Lorsque l'ingénieur Nicolas Hains a commencé à s'interroger sur le gonflement du prix des soumissions qu'il effectuait chez Construction DJL, son patron lui a répondu: «si je ne te dis pas tout, c'est pour te protéger».

Le constructeur de routes DJL a été au coeur des audiences de la commission Charbonneau cette semaine.

Mardi, l'ancien président de la firme concurrente Sintra, Normand Bédard, a déclaré que Sintra et DJL avaient déjà passé une entente pour fixer le prix de la tonne d'asphalte. Il a aussi indiqué que les deux firmes s'étaient entendues pour se diviser des contrats sur l'autoroute 10.

Sintra et DJL sont les deux plus gros joueurs en matière de construction de route au Québec. Ensemble, ils se sont partagés près de 17% de la valeur de tous les contrats de construction et 42% des contrats de pavage du MTQ entre 1997 et 2012.

Fraîchement sorti de l'école, l'ingénieur Nicolas Hains, a été embauché chez DJL où il est devenu évaluateur. Durant trois ans et demi, il a réalisé entre 100 et 150 évaluations. De ce nombre, il en a uniquement raflé une quinzaine de contrats.

À l'époque il travaillait directement pour Jacques Collin, le directeur du bureau montréalais de DJL.

Lorsque venait le temps de déposer ses soumissions, Hains se faisait dicter une marge de profit à appliquer par M. Collin. « Parfois, je sourcillais à la vue de la marge que je voyais », a-t-il affirmé ce matin. «Je sortais de l'école, donc j'étais très curieux, je posais beaucoup de questions. Ses réponses me semblaient bien plausibles. Il me disait par exemple qu'entre le moment où on avait demandé les plans et devis et qu'on soumissionnait, on avait décroché plusieurs autres contrats. Mais que si on était des Pierre et le Loup, on ne prendra plus DJL au sérieux. »

Déçu de ne jamais remporter de contrats, Hains est allé travailler chez Cima+ en 2005. Collin a tenté de le faire revenir chez DJL quelques mois plus tard. «Inquiète-toi pas, la gammick, tu vas la savoir», lui aurait-il déclaré lors de cette rencontre.

Nicolas Hains admet avoir été remboursé par DJL pour des dons politiques à Union Montréal et Vision Montréal.

«C'était mon premier emploi, je voulais montrer que j'avais les intérêts de l'entreprise à coeur», a-t-il affirmé.

La commission reprendra ses travaux lundi.