Le Fonds de solidarité FTQ n'avait pas de malaise à s'associer avec Ronald Beaulieu, même après qu'il eut plaidé coupable à une accusation de prêt usuraire. Jocelyn Dupuis, dirigeant déchu de la FTQ-Construction, s'est même vanté d'avoir persuadé l'actuel PDG du Fonds de solidarité, Yvon Bolduc, de s'associer avec Beaulieu, proche des Hells Angels.

L'ancien PDG du bras immobilier du Fonds de solidarité FTQ, Guy Gionet, a poursuivi son témoignage à la commission Charbonneau, hier. Gionet a été le grand patron de la SOLIM (rebaptisée Fonds immobilier de solidarité FTQ) de 2004 à 2009.

Lors de sa troisième journée à la barre, Gionet a surtout été questionné sur trois «dossiers toxiques» impliquant Ronald (Ronnie) Beaulieu.

Un extrait d'écoute électronique diffusé hier matin a révélé que Jocelyn Dupuis avait fait appel à Gionet afin qu'il rédige une lettre «sucrée» ayant pour but de convaincre une banque de consentir un prêt à Beaulieu pour qu'il achète un immeuble au centre-ville en partenariat avec la SOLIM.

«J'ai attaché avec Yvon», a lancé Dupuis dans la conversation, en avril 2008.

«Yvon y va te parler là, pis y va r'garder tout l'ensemble du dossier parce que moi je m'ai entendu avec lui... j'y ai dit: j'ai besoin de toé, pis je l'ai convaincu», rapporte Jocelyn Dupuis. «J'ai dit crisse, Ronnie c'est mon chum pis on va s'en aller de l'avant.»

Au final, le partenariat a échoué puisque Beaulieu n'a jamais obtenu le prêt nécessaire d'une institution financière. La SOLIM est donc devenue la seule propriétaire du terrain.

Gionet a déclaré que le «bon emplacement» de l'immeuble justifiait l'investissement de la SOLIM et non les pressions de Jocelyn Dupuis, ami proche de Beaulieu.

Danseuses et chantage

Ronald Beaulieu a plaidé coupable à une accusation de prêt d'argent à un taux d'intérêt criminel en 2004. À cette époque, la SOLIM étudiait la possibilité d'appuyer Beaulieu dans un projet de centre commercial à Port-Cartier.

Le conseil d'administration de la SOLIM n'a pas abordé le dépôt d'accusations contre Beaulieu. «On considérait qu'il avait purgé sa peine», a justifié Gionet devant la Commission.

«Vous étiez drôlement complaisants avec M. Beaulieu», a commenté la juge France Charbonneau.

Un des procureurs de la commission, Me Simon Tremblay, a abordé un troisième dossier dans lequel Beaulieu a fait une démarche auprès de la SOLIM dans l'espoir d'obtenir du financement: celui du bar de danseuses Dix-35, à Carignan.

C'est cette affaire qui a fini par provoquer le renvoi de Gionet de la SOLIM, lorsque l'histoire a été médiatisée.

La SOLIM a autorisé un prêt hypothécaire de 1,1 million pour l'achat des terrains autour du bar d'effeuilleuses. Dans les faits, cet argent devait servir à aider Beaulieu à acheter le local du bar de «danseuses à gogo» qu'il louait déjà.

Indemnité de 1,3 million

Après son renvoi, Gionet a empoché une indemnité de départ de 1,3 million. Cette entente prévoyait toutefois qu'il soit «disponible» durant quatre ans pour assurer le suivi de différents dossiers.

A-t-on tenté d'acheter son silence? En fin de journée, Gionet a dit qu'il avait menacé de poursuivre son employeur après son renvoi, en mai 2009. Il estime aussi avoir servi de bouc émissaire dans le dossier Dix-35.

«Moi, j'sors là, ça va faire mal à tout l'monde», dit-il à Jean Lavallée quelques jours après son renvoi. «L'avocat du Fonds veut pu me représenter parce qu'y dit que je suis en conflit avec le Fonds. Tsé, y m'font toutes de la pression pour que j'me farme la yeule avec un espèce de chantage», ajoute-t-il.

Dans la même conversation, interceptée le 19 mai par la police, Gionet implique une fois de plus Yvon Bolduc dans le dossier du Dix-35. «C'est Yvon Bolduc, esti, qu'y m'a appelé de faire ce dossier-là, pis j'l'ai faite correctement», dit-il.

Le contre-interrogatoire de Guy Gionet devrait se terminer ce matin.

L'ancien président de la FTQ-Construction, Jean Lavallée, qui devait commencer à témoigner hier, sera finalement entendu à compter d'aujourd'hui.