L'Ordre des ingénieurs du Québec lance un programme d'encadrement des firmes de génie, comprenant des audits de leurs pratiques d'affaires, afin de tenter de résorber ce qu'il qualifie de crise affectant la profession.

Le président de l'Ordre, Daniel Lebel, a reconnu mardi, en annonçant le programme, que la crédibilité du secteur de l'ingénierie avait été mise à mal par la Commission Charbonneau et que la confiance du public à l'endroit des ingénieurs était à son plus bas.

«On ne veut pas que ça se reproduise, ce qui vient de se produire, a déclaré d'entrée de jeu M. Lebel. On veut travailler en mode préventif, et c'est dans cet esprit que l'on va travailler avec les firmes.»

Le programme comprend notamment une analyse des codes d'éthique des firmes de génie-conseil et des audits de la pratique professionnelle, de l'octroi et de la gestion de contrats et du développement d'affaires (c'est-à-dire les démarches pour l'obtention de contrats) ainsi que du lobbying et des appels d'offres.

«Ils n'ont jamais été audités, a expliqué le président de l'Ordre. On leur a présenté et on leur a dit: dorénavant, si vous embarquez dans cet esprit de collaboration, nous irons chez vous, nous irons regarder vos processus, vos manières de faire des affaires, la manière dont vous établissez des contrats.»

Le programme est volontaire, l'Ordre n'ayant pas le pouvoir de l'imposer, mais M. Lebel assure que tous les dirigeants de firmes de génie rencontrés jusqu'ici se sont montrés enthousiastes.

Il est clair, selon lui, que les entreprises ont tout à gagner dans le contexte actuel à obtenir une certification de l'Ordre en matière d'intégrité et d'éthique quant à leurs pratiques d'affaires, d'autant plus qu'elles seront facilement identifiables si elles décident de demeurer à l'écart.

«Le tout va se faire dans la transparence. Nous maintiendrons à jour un registre des gens qui se sont conformés à cette démarche, des gens qui seront prêts à démarrer la démarche et de ceux qui ne se sont pas conformés encore. Ce registre sera accessible aux principales parties prenantes, les grands donneurs d'ouvrage», a expliqué M. Lebel.

Par ailleurs, l'Ordre a dû s'ajuster en matière de contrôle des pratiques de ses membres, étant aux prises avec une explosion de plaintes et d'enquêtes. Selon l'organisme, le nombre de demandes d'enquête, qui se situait autour de 80 à 90 par année avant 2009, atteint désormais entre 400 et 480 annuellement.

L'Ordre mène présentement quelque 800 enquêtes, dont près de 350 sur le financement illégal de partis politiques.

«On a plus que doublé - et on pourra bientôt dire qu'on a triplé - les ressources au bureau du syndic afin de pouvoir ajouter de l'efficacité à ce travail», a indiqué le directeur général de l'Ordre, André Rainville.

Une cinquantaine d'enquêtes découlent directement des travaux de la Commission Charbonneau et une trentaine de plaintes sont présentement analysées par le comité de discipline de l'Ordre et celui-ci ne s'attend à aucune relâche, d'où les nouvelles mesures d'encadrement et les ressources additionnelles, a dit son président.

«La commission d'enquête a demandé 18 mois de plus. Pouvez-vous vous imaginer tout ce qui s'en vient? Ce que l'on va découvrir? C'est ça que ça prend», a indiqué Daniel Lebel.

Aucune sanction n'a toutefois été imposée jusqu'ici par le comité de discipline en marge des révélations de la commission, certains membres visés utilisant tous les recours à leur disposition pour tenter d'éviter d'être pris en défaut.

Les sanctions peuvent prendre la forme de pénalités monétaires pouvant atteindre jusqu'à 12 500 $ par chef d'accusation et aller jusqu'à la radiation de l'Ordre.