L'ancien PDG du bras immobilier du Fonds de solidarité FTQ Guy Gionet recevait les conseils de l'entrepreneur Tony Accurso dans des dossiers d'investissement impliquant ses compétiteurs.

Les audiences de la commission Charbonneau ont repris hier avec le témoignage de Guy Gionet, grand patron de la SOLIM (rebaptisé Fonds immobilier de solidarité FTQ) de 2004 à 2009. Des extraits d'écoute électronique de conversations entre M. Accurso et M. Gionet, diffusés hier à la commission Charbonneau, ont démontré l'ascendant qu'avait l'entrepreneur en construction.

Dans une conversation enregistrée en février 2009, Accurso suggère carrément à Gionet de ne pas rencontrer Joe Borsellino, de Construction Garnier.

«C'est soit je lui donne rendez-vous pis regarde, je fais le corporate. Je l'écoute, pis je dis rien. En disant écoute, on va voir ce qu'on peut faire», lui répondra Gionet. «Je vais plutôt jouer la game», poursuivra-t-il.

«Rencontre-le, pis tu peux chialer, tu peux patiner pis toute la patente», acquiescera ensuite Accurso.

«Je te dirai de toute façon qu'est-ce qu'il veut», répondra Gionet.

Dans une autre conversation interceptée par les policiers un mois plus tôt, Accurso informe Gionet qu'il ne veut pas s'associer avec l'entrepreneur Tony Magi dans l'achat d'un terrain à LaSalle.

«Écoute, il veut que je fasse les mêmes conditions que je t'avais faites», l'informera Gionet au sujet du financement.

«Non, non, non», répondra Accurso du tac au tac. «Moi, je veux rien savoir de ce gars-là. Faque il y a deux choix: qu'il prend au complet son osti de terrain, c'est à lui pis il le garde, pis qu'il se le fourre dans le cul.»

«C'est ça, on va en trouver d'autres», répliquera Gionet.

Devant la commission, Gionet s'est défendu en affirmant que malgré ses conseils, Accurso n'a «jamais empêché» une rencontre ou quelqu'un de faire affaire avec la SOLIM.

Gionet a toutefois témoigné que Tony Accurso, un partenaire d'affaires de longue date, avait des «entrées directes» pour présenter ses dossiers à la SOLIM.

Or, Michel Arsenault, l'ancien président de la FTQ, a déjà déclaré publiquement qu'il n'y avait pas eu de «fast-track» pour favoriser ses projets.

Arsenault était-il au courant de l'accès privilégié de M. Accurso? a demandé le procureur de la commission, Me Simon Tremblay. «Oui, oui, je comprends qu'ils étaient des amis très proches», a-t-il répondu.

Forcé de quitter la tête du bras immobilier du Fonds de solidarité FTQ en 2009 après une «vérification interne» sur sa décision de financer des projets d'un proche des Hells Angels, Guy Gionet a tout de même continué d'y être consultant pendant quatre ans, a-t-on appris hier.

Indemnité de 1,3 million

Depuis son départ, il a empoché une indemnité de départ de 1,3 million. Cette entente prévoyait qu'il soit disponible durant quatre ans pour aider la nouvelle direction et assurer le suivi des dossiers.

Dans le cadre de son témoignage, Gionet a aussi admis avoir habité durant six mois dans un condo appartenant à Marton, une compagnie à laquelle Accurso était associé. Gionet dit avoir fait six chèques de 1000$, mais soutient qu'ils n'ont jamais été encaissés. Il n'a cependant jamais séjourné sur le yacht de Tony Accurso.

Le témoignage de Gionet a aussi démontré l'influence de l'ancien président de la FTQ construction Jean Lavallée à la SOLIM. À l'époque, Lavallée était président du CA de la SOLIM. Gionet dit qu'il considérait Lavallée comme son patron et qu'il devait «répondre à ses instructions». Il l'informait d'ailleurs de ses décisions avant les autres membres du CA.

Dans une autre conversation téléphonique qui s'est tenue en 2009, un homme dont l'identité n'a pas été révélée demande à Gionet si les rumeurs concernant les activités possiblement criminelles d'Accurso le «fatiguent» ?

«C'est sûr que c'est fatigant au niveau de la réputation, mais c'est pas criminel», répondra Gionet.