L'ancien maire de Laval, Gilles Vaillancourt, décidait seul de la part des contrats octroyés aux firmes de génie, a affirmé l'ex-directeur général, Claude Asselin. Selon lui, ce partage pourrait avoir fait l'objet de corruption.

Claude Asselin a débuté cet après-midi son témoignage. Celui-ci a expliqué que les ingénieurs de l'île Jésus ne font pas de plans, d'estimation de coûts ou de surveillance de chantier. Tout ce travail a été confié en sous-traitance, par souci d'économie, a-t-il expliqué.

Un cahier de notes d'un ancien directeur du génie permet de comprendre que les firmes avaient droit à un pourcentage des contrats. Le tout était décidé par le maire Gilles Vaillancourt, affirme Asselin. «C'était sa décision, son choix. Il n'y a pas eu de discussion. D'après moi, c'était en fonction de la taille des firmes.»

Selon les données, Dessau et la firme Gendron Lefebvre, devenue Tecsult, avaient chacune droit à 28% des contrats. Cima+ en avait 18%. Asselin précise que ces pourcentages n'ont pas beaucoup changé entre 1996 et 2002.

Avant 2002, les contrats de génie ne faisaient pas l'objet de collusion puisqu'ils étaient octroyés de gré à gré. Mais de corruption, lui a demandé la juge France Charbonneau. «Oui, ça pouvait», a concédé Asselin.

L'ex-directeur général de Laval admet avoir souvent entendu parler de collusion à Laval, mais ne jamais être intervenu. «Ce n'était pas dans mon mandat d'agir», s'est-il défendu.

«Vous n'aviez pas à protéger intérêts de la Ville», s'étonne Me Crépeau? «Ça fait pas vraiment partie du mandat», a répété Asselin. L'ex-directeur général s'explique mal son inaction. «J'avais des réserves, de la subordination...»

Payé par la caisse occulte

Plus tôt, le notaire Jean Gauthier a affirmé que l'attaché de presse du maire Vaillancourt, Pierre Desjardins de la firme National, recevait des paiements de la caisse occulte du PRO des Lavallois.

Confronté par la commission Charbonneau, Jean Gauthier a fini par reconnaître avoir autorisé «certaines dépenses» de la caisse occulte qu'a reconnu avoir tenu l'avocat Pierre Lambert. Il a ainsi admis que, possiblement en octobre 2012, «j'ai envoyé quelqu'un se faire payer chez Pierre Lambert. C'est Pierre Desjardins». Il a plus tard précisé qu'il s'agissait de l'attaché de presse du maire Vaillancourt, un contractuel de la firme de relations publiques National.

Jean Gauthier dit que Pierre Desjardins avait un double rôle. En plus d'être rémunéré par la Ville de Laval pour son travail au cabinet du maire, il était aussi rémunéré par le PRO des Lavallois. «Desjardins était toujours payé par la caisse occulte», a-t-il précisé.

Rappelons que National a annoncé récemment abandonner son contrat d'un demi-million par année auprès de Laval. Ses porte-paroles cesseront de représenter la Ville le 10 juillet prochain.

Le témoignage du notaire Jean Gauthier a tourné à la confrontation à la commission Charbonneau, mardi. L'homme qui multiplie les trous de mémoire nie avoir joué un rôle central dans le stratagème du 2%, accusant tous les autres témoins d'avoir menti pour faire de lui leur bouc émissaire.

Jean Gauthier a eu d'importantes difficultés à expliquer pourquoi son ami Jean Bertrand l'avait pointé du doigt comme la véritable éminence grise au PRO des Lavallois. «Je me demande si c'est lui ou si c'est moi le menteur», a-t-il simplement répondu.

Confronté par le procureur Denis Gallant sur un autre témoignage le visant, le témoin a dit avoir de la difficulté à se souvenir de plusieurs détails avancés devant la Commission. «Je ne sais pas si je souffre d'Alzheimer, je ne me rappelle pas du tout, du tout, du tout», a-t-il offert pour toute explication.

Peu convainquant

Même s'il reconnaît avoir collecté de l'argent auprès des firmes de génie, le notaire Jean Gauthier continue à nier catégoriquement avoir pris part à un système de ristourne à Laval. Le témoin a assuré à la commission Charbonneau ne jamais avoir reçu de directives de l'ex-maire de Laval, Gilles Vaillancourt, sur la collecte du 2% auprès des ingénieurs.

«Je nie totalement que je faisais partie du système de collusion à Laval, je vais le nier jusqu'à fin de mes jours», a assuré le témoin à la 2e journée de son témoignage.

Après avoir admis hier avoir servi de «courroie de transmission» entre les firmes de génie et le PRO des Lavallois, Jean Gauthier s'est fait évasif sur la façon dont il a été informé sur son rôle dans la collecte. «Je vous dis sous serment: jamais Gilles Vaillancourt ne m'a donné un mandat pour ça», a assuré le témoin devant la commission Charbonneau. Le témoin a ajouté ne «jamais avoir eu de contrôle» sur le 2%, répétant avoir simplement servi de courroie de transmission.

Cette version ne convainc pas le procureur de la Commission, Me Denis Gallant. Celui-ci tente de savoir pourquoi les ingénieurs passaient par un «petit notaire de quartier», selon l'expression de l'avocat, pour remettre des montants d'argent au PRO des Lavallois. «Comment un Gilles Vaillancourt, homme discret et contrôlant, peut avoir placé ça chez un petit notaire de quartier à Laval ?»

«Traitez-moi de fou, torturez-moi: je ne le sais pas», a maintenu le notaire.

«Vous jouez à l'autruche, vous avez la tête dans le sable à je ne sais pas combien de pieds...» s'est indigné Me Gallant.

Jean Gauthier a défendu ses gestes en disant que toutes les formations politiques agissent ainsi. «Trouvez-moi un parti qui l'a pas fait. C'est vrai que ce n'était pas légal, mais quand vous pensez que premier ministre demande 100 000$ par comté... C'était banalisé, comme les limites sur les autoroutes: tout le monde va à 120km/h même si limite est à 100km/h», dit Gauthier.

Le notaire dit avoir reçu des enveloppes régulièrement des firmes CIMA+, Génivar, Tecsult et Dessau. Questionné sur la raison pour laquelle une firme plus importante comme SNC-Lavalin ne lui rendait pas visite, Jean Gauthier a émis l'hypothèse que le maire Vaillancourt exigeait une ristourne seulement des entreprises implantées à Laval.

La Commission a d'ailleurs révélé que le président démissionnaire de Dessau, Jean-Pierre Sauriol, a rencontré à quatre reprises le notaire Jean Gauthier, selon son agenda. Me Gallant a indiqué que la firme devait remettre une quote-part de 50 000$ par année.

Jean Gauthier a aussi confirmé avoir eu accès à deux coffrets de sûreté. Il a expliqué en avoir eu besoin de deux parce que le premier était plein. L'argent comptant y étant entreposé devait servir à aider sa fille à adopter un enfant en Arménie.