Le ministère fédéral des Travaux publics a déployé des efforts importants pour suivre à la trace les audiences de la commission Charbonneau et passer au peigne fin ses propres relations contractuelles avec les firmes qui ont été éclaboussées.

Des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information révèlent que même le sous-ministre des Travaux publics a été informé quotidiennement des révélations parfois troublantes des témoins qui ont circulé devant la commissaire France Charbonneau.

Le plus gros donneur d'ouvrage du gouvernement fédéral a mis sur pied une structure formelle pour suivre les audiences et en résumer les principaux témoignages. Les noms de toutes les entreprises qui ont été mentionnées ont aussi été scrutés à la loupe par l'entremise des banques de données du Ministère contenant les contrats attribués par Ottawa depuis 2000.

«À notre connaissance, aucun contrat [du ministère des Travaux publics] n'est visé actuellement par les allégations de corruption», peut-on lire dans les documents qui portent sur la période de mai à février 2013. On ajoute toutefois du même coup: «Face à ces réseaux organisés et expérimentés, nous ne sommes pas à l'abri des failles.»

La section québécoise du ministère fédéral a donc créé trois comités pour se prémunir contre la menace de la corruption que pose l'industrie de la construction dans la province. «Nous devons identifier nos faiblesses pour agir de façon proactive», a-t-on précisé.

Un résumé quotidien des audiences est aussi rédigé par une employée et il est expédié dès le lendemain, à l'interne, à plus de 75 personnes, dont le sous-ministre, des sous-ministres adjoints et plusieurs hauts fonctionnaires.

La création de cette nouvelle organisation interne a d'ailleurs causé plusieurs maux de tête aux gestionnaires de la fonction publique, qui se sont plaints de la surcharge de travail et ont même dû embaucher du personnel à l'extérieur du Ministère.

Il y a quelques semaines, le ministère des Travaux publics avait nié avoir mené toute forme d'enquête sur les entreprises mises à mal devant la commission Charbonneau. Après la publication d'un article à ce sujet dans La Presse, le Ministère a fait volte-face et affirmé qu'il «examine soigneusement» les contrats attribués par ces mêmes entreprises. On ignorait jusqu'ici la nature et l'ampleur de cet examen.

Le ministère des Travaux publics est le plus gros donneur d'ouvrage du gouvernement fédéral et attribue près de 80% de ces contrats.

Le mandat de la commission Charbonneau exclut le volet fédéral. Elle se penche sur des allégations de corruption dans l'industrie de la construction au Québec et sur ses liens avec le gouvernement provincial et les administrations municipales. Cela n'a pas empêché au moins un témoin d'affirmer que certains des stratagèmes examinés étaient aussi en oeuvre au fédéral.

Des firmes mentionnées à la Commission ont obtenu des milliards de dollars en contrats du ministère des Travaux publics. Ces firmes incluent SNC-Lavalin, Dessau, CIMA+ et Louisbourg Construction.

- Avec William Leclerc