers ne s'en plaignaient pas.»

Tony Accurso aurait-il pu jouer au niveau professionnel? M. Daigneault ne l'exclut pas. «Qui sait? Il avait le potentiel pour être un grand joueur. Il s'est illustré de manière exceptionnelle l'année où je l'ai entraîné. J'ai été très déçu lorsqu'il a abandonné.»

«Il était comme un bélier», raconte un membre de sa famille élargie, qui compare sa façon de jouer au football à son caractère fonceur en affaires.

En 1975, Tony obtient son baccalauréat en sciences avec une majeure en ingénierie. Durant ses études, il vit chez ses parents à Deux-Montagnes. Matin et soir, durant cinq ans, il fait l'aller-retour avec son ami et collègue de classe Thomas Gradek.

«À l'époque, le boulevard Décarie n'existait pas. Ça nous prenait trois heures par jour! Mamma mia

Selon Gradek, Accurso n'était pas un fêtard. «Il mettait ses études devant tout, dit-il. Les cours de théologie et de philosophie ne l'enchantaient pas. On y allait tous à reculons, mais Tony ne voyait pas à quoi ça pourrait lui servir.»

C'est aussi lors de ses années universitaires qu'il fait la rencontre de sa première femme: Louise Caron. Ils célèbrent leur mariage le 18 mai 1974 à l'église St. Ignatius of Loyola, située sur le campus de Concordia.

Trois enfants naîtront de cette union: James (Jimmy) en février 1975, Lisa en mai 1976 et Marco en 1981.

En 1977, Accurso fait construire la résidence qu'il habite toujours sur le bord de l'eau à Deux-Montagnes, tout juste à côté de celle que son père s'était fait construire en 1951, l'année de sa naissance.

Louise Caron et Tony Accurso divorcent en 1985.

En juin 1987, Tony épouse une artiste, Laura-Lee Barwick. Ils auront un fils l'année suivante: Giovanni, surnommé «Johnny». Une petite fille, Alexa, issue d'une union précédente de Mme Barwick vit aussi avec la famille recomposée. Le couple divorce en décembre 1994.

L'HOMME «MAGNÉTIQUE»

Durant une partie des années 2000, Accurso forme un couple avec Carolle Poudrier, une ravissante brune de 20 ans sa cadette. «Je suis devenue une meilleure mère, soeur et femme grâce à ses valeurs solides», nous a-t-elle confié.

Poudrier brosse un portrait chaleureux de son ancien conjoint. «C'est un homme bon et extrêmement généreux», dit-elle. «Il a été pour moi un mentor. Sans lui, ma vie et celle de mes proches ainsi que mes valeurs sur l'éducation, le travail et la famille auraient été totalement différentes.»

Poudrier a rencontré Accurso alors qu'elle était serveuse dans l'un de ses restaurants. «Tony est un homme magnétique. Il a beaucoup de charme, il est extrêmement charismatique.»

C'est aussi une «machine» au travail, un passionné. «Ce n'est pas quelqu'un de tiède», dit-elle.

LE PÈRE DE FAMILLE

La famille est extrêmement importante pour Tony Accurso. Lorsqu'il la reçoit à souper le dimanche, il lui arrive de préparer des gnocchis faits maison.

Jimmy, Lisa et Marco ont suivi les traces de leur père. Ils sont tous ingénieurs. Ses quatre enfants ont travaillé au sein des entreprises familiales. Ils ont cependant dû mériter leur place, gagner le respect des employés, insiste Poudrier.

«Avant tout ce cirque médiatique, Tony ne voulait pas que ses enfants conduisent de grosses voitures de luxe. Il disait: «Comment peux-tu mettre dans la face de tes employés leur salaire d'une année? "»

James et Marco ont étudié dans des collèges militaires. «Tony aimait la discipline, il souhaitait que ses enfants reçoivent la même éducation que lui, pour les mettre au pas», indique une source au sein de la famille élargie.

Tony traite tous ses employés comme des égaux, explique Poudrier. «C'est un homme qui n'est pas prétentieux, malgré sa richesse. Il est de ces personnes qui vont saluer le plongeur dans la cuisine.»

Le succès de Tony attirait toutefois son lot de «sangsues». «Mais aujourd'hui, je suis certaine qu'il n'a pas perdu ses vrais alliés, ses employés. Ils travaillent pour lui avec coeur.»

Tony Accurso a horreur des objectifs. Durant des années, une seule photo de lui a circulé dans les médias. «Même s'il fait beaucoup de PR [relations publiques], c'est un homme réservé. Ce n'est pas quelqu'un qui cherche l'attention.»

Carolle Poudrier se désole du traitement médiatique réservé à Tony Accurso. «Il en porte lourd sur les épaules, c'est inhumain, ce qu'il vit.»

Photo tirée de son album de finissants

Tony Accurso en 1975.