Contraint de témoigner devant la commission Charbonneau à compter de ce matin, l'ex-président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), Michel Arsenault, est sans contredit un batailleur. Quarante ans de syndicalisme avec ses coups de gueule et un combat constant pour défendre les travailleurs ont forgé l'homme. Voici un bref survol de sa carrière.

Quand la grève des mineurs de Murdochville éclate en mars 1957, Michel Arsenault n'a que 6 ans. Son père est l'un des travailleurs qui traverseront les sept mois de ce conflit qui laissera derrière lui deux morts et des meurtrissures profondes face au régime duplessiste.

Des années plus tard, Michel Arsenault dira de cet épisode qu'il a été marquant dans sa vie. «Je m'en souviens très bien. C'était un peu comme une guerre civile.»

Quand, à son tour, il entre à la Gaspé Copper Mines en 1969, la destinée du jeune Arsenault, «c'était la boîte à lunch pis, sous terre». Mais sa mère l'incite à s'engager dans le syndicat, et le goût de représenter ses collègues lui vient rapidement.

En 1973, Michel Arsenault est élu président du syndicat des Métallos de la mine. Il venait de gravir le premier échelon de sa longue carrière syndicale.

Rapidement, l'électricien fait place au permanent syndical. Il fait un court séjour à Montréal puis s'installe à Sept-Îles d'où il coordonnera la région de la Côte-Nord, la Gaspésie et les Îles de la Madeleine pour les Métallos.

C'est à cette époque qu'il aura la responsabilité de négocier les conventions collectives des secteurs des mines et de la sidérurgie. Il croisera le fer avec l'ancien premier ministre Brian Mulroney, alors président de l'Iron Ore.

Puis, son talent l'amène à Québec, Saint-Jean-sur-Richelieu et Montréal. Après le référendum sur la souveraineté de 1995, Michel Arsenault ne cache pas sa déception. Il choisit alors de partir pour Toronto où il agira comme adjoint au directeur canadien des Métallos. Pendant cinq ans, il aura, entre autres responsabilités, le dossier des affaires internationales qui lui permettra de tisser des liens avec le mouvement syndical outre frontière.

Les remous de la présidence

À son retour au Québec, sa feuille de route le conduit naturellement vers la direction des Métallos. Ce seront des années fastes pour Michel Arsenault qui s'imposera comme leader. À compter de ce moment, il siégera au conseil d'administration du Fonds de solidarité.

Le président de la FTQ d'alors, Henri Massé, deviendra son mentor. Ainsi, lorsque M. Massé décide de quitter ses fonctions avant la fin de son mandat, en 2007, il désigne M. Arsenault comme dauphin. Le geste soulève des critiques, puisque l'élection a plutôt l'allure d'une passation des pouvoirs.

Parmi les autres candidats potentiels, il y a le secrétaire général de la FTQ, René Roy. Comme numéro 2, il espérait prendre le relais de M. Massé. Trois ans plus tard, il tentera en vain de remplacer Michel Arsenault dont l'étoile avait alors pâli sous la vague de scandales qui s'était abattue sur la FTQ-Construction.

Malgré tout, M. Roy reconnaît les qualités de ce «syndicaliste convaincu et très convaincant». «Comme directeur des Métallos, Michel a été très apprécié. C'était un bon stratège», soutient M. Roy qui refuse toutefois de se prononcer sur la présidence de M. Arsenault.

Sitôt élu à la présidence de la FTQ, Michel Arsenault met le pied sur le terrain politique et affiche ses couleurs. Il lance les hostilités contre l'Action démocratique du Québec (l'ancêtre de la Coalition avenir Québec) qui remet en question certains acquis du syndicalisme, dénonce-t-il.

Si d'aucuns apprécient le fait que Michel Arsenault ne «tourne pas autour du pot», en coulisses, certaines personnes critiquent les «maladresses» du président. «Il arrivait après Henri Massé et il n'avait pas la même envergure et, donc, pas le même ascendant sur l'organisation», souligne une personne proche de la FTQ qui préfère garder l'anonymat.

Le contexte de la commission Charbonneau en rende nerveux plus d'un à la FTQ. À quelques jours du témoignage de M. Arsenault, la FTQ et tous ses syndicats affiliés se sont fermés comme une huître au nom de la sacro-sainte solidarité. Ceux qui osent faire quelques commentaires réclament que leur nom ne soit pas publié.

De crise en crise

Moins d'un an après son arrivée en poste, Michel Arsenault est confronté à une crise interne qu'il croit pouvoir juguler. Ken Pereira, directeur du syndicat des mécaniciens industriels, vient le rencontrer dans son bureau et lui expose une utilisation inappropriée de la caisse de la FTQ-Construction par le directeur général Jocelyn Dupuis. Ken Pereira a une copie des factures en main et souhaite que le président règle le problème.

«Ma première impression a été qu'il était un gars qui se tenait debout et qui démontrait de la compassion pour les syndiqués. Il était beaucoup plus facile d'approche qu'Henri Massé», raconte M. Pereira qui changera vite d'opinion. «Je me suis rendu compte que c'est pas un homme de parole. Le politicien a vite pris le dessus sur le syndicaliste. Il m'a remis le problème entre les mains. C'est pas ce que j'appelle avoir de la colonne», dit Ken Pereira qui deviendra l'ennemi numéro 1 de la FTQ.

Les années qui suivent demeurent houleuses pour la FTQ. Michel Arsenault part en guerre contre le projet du gouvernement d'éliminer le placement syndical dans l'industrie de la construction, mais, en commission parlementaire, il se heurte à un mur nommé Lise Thériault, la ministre du Travail d'alors. «C'était un syndicaliste qui n'hésitait pas à utiliser des méthodes pas toujours subtiles pour influencer le gouvernement. Il est passé par le président de la commission parlementaire pour me faire taire. Ça m'a stimulée, au contraire. Cette culture-là fait partie du syndicalisme de la FTQ», critique Mme Thériault.

Puis, quand la commission Charbonneau ouvre le chapitre sur l'infiltration du crime organisé à la FTQ, l'automne dernier, c'est le début de la fin pour Michel Arsenault. Sa volonté d'obtenir un troisième mandat de ses membres lors du congrès de novembre 2013 ne résistera pas au ressac. Il quitte son poste, cachant difficilement son amertume.

«À sa défense, Michel Arsenault a hérité d'un climat de corruption. Et tout ce qu'il savait, ça lui pesait lourd sur les épaules», croit Ken Pereira.

En cinq dates

> 1973

Président des Métallos de Gaspé Copper Mines, à Murdochville

> 1996

Adjoint au directeur canadien des Métallos, à Toronto

> 2000

Directeur québécois des Métallos

> 2007

Président de la FTQ, président du conseil d'administration du Fonds de solidarité

> 2013

Retrait du syndicalisme