Les conseillers municipaux du parti de l'ex-maire Gilles Vaillancourt ont servi de prête-noms, dont l'actuel maire Alexandre Duplessis, selon l'agent officiel du parti, Jean Bertrand. Chaque année, les élus recevaient une enveloppe remplie d'argent pour rembourser leurs contributions au PRO des Lavallois.

L'avocat lavallois qui a commencé son témoignage ce matin a reconnu avoir utilisé de l'argent comptant en provenance des firmes de génie pour rembourser des conseillers municipaux. «Je n'ai pas implanté ça, j'ai maintenu ça. J'ai suivi la rivière», a-t-il dit.

Il a expliqué que le notaire Jean Gauthier lui remettait chaque année d'importantes sommes en argent comptant qui provenaient «des ingénieurs». Ceux-ci préféraient ne pas servir de prête-nom au municipal, lui a-t-il expliqué.

Une importante partie de cet argent a servi à rembourser les contributions des conseillers municipaux et de leurs proches. «On le distribuait à chacun des conseillers pour faire du prête-nom», a-t-il dit. Il évalue avoir ainsi remis chaque année de 1995 à 2010 de 40 000 $ à 60 000 $ aux élus.

Cette déclaration est lourde de sens pour les élus lavallois qui auraient ainsi contrevenu à la loi en servant de prête-noms. «Je leur disais que c'était illégal, ils le savaient, mais ils le faisaient quand même», a-t-il dit. C'est Jean Bertrand en personne qui remettait les enveloppes d'argent aux élus. «Combien tu veux?» leur demandait-il.

Il a confirmé que l'actuel maire, Alexandre Duplessis, a participé au système. Jean Bertrand a précisé que son beau-père lui servait aussi de prête-nom puisque les revenus de sa femme étaient trop faibles pour qu'elle fasse des dons.

Le témoin a indiqué qu'aucun conseiller n'avait jamais demandé d'où provenait l'argent comptait qu'il leur remettait dans des enveloppes, chaque mois de novembre. Un seul a toujours refusé de participer: Robert Plante. Les nouveaux élus en 2009 n'ont pas été informés du stratagème.

Les conseillers tenaient à leur remboursement, a confié Jean Bertrand. Après l'élection 2005, l'avocat décide de prendre une pause dans la collecte de fonds, estimant que la cagnotte du parti est déjà suffisamment pleine: davantage risque d'éveiller les soupçons. Au moment des impôts, plusieurs conseillers l'appellent pour lui demander un reçu pour obtenir une déduction. Ceux-ci n'ont pas apprécié d'entendre que la pratique avait été suspendue.

Même Gilles Vaillancourt se plaint quand il constate que Jean Bertrand a suspendu le remboursement des contributions. Il lui ordonne immédiatement de reprendre la pratique, ce qu'il fait aussitôt. Le témoin est d'ailleurs convaincu que l'ex-maire était au courant pour le stratagème. «Il n'y a pas grand-chose qu'il ne savait pas.»

Selon Jean Bertrand, cette pratique de prête-noms n'était pas propre au PRO des Lavallois. Ce péquiste de longue date a affirmé avoir «un ami au PQ qui le faisait en quantité industrielle». C'est d'ailleurs au sein de la formation souverainiste que l'homme dit avoir appris à organiser des élections.

L'argent du 2 % dépensé par le PRO augmentait en années électorales. Jean Bertrand estime que Jean Gauthier pouvait lui remettre jusqu'à 150 000 $ en argent comptant pour payer certaines dépenses lors des campagnes électorales.

Selon les chiffres du témoin, le PRO des Lavallois aurait dépensé un maximum de 1,2 million en provenance du 2 %. Or les deux collecteurs entendus plus tôt par la Commission, Marc Gendron et Roger Desbois, ont affirmé avoir remis environ 4,2 millions par l'entremise du système de ristourne chez les entreprises de construction. Le montant récolté par le système parallèle implanté chez les firmes de génie n'a pas été mentionné encore. Jean Bertrand n'a pas indiqué comment le reste de l'argent a pu être dépensé.

Bertrand prend ses distances

Le témoin a tenté de prendre ses distances de l'ex-maire de Laval. «Je n'ai jamais demandé ou donné de l'argent comptant à Vaillancourt. Je n'avais pas de contact avec Vaillancourt.» Seule exception, il a fait un chèque de 5200 $ au nom de sa femme pour couvrir un surclassement pour un billet d'avion vers la Floride.

En 28 ans à travailler pour l'ex-maire, Jean Bertrand dit avoir mangé en tête-à-tête avec lui à 3 occasions seulement. «C'était une relation d'autorité. J'ai toujours vouvoyé M. Vaillancourt, en public comme en privé», a-t-il dit. Lors d'une soirée à Ste-Anne-de-Bellevue, il dit avoir croisé l'ex-premier ministre Bernard Landry.

Cet avocat de profession a expliqué avoir fait de la politique avant tout pour se faire connaître de clients potentiels. C'est surtout avec la Ville de Laval que son implication politique a rapporté puisque Jean Bertrand a reconnu avoir tiré de 20 % à 60 % de ses revenus de ses contrats avec la municipalité

Le témoin a présenté le PRO des Lavallois comme un exemple pour la démocratie. Le parti comptait 28 000 membres en 2009, soit 10 % de tous les électeurs.

L'avocat de profession a nié toute malversation dans le financement de la formation. «Le parti a été fondé en 1980, mais la première inspection sérieuse du DGE, c'est en 2010», a dit le témoin. Il estime que cette vérification a été bénéfique pour lui. «Ç'a été bon pour moi, ça m'a permis de prendre contrôle du parti, je n'avais pas contrôle.»

La Commission compte s'intéresser de plus près au financement du parti dans la suite de son témoignage.

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Jean Bertrand



90 000$ pour rien


Plutôt, la Commission a entendu que l'entreprise de construction lavalloise Nepcon a versé 90 000$ à l'ex-directeur du financement d'Union Montréal, Bernard Trépanier, même si celui-ci ne lui a pourtant permis de décrocher aucun contrat, a admis son vice-président, Ronnie Mergl.

L'entrepreneur lavallois termine ce matin son témoignage devant la commission Charbonneau où il a reconnu avoir participé au stratagème de collusion à Laval. Il a confirmé que Nepcon a retenu de juin 2010 à juin 2011 les services de Bernard Trépanier.

Ronnie Mergl a précisé que l'homme n'a jamais été un employé de son entreprise, mais simplement un consultant. «On le payait par un retainer, tant par mois», a expliqué le témoin. L'entreprise lui versait 8300$ par mois, soit un total de 90 000$ en un an.

Bernard Trépanier travaillait à l'époque pour la compagnie Astral à l'implantation d'abribus permettant la diffusion de publicité. Nepcon s'est intéressé au projet pour réaliser des «travaux connexes» à ces abribus.

Le témoin a toutefois reconnu que Bernard Trépanier n'avait permis de décrocher aucun contrat, si bien que l'entreprise a cessé de recourir à ses services après un an. Me Paul Crépeau a demandé au témoin s'il était vrai qu'il avait passé cette année à voyager de par le monde pour prendre des photos d'abribus. L'entrepreneur a reconnu avoir reçu de telles photos et précisé qu'elles avaient été étudiées.

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Ronnie Mergl