C'est à coup de menaces et d'intimidation que le dirigeant syndical Bernard «Rambo» Gauthier a imposé ses travailleurs sur le chantier de construction de la route 138 à Colombier, sur la Côte-Nord.

L'entrepreneur Rock Savard, PDG de la compagnie Construction J & R, a raconté ce matin à la commission Charbonneau un épisode de brasse-camarade qui visait à faire savoir que ses ouvriers venus du Saguenay Lac Saint-Jean n'étaient pas les bienvenus dans la région.

L'affaire se produit en octobre 2005, dès l'ouverture du chantier. Trois responsables syndicaux de la FTQ-Construction, Rambo, Michel Bézeau et un troisième homme qui n'a pas été identifié, débarquent sur le chantier et demandent à voir les cartes de compétence des ouvriers de Savard. Savard ne veut pas interrompre les travaux et leur demande de revenir sur l'heure du dîner.

C'est finalement entre 50 et 100 travailleurs de la Côte-Nord qui se présentent le midi.

« M'a te sluger mon esti, m'a te percer », ont crié des ouvriers à l'entrepreneur en parodiant des gestes d'élans d'attaque alors que leurs collègues mimait de les retenir.

Photothèque Le Soleil, Fanny Lévesque

Bernard Gauthier, alias Rambo.

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Rock Savard

«C'est des showman», a décrit Savard au sujet des syndiqués de la Côte-Nord. «C'était un show qu'il faisait, mais c'est assez stressant d'être dans le show !»

Savard affirme qu'il s'est senti intimidé. «Le coeur devait me battre à 500 tours», a-t-il dit.

L'ambiance s'est calmée lorsque Rambo et Bézeau se sont présentés sur les lieux.

La tactique a vraisemblablement fonctionné puisque Savard a fini par conclure une entente pour embaucher presque exclusivement des travailleurs affiliés à la FTQ provenant de la Côte-Nord. Il a aussi accepté d'engager un mécanicien à la demande de la FTQ, même s'il n'était pas nécessaire sur le chantier.

L'entrepreneur Savard a témoigné que cette façon de faire est unique à la région. « Je n'ai jamais vécu ça ailleurs que sur un chantier de la Côte-Nord. Jamais », a-t-il dit. Ailleurs, il n'y a aucun problème à embaucher des ouvriers provenant d'autres syndicats comme la CSN, a-t-il dit.

Plus de 100 km pour de la soupe chaude

Selon Rock Savard, les demandes syndicales et le surnombre de travailleurs imposés pour assurer la paix syndicale sur les chantiers engendrent des coûts entre 5 et 10% supérieurs. Les entrepreneurs soumissionnent donc plus cher dans les contrats de cette région.

L'entrepreneur a donné un exemple de la demande farfelue d'un délégué syndical du camp de la Mista, sur le chantier hydro-électrique de la Romaine, qui exigeait de la soupe chaude tous les midis. Or, il a du dédier un employé pour « charroyer » la soupe sur plus de 100 km tous les jours.

Rock Savard a terminé son témoignage en fin d'avant-midi. Avant la pause du dîner, Daniel Gagné, l'actuel président du Conseil provincial des métiers de la construction, communément appelé l'International, a été appelé à la barre.

Gérard Cyr le « parrain »

La commission a entendu, en après-midi, Daniel Gagné, l'actuel président du Conseil provincial des métiers de la construction, communément appelé l'International en raison de ses liens avec de grands syndicats américains. Le syndicat est considéré comme le rival de la FTQ-Construction.

Le nom de son prédécesseur, Gérard Cyr, est ressorti lors de son témoignage.

La semaine dernière, un entrepreneur est venu témoigner que Cyr serait parvenu à extorquer 1,2 million de dollars à l'entreprise Ganotec, à l'époque où Cyr était gérant d'affaires du local 144 des tuyauteurs, affilié à l'International.

Daniel Gagné soutient qu'il n'a jamais été informé que Cyr recevait de telles ristournes.

Il a cependant fait état de mystérieuses « ententes » qui auraient été conclues entre Cyr et un dirigeant de la FIPOE, le syndicat des électriciens affiliés à la FTQ-Construction.

L'affaire remonte à mars 2010. À l'époque, le local 568 de l'International, qui représente les électriciens, avait déposé une plainte à la Commission de la construction du Québec contre l'entreprise Ondel. Le local 568 soupçonnait la compagnie de discrimination à l'embauche à l'égard de ses ouvriers au profit de ceux de la FIPOE sur le chantier Ultramar, à Québec.

Une rencontre avec le dg de la FIPOE, Arnold Guérin, est donc organisée. Gagné y assiste en tant que DG de l'International.

Guérin demandera aux responsables du local 568 de retirer leur plainte, citant des « ententes » avec Gérard Cyr. « Laisse-moi l'industriel et occupe-toi du commercial et de l'institutionnel, tu verras que tu n'auras pas de problèmes », lâchera Guérin au sujet de cette entente.

Gagné affirme qu'il n'a jamais « connu le fond de l'histoire » et n'a jamais su la nature exacte de l'entente.

Il a cependant mentionné un autre exemple qui porte à croire que la FIPOE et Cyr se sont entendus pour se « diviser » des chantiers.

Cette histoire est récente. Elle remonte à 2013 et concerne cette fois un chantier de construction d'éoliennes à Thetford Mines où le local 568 peinait à faire embaucher des électriciens. « Gérard Cyr m'a dit: 'tu t'éloignes des éoliennes'», a témoigné Gagné « On l'appelait le parrain», a-t-il ajouté au sujet de Cyr. « Ça ne semblait pas le déranger. »

Photo Jacques Boissinot, PC

Gérard Cyr