L'ancien chef de cabinet de l'ex-ministre Nathalie Normandeau, Bruno Lortie, a minimisé son implication dans les dossiers où sa patronne est intervenue pour hausser le montant des subventions accordées à des municipalités pour des projets d'infrastructure. Ses trous de mémoire ont même provoqué une vive réaction de la part de la juge France Charbonneau, qui préside les audiences de la Commission.

« Il y a quelque chose que je ne comprends pas, lui a-t-elle demandé. Vous avez été la personne la plus importante pour elle, la personne qui doit connaître le mieux ses dossiers, son bras droit, son conseiller spécial... Là, on vous interroge sur des dossiers et vous ne vous ne souvenez plus de rien! C'est comme le cuisinier qui n'est pas capable de faire cuire un oeuf. »

Il y a deux semaines, la commission Charbonneau a révélé que la ministre Normandeau avait utilisé son pouvoir discrétionnaire à 32 reprises pour majorer le montant des subventions accordées à des projets d'infrastructures de l'eau, sans fournir de justificatif dans le dossier.

La Commission a présenté plusieurs dossiers à M. Lortie, qui témoignait aujourd'hui. Dans plusieurs des cas, il avait peu de souvenir du détail des dossiers. Par ailleurs, il ne se rappelait pas des cas où des ingénieurs du ministère ont refusé de signer les dossiers qu'ils n'appuyaient pas.

Il a cependant admis que son amitié avec Marc-Yvan Côté, un ex-ministre libéral devenu conseiller chez Roche, a pu aider la firme à faire progresser certains dossiers en attente d'une subvention aux Affaires municipales. Lors de son témoignage la semaine dernière, Marc-Yvan Côté a déclaré que Lortie était comme son fils « adoptif ».

«Est-ce qu'il y a eu un suivi plus serré quand Marc-Yvan me téléphonait, la réponse c'est fort probablement oui, a dit Lortie. Je ne peux pas affirmer que je n'ai pas rencontré quelqu'un à la demande de Marc-Yvan Côté», a-t-il ajouté.

Du bout des lèvres, Lortie a fini par concéder qu' « avec le recul » il pourrait y avoir eu une apparence de conflit d'intérêt dans sa relation avec Côté, mais qu'il ne voyait pas la chose de cette façon à l'époque.

« Pour vous il y avait un fast track et c'était correct », a demandé la juge Charbonneau.

« Je ne sais pas quoi répondre. Je vous ai dit que c'était mon ami. »

Même si elle connaissait les liens d'amitié entre Lortie et Côté, la ministre Normandeau ne savait pas que la firme Roche était payée par des municipalités pour faire des représentations auprès de son cabinet, a-t-il ajouté.

Bruno Lortie a dirigé le cabinet de Nathalie Normandeau de 2003 à 2011. Elle a occupé la tête de plusieurs ministères.

 

Photo tirée de Twitter/Daphné Cameron

Nathalie Normandeau arrivant à la commission Charbonneau

Les cocktails de financement faits pour « fraterniser »

Selon Lortie, les activités de financement des partis politiques sont avant tout des occasions pour « fraterniser ».

« Est-ce qu'un maire a déjà essayer de pousser un dossier à travers la fraternisation, c'est fort probable », a-t-il toutefois admis.

Lortie affirme qu'il n'a « jamais, jamais » touché au financement politique avant 2003. « Pour moi, le financement c'est aussi plaisant qu'un trou de balle dans la tête », a-t-il lancé.

Lortie assure qu'il n'a jamais été solliciteur de dons pour Mme Normandeau. «J'ai trouvé des solliciteurs», a-t-il nuancé. Violette Trépannier, officiellement responsable du financement au Parti libéral du Québec (PLQ), Marcel Leblanc et l'ancien ministre libéral Marc-Yvan Côté se sont occupés du financement de Nathalie Normandeau, a dit Lortie

Lortie se souvient d'une seule fois où la ministre Normandeau a remis une lettre confirmant l'intention du ministère de subventionner un projet lors d'un cocktail de financement.

Pas impliqué dans l'organisation du cocktail de Zambito

En octobre 2012, l'ex-entrepreneur en construction Lino Zambito a déclaré devant la Commission avoir organisé en l'honneur de la ministre Nathalie Normandeau une activité de financement qui a rapporté 110 000 $ au Parti libéral du Québec (PLQ), en 2008. La totalité de cette somme provenait de contributions illégales, qui ont été versées principalement par des firmes de génie qui ont utilisé des prête-noms, avait soutenu Zambito.

Lortie a dit qu'il ne s'était pas impliqué dans l'organisation de cette activité et que lorsque Zambito lui avait fait connaître son désir de faire une activité il lui a dit « parle à Violette ».

Il a toutefois affirmé qu'il a demandé par la suite à Zambito d'amasser 20 000$ en dons, mais qu'elle ne s'est jamais concrétisée, car M. Zambito a fait l'objet de reportages quelques jours plus tard.