L'avocat Pierre L. Lambert a reconnu devant la commission Charbonneau avoir géré la caisse occulte du parti de l'ex-maire Gilles Vaillancourt jusqu'en octobre 2012. Il confirme avoir reçu environ 2 millions de dollars en 4 ans, remettant plus de 720 000$ aux enquêteurs en mars dernier.

La question de la ristourne que PRO des Lavallois a récoltée sur les contrats municipaux de Laval est revenue à l'avant-plan de l'enquête publique alors qu'elle entend l'avocat Pierre Lambert. Cet homme avait été pointé du doigt par deux autres témoins comme un des collecteurs pour le parti de l'ex-maire Vaillancourt.

>>>Dons de Pierre Lambert aux partis politiques municipaux

>>>Dons de Pierre Lambert aux partis politiques provinciaux

Questionné sur son rôle au sein du PRO, Pierre Lambert a répondu que «d'une manière ou d'une autre zéro». Après une heure de questions du procureur Me Simon Tremblay, l'avocat a toutefois fini par admettre avoir eu en sa possession la caisse occulte du parti. Il a d'ailleurs remis la somme de 721 920 $ aux enquêteurs de la Commission en mars dernier.

En 2006, Jean Gauthier appelle Lambert pour lui dire qu'il cherchait quelqu'un de «confidentiel et discret» pour aider le PRO. «Mon ego était peut-être flatté parce que les gens reconnaissent que je suis confidentiel et discret.»

Son rôle? «Détenir des fonds et attendre des instructions de Roger Desbois», a résumé Lambert. Quand la Commission lui demande s'il comprend alors qu'on lui propose de gérer la caisse occulte du PRO, il a répondu par l'affirmative. «Je le comprends, mais c'est pas clair» dit Lambert.

Le témoin reconnaît que c'était «inapproprié», mais l'avoir réalisé seulement plus tard. «Votre égo fragile l'a emporté» lui a balancé France Charbonneau. «La reconnaissance, c'est important», a précisé Pierre Lambert.

Il affirme avoir rencontré l'ingénieur Roger Desbois en juin 2006. Il lui a expliqué collecter de l'argent et qu'il lui remettra lorsqu'il aura accumulé des sommes importantes.

Le premier versement a eu lieu à la fin du mois de juin 2006. Roger Desbois le convoque dans le stationnement intérieur de l'édifice où loge la firme Tecsult. Il a sorti de la valise de sa voiture un carton dans lequel il y avait 200 000 $. Lambert dit se fier à la parole de l'ingénieur, assurant ne jamais avoir compté l'argent. L'avocat dit avoir participé à une dizaine de ces rencontres, corroborant l'évaluation de 2 millions que Roger Desbois a évalué lui avoir remis.

Pierre Lambert dit avoir caché l'argent dans une boîte de carton qu'il laissait dans un entrepôt qu'il louait pour entreposer du mobilier et ses archives.

Simple dépositaire, l'avocat dit avoir redonné l'argent à raison de quatre ou cinq fois par année. Il évalue avoir versé les deux tiers à Jean Bertrand, agent officiel du PRO, et le dernier tiers au notaire Jean Gauthier.

Le dernier versement a eu lieu en octobre 2012, soit au moment même où l'UPAC multipliait les perquisitions à Laval.

Son entrepôt n'a toutefois pas été visité puisqu'il a remis en mars dernier ce qu'il lui restait dans son entrepôt, soit la somme de 721 920 $.

Rappelons que Pierre Lambert a été arrêté par l'UPAC le 9 mai dernier lors de l'opération Honorer à Laval. Il est accusé de complot.

Deux témoins de la Commission ont identifié Pierre L. Lambert comme un collecteur du 2%. Le témoin Roger Desbois a identifié Pierre Lambert comme l'un des intermédiaires à qui il remettait l'argent collecté grâce au système du 2% imposé sur les contrats municipaux de Laval. Il avait évalué lui avoir remis 2 millions au fil des ans pour le PRO des Lavallois. 

Selon Desbois, Lambert a succédé au notaire Jean Gauthier vers 2005 ou 2006. Leurs rencontres pour la remise de l'argent avaient lieu dans un garage de l'édifice où loge Tecsult à Laval. 

L'ex-agent officiel du PRO, Jean Bertrand, a affirmé pour sa part avoir reçu 20 000 $ pour son travail bénévole au sein du parti des mains de Lambert. Le témoin a dit s'être rendu à deux reprises dans les bureaux de l'avocat pour recevoir un total de 60 000 $ en argent comptant. Il a précisé qu'il avait un langage codé avec celui-ci. Il laissait un message à sa secrétaire pour lui dire qu'il voulait le voir un certain temps. Chaque minute représentait 1000$. «"Je veux vous voir 20 minutes", ça veut dire j'ai besoin de 20 000 $.» 

Auclair reconnaît avoir reçu une enveloppe 

Plus tôt aujourd'hui, l'ex-député lavallois Vincent Auclair a confirmé à la commission Charbonneau avoir accepté une enveloppe d'argent de l'ex-maire de Laval, mais assure l'avoir remise aussitôt à un organisateur du Parti libéral, Louis-Georges Boudreault.  

En 2002, Vincent Auclair se présente à l'élection partielle dans la circonscription de Vimont, à Laval. À sa troisième semaine de campagne, son équipe de campagne lui organise une rencontre avec le maire Gilles Vaillancourt, à l'hôtel de ville. 

