Michel Arsenault a menti à la commission Charbonneau en prétendant n'avoir qu'une autorité morale sur les syndicats affiliés, soutient le syndicaliste Claude Généreux, qui a été candidat à la direction de la FTQ en novembre dernier.

Dans une lettre qu'il a fait parvenir entre autres à La Presse, M. Généreux réagit avec force au témoignage de l'ex-président de la FTQ, Michel Arsenault, devant la commission Charbonneau. Selon lui, la FTQ est dotée de statuts lui permettant d'intervenir auprès de syndicats comme la FTQ-Construction, dont le «comportement a fait ombrage à l'ensemble de la FTQ, à son Fonds [de solidarité] et même à l'ensemble du mouvement ouvrier», écrit-il.

Joint après l'ajournement des travaux de la Commission, Claude Généreux ne cachait pas son indignation en constatant la «perte de boussole morale» de M. Arsenault. «Il ment sciemment. Sa thèse de l'influence et de l'autorité morale plutôt que du pouvoir ne sert qu'à camoufler son inaction», affirme l'ancien président du SCFP-Québec. «C'est un Gérald Tremblay. Il a agi seulement quand il a su que le public savait, donc sous la pression médiatique», ajoute-t-il.

Obligations

Pour étayer son propos, M. Généreux explique que l'affiliation à la FTQ est volontaire, mais qu'en contrepartie, les syndicats ont le devoir de respecter certaines obligations: participer au financement de la centrale et appliquer les règles édictées dans les statuts de la FTQ au chapitre XV, «Le respect des normes morales et d'efficacité syndicale de la Fédération». En agissant autrement, les 37 syndicats qui composent la FTQ (Métallos, SCFP, FTQ-Construction, Unifor et TUAC, par exemple) s'exposent à des sanctions pouvant aller jusqu'à l'expulsion en passant par les enquêtes et la mise sous tutelle.

Selon M. Généreux, Michel Arsenault n'ignore pas ces dispositions. «Il a manqué de courage parce qu'il craignait que la FTQ-Construction claque la porte. Il avait un choix à faire», déplore-t-il, avant d'ajouter: l'explication de Michel Arsenault est en soi un «aveu indirect qu'une action de la FTQ était possible». «S'il est vrai qu'un enjeu important dans la chicane de clans qui a existé à la FTQ-Construction consistait à obtenir le siège au Fonds, il s'ensuit que personne dans ce syndicat n'avait intérêt à quitter la FTQ et ainsi se tirer dans le pied en perdant à tout jamais l'accès à la FTQ et au Fonds», explique M. Généreux dans sa lettre.

Dans les annales de la FTQ, il existe au moins un cas où le président a fait le ménage dans un syndicat, celui du «dossier noir dans l'industrie de la fourrure». Dans les années 1980, des «éléments mafieux avaient pris le contrôle du syndicat de la fourrure». «Le syndicat fut, après enquête de la FTQ, mis en tutelle. Il en ressortit à la suite un syndicat revigoré et démocratique et dans lequel apparurent de nouvelles dirigeantes qui marquèrent d'ailleurs tous les syndicats du vêtement», raconte M. Généreux.

La Commission écorchée

Ce dernier critique également la commission Charbonneau, qui a manqué à son obligation de s'informer convenablement afin de mener un interrogatoire devant mettre au jour la vérité. Il se dit «abasourdi» du peu de connaissance des règles syndicales de la Commission et, du coup, de son «manque de professionnalisme». Il reconnaît tout de même que la commission Charbonneau a «étalé en quelques traits les fissures de l'armure du chevalier: perte de la boussole morale, manque de courage politique en certaines circonstances critiques, et copinage».

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Michel Arsenault