Le contre-interrogatoire de l'entrepreneur en construction, Normand Pedneault, s'est terminé ce matin à la commission Charbonneau. Hier, le témoin éclaté en sanglots en racontant un épisode douloureux où ses frères Benoit et Daniel se sont fait passer à tabac sur un chantier de la Côte-Nord par des fiers-à-bras qu'il a associés à la FTQ-Construction. Le chef syndical Bernard «Rambo» Gautier, n'a visiblement pas apprécié son témoignage, fulminant sur sa page Facebook.

« Faut tu être astie d'plein d'marde pour utiliser autant de bassesses pour essayer de jouer a la victime », a-t-il écrit hier soir sur sa page de profil. « Incroyable, celle-là, on l'a jamais vue venir ! Regardez-lui la face, ça vaut mille mots. Un autre qui fait fortune sur le dos des travailleurs. Il a toute une feuille de route notre victime, c'est juste de valeur que la commission en n'a pas parlé. »

L'agression des frères Pedeneault est survenue le 14 novembre 2005 sur le chantier Longue-Rive, où l'entreprise de Normand Pedneault, dont le siège social est à Saguenay, avait remporté un contrat du ministère des Transports du Québec pour le remplacement d'urgence d'un ponceau.

La raison de cette attaque: il avait embauché des travailleurs de la FTQ-Construction, mais pas ceux de la région «référencés » par le syndicat, croit le témoin.

Hier, Pedneault a associé cette affaire à la « gang » du dirigeant syndical Bernard « Rambo » Gautier et de son collègue Michel Bezeau.

Photothèque Le Soleil, Fanny Lévesque

Bernard Gauthier, alias Rambo.

Image tirée de Facebook

Rambo bientôt à la CEIC ?

Normand Pedneault n'est pas le premier témoin de la commission à faire état du climat de terreur qui régnait sur la Côte-Nord.

Mardi, l'entrepreneur Rock Savard, PDG de l'entreprise Construction J & R, a raconté à la commission Charbonneau un épisode de brasse-camarade qui visait à lui faire comprendre que ses ouvriers venus du Saguenay-Lac-Saint-Jean n'étaient pas les bienvenus dans la région.

La table est donc mise pour la venue de Bernard « Rambo » Gautier, qui pourrait venir témoigner sous peu, vraisemblablement la semaine prochaine.

Le 16 février, le principal intéressé à d'ailleurs écrit à ce sujet, toujours sur sa page Facebook : « On va finir par finir! J'ai hâte! (...) S'ils en restent qui ne comprennent pas après cela, alors tournez-vous la tête ciboire. Ça fait 50 ans que notre région se fait piller et violer, ostie. Ben là, c'est fini. »

« Les gens n'ont pas confiance dans le système »

Lors du contre-interrogatoire de Pednault, qui s'est terminé ce matin, la juge France Charbonneau a demandé au témoin quels seraient les gestes à prendre pour faire cesser l'intimidation sur les chantiers.

« Il faudrait briser la peur pour pouvoir dénoncer ». Il faut que les travailleurs eux autres mêmes se prennent en main, parce qu'eux autres aussi en souffrent », a dit le témoin.

Les entrepreneurs ne devraient-ils pas porter plainte, a-t-elle demandé. « La plainte donne quoi? Je sais qu'il y en a beaucoup qui en ont effectué sur la Côte-Nord et rien ne s'est passé. Les gens n'ont pas confiance au système », a-t-il dit.

Avant de quitter, la juge Charbonneau a remercié le témoin pour son courage. «J'espère que votre femme et vos frères son fiers de vous et qu'ils marchent la tête haute.»

Jean François Sabourin, enquêteur à l'Unité des enquêtes spéciales de la Commission de la construction du Québec est le prochain témoin appelé à la barre.

Image vidéo

Jean François Sabourin

Des chefs syndicaux qui font la pluie et le beau temps sur les chantiers

Arrêt des travaux, menaces, intimidation, dépassements de coûts. Un enquêteur de la Commission de la construction du Québec (CCQ) a raconté aujourd'hui à la commission Chabonneau comment une poignée de dirigeants syndicaux ont fait la pluie et le beau temps sur les chantiers du Québec.

Jean-François Sabourin, avocat de formation et enquêteur à la CCQ depuis 2009, a livré les grands constats de ses rencontres avec près de 1000 personnes de l'industrie de la construction, employeurs et ouvriers. Il explique avoir dégagé huit grands « constats » de problématiques qui sont survenues sur les chantiers du Québec de 2009 à 2012, problématiques surtout liées à des chefs syndicaux en particulier.

Selon Sabourin, l'un des plus grands facteurs de risque sur les chantiers est le phénomène de monopole syndical qui persiste au sein de certains métiers dans certaines régions du Québec, comme la Côte-Nord ou la Gaspésie. «Et lorsque le contrôle s'étend jusqu'à l'organisation du travail, ça peut avoir des conséquences pécuniaires pour les employeurs, a-t-il expliqué. Lorsqu'un délégué syndical impose à l'employeur qui travaille sur quelle machinerie, les travaux sont plus longs et ça coûte plus cher», a-t-il résumé.

Sabourin a beaucoup parlé du célèbre Bernard « Rambo » Gauthier, représentant syndical du local 791, qui représente les opérateurs de machinerie lourde sur la Côte-Nord. Il a fait état de la « clause Rambo », un terme utilisé par les entrepreneurs pour décrire les exigences du chef syndical qui ne se trouvaient pas dans les conventions collectives, mais qu'ils n'avaient pas vraiment le choix de respecter.

« Plusieurs employeurs ont mangé leur bas et décidé qu'ils n'iraient plus sur la Côte-Nord», a témoigné Sabourin.

Mais Rambo, qui a fait couler beaucoup d'encre au cours des dernières années, n'était pas le seul chef syndical à en mener large sur les chantiers.

Sabourin a notamment parlé de Larry Roy, un ouvrier du local 791G des grutiers de la Gaspésie, affilié à la FTQ-Construction, qui s'est autoproclamé délégué syndical.

«Quand on parle de Larry Roy, on fait souvent référence à un cartel et on parle d'une loi du silence», a expliqué l'enquêteur Sabourin.

Il a expliqué que Roy avait intimidé ou menacé des employeurs afin d'obtenir des primes ou des avantages qui n'étaient pas inscrites dans les conventions collectives. Il a raconté une anecdote où un employeur avait été contraint de payer des grutiers en temps supplémentaire pour le nettoyage de leurs roulottes qu'ils n'avaient pas eux-mêmes réalisé.

Il a aussi parlé de Denis Jobin, agent d'affaires du local 711 des métiers de l'acier, affilié au Conseil provincial des métiers de la construction (International) au Saguenay. À l'hiver 2012, ce dernier a déjà ordonné un arrêt de travail afin d'obtenir des primes pour ses travailleurs. Me Sabourin a aussi déjà rencontré un témoin qui a porté plainte après cet évènement qui lui a relaté que M. Jobin l'avait téléphoné pour lui dire que s'il remettait les pieds au Saguenay il allait se faire « casser la gueule ».