Après 15 à 20 minutes à discuter de l'élection, Gilles Vaillancourt sort de son bureau une enveloppe blanche et la tend au candidat en lui disant qu'une campagne coûte cher. Vincent Auclair dit avoir eu un mouvement de recul et tenté de refuser l'enveloppe. «C'est saisissant, c'est quand même le maire de Laval. Il est revenu à la charge, il a parlé de la famille». L'ex-maire de Laval a toutefois insisté, si bien que le candidat reconnaît avoir pris l'enveloppe. «Je lui ai dit que ce sera votre contribution au Parti libéral. C'était ma façon de me sortir de ça.» 

Disant s'être senti mal à l'aise, il en parle à la personne que le PLQ lui avait assignée pour l'accompagner dans toutes ses sorties publiques. «Je me suis rendu à la voiture où était ma nounou. Je lui ai dit ce qui s'est passé», a-t-il relaté. Celle-ci lui suggère de régler ça avec son organisateur, Georges Boudreault. 

À son arrivée au local électoral, Auclair lui remet l'enveloppe pour qu'il la retourne à Gilles Vaillancourt. Dès lors, il tente d'oublier l'événement. «Tu règleras ça avec ton chum, je veux rien savoir de ça», dit-il avoir lancé à son organisateur. Soulignons que Louis-Georges Boudreault a été arrêté par l'UPAC en octobre 2012 avec l'entrepreneur Tony Accurso dans le projet Gravier. 

Aujourd'hui, Vincent Auclair dit «regretter de ne pas être sorti formellement». L'événement l'a rapidement rattrapé. Confronté par le journaliste Christian Latreille, il a fini par admettre en partie l'incident, en précisant à l'époque qu'il n'avait pas touché à l'enveloppe.  

La version de l'ex-député présentée aujourd'hui diverge de celle qu'il avait publiquement faite en 2010. Il reconnaît qu'«en bon politicien» il avait joué sur les mots. 

Questionné sur ce changement de version, il a dit qu'il s'était senti abandonné par le Parti libéral. «Je ne sentais pas le support de mon parti». Soudain, personne au PLQ, dont Louis-Georges Boudreault, ne se souvenait de l'incident. «J'ai pris ça comme un message.» 

L'ex-député dit avoir payé cher sa sortie. «Ça m'a coûté cher, pour ma famille, de mon passage en politique. Du jour au lendemain, je suis devenu persona non grata à Laval. Le message était: "ne côtoyez plus le député de Vimont". J'étais conscient que Vaillancourt avait la capacité de me détruire.» Il a d'abord reçu une mise en demeure de Gilles Vaillancourt. Son père a également perdu tous ses contrats avec la Ville de Laval. 

Après sa sortie publique, Vincent Auclair dit avoir senti être mis au banc par son parti, n'étant plus invité aux événements publics. C'est cette réaction qui l'a incité à quitter la politique en 2012, dit-il. 

Vincent Auclair n'est pas le seul député qui a été ciblé par l'ex-maire de Laval. L'ex-ministre Serge Ménard est déjà sorti publiquement pour dire avoir eu droit au même traitement. Le PRO des Lavallois a d'ailleurs payé 40 000 $ en honoraires d'avocats à Gilles Vaillancourt pour cet épisode, a révélé l'ex-agent officiel du parti, Jean Bertrand. 

Depuis le 15 mai, la commission Charbonneau est à détailler le système de Laval dans lequel plusieurs entrepreneurs en construction et dirigeants de firmes de génie ont confirmé avoir payé une ristourne de 2% sur les contrats de la Ville de Laval. Officiellement, l'argent était destiné au parti de l'ex-maire, mais le témoignage de l'ancien agent officiel du PRO des Lavallois, Jean Bertrand, permet de comprendre que seule une infime portion des fonds s'y serait rendue. Le notaire Jean Gauthier, qui servait de collecteur du 2% selon tous les témoins entendus dans le volet Laval, a confirmé à Radio-Canada qu'il viendra s'expliquer sous peu devant la Commission, lui qui a toujours nié toute malversation de sa part.

Mercredi, la firme de génie-conseil Cima+ a admis avoir réussi à payer ses ristournes sur ses contrats au parti PRO des Lavallois grâce aux cafés que buvaient ses employés dans ses bureaux, selon un ancien vice-président de la firme, Lucien Dupuis. 

M. Dupuis a raconté à la Commission qu'avec les quatre ou cinq machines à café placées dans les bureaux de Cima+, la firme parvenait à récolter 100$ par jour, soit environ 25 000 $ en argent comptant par année. 

Cima+ versait une redevance équivalant à 2% de la valeur de ses mandats obtenus de la Ville de Laval. Pour des honoraires professionnels d'environ 1 million de dollars, la firme remettait donc une ristourne de 20 000 $ au parti du maire Gilles Vaillancourt, parfois 15 000 $, a-t-il indiqué. 

Les cafés auraient donc pu suffire à eux seuls, mais Cima+ puisait également à même l'argent comptant déposé par les entrepreneurs des petites municipalités qui venaient chercher des plans et devis en payant 100$ à 200$ comptant.

M. Dupuis a souligné avoir payé une redevance de 2% sur ses contrats dès 1996.