L'ex-président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, a estimé devant la commission Charbonneau que les firmes de génie n'avaient pas besoin de son aide pour orchestrer le partage des contrats. Il accuse les ingénieurs de l'avoir pointé du doigt pour lui jeter l'odieux de la collusion, probablement sur les conseils de leurs avocats.

«Quelle est la motivation de votre ami Rosaire Sauriol de lancer votre nom en pâture aux lions?» a demandé au témoin la procureure en chef de la Commission, Me Sonia Lebel.

«La seule chose que je vois, c'est que ces personnes sont venues avouer avoir mis sur pied un système frauduleux. Je n'ai aucune idée si ces personnes ont consulté leurs avocats qui leur ont dit qu'il faut que vous donniez la paternité de ce système à la Villle de Montréal. C'est peut-être leur façon de s'en sortir», a émis comme hypothèse Frank Zampino.

L'ancien numéro deux à la Ville estime en fait qu'il n'aurait été d'aucune utilité à un possible cartel puisqu'il assure qu'il n'avait accès à aucune information privilégiée.

«Ma compréhension du système mis de l'avant, c'est qu'ils n'avaient pas besoin de personnes, pas besoin de Bernard Trépanier, pas besoin de Rosaire Sauriol, pas besoin de Robert Marcil, pas besoin d'un fonctionnaire», a défendu Frank Zampino.

N'achetant pas ses arguments, le commission Renaud Lachance a durement confronté Frank Zampino. «Étiez-vous à ce point aveugle ou vous ne vouliez pas voir», lui a-t-il lancé.

«Je n'étais pas aveugle», s'est défendu Frank Zampino. Au contraire, l'ex-président du comité exécutif assure qu'il serait intervenu si un ingénieur avait dénoncé le stratagème de partage des contrats. «Ça m'enrage aujourd'hui d'avoir appris tout ça. Je suis outré.»



Pas d'influence


Frank Zampino a par ailleurs assuré ni avoir tenté d'influencer l'ex-directeur général Claude Léger ou les comités de sélection. Lors de son passage devant la Commission, Claude Léger avait affirmé que Frank Zampino lui avait remis un papier un jour avec le nom d'une firme et le numéro d'un contrat. L'ex-président du comité exécutif a confirmé l'histoire... précisant qu'il avait simplement voulu s'informer pourquoi une entreprise avait été disqualifiée. «S'il a été tétanisé par ça, M. Léger a la peau mince», a badiné M. Zampino.

L'ex-président du comité exécutif a estimé qu'il serait très difficile d'influencer la décision des comités de sélection puisqu'il faudrait influencer 5 à 6 personnes. «Penser que M. Marcil pouvait se servir de son rôle, c'est marginaliser l'intégrité et la compétence des autres membres des comités», s'est indigné M. Zampino.

Le témoin s'est montré très hésitant à décrire devant la Commission comment les entreprises ont pu manoeuvrer pour truquer l'octroi des contrats. «J'ai pas d'expérience en collusion», a-t-il dit pour expliquer ses hésitations.

Cadeaux acceptables

Plus tôt lundi, l'ex-président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, a admis avoir reçu des bouteilles de vin de firmes de génie et cabinets d'avocats. Devant la commission Charbonneau, il a affirmé que recevoir des cadeaux, se faire payer à manger ou voyager aux frais d'un entrepreneur est acceptable tant qu'on respecte les règles.

La procureure en chef de la Commission, Me Sonia Lebel, questionne Frank Zampino sur les cadeaux que de nombreux témoins ont dit avoir donnés aux fonctionnaires et élus montréalais pendant des années.

Le témoin a reconnu qu'il faisait partie de ceux qui recevaient des bouteilles de vin durant le temps des fêtes. «Oui, ça m'est arrivé», a-t-il dit. Il affirme que ce sont avant tout des firmes de génie et des cabinets d'avocats qui lui ont offert des présents. Le témoin a assuré que les cadeaux d'entreprises de construction étaient «rares».

Frank Zampino a précisé qu'il ne voyait aucun problème à recevoir des cadeaux ou à se faire payer des voyages «si on respecte les règles». Mais si ces cadeaux sont acceptés dans le but de contourner règles, ils deviennent alors inacceptables, a-t-il précisé.

«Si ces personnes se rencontrent pour régler des dossiers en suivant les  règles claires de la Ville de Montréal, je ne pense pas qu'il y ait un  problème. Mais si on voyage avec des personnes et que le but est de trouver une façon de favoriser un entrepreneur ou transgresser des règles, c'est sûr que c'est à dénoncer», a exposé le témoin.

Frank  Zampino a reconnu avoir été invité à manger au restaurant avec quelques-uns des principaux entrepreneurs de Montréal. Il assure ne  jamais leur avoir fourni d'informations privilégiées, disant les avoir accompagnés avant tout par «politesse». Il reconnaît avoir rarement payé la facture, surtout lorsque les repas avaient lieu dans des établissements haut de gamme.

Pressé de questions, Zampino a reconnu qu'il aurait été préférable qu'il paie l'addition pour éviter toute apparence de conflit d'intérêts, mais celui-ci a répliqué qu'il n'avait pas de carte de crédit ou de compte de dépenses. Ce qui est faux, puisque l'élu touchait une allocation de dépenses de plus de 10 000 $ par année, a souligné Me Lebel.

Zampino a réitéré qu'il ignorait pour la collusion à Montréal. «Quand vous dites «connu et su de tous», je ne sais pas de qui vous référer. Ce n'était pas connu des élus, du maire, par  moi, par membres du comité exécutif et haute fonction publique», a-t-il  assuré.

Questionné sur ses liens avec les entrepreneurs en construction de Montréal, Frank Zampino a nié avoir reçu tout présent de Nicolo Milioto, présenté comme l'entremetteur entre le cercle des entrepreneurs impliqués dans la collusion et la mafia. S'il a nié avoir reçu tout cadeau de celui-ci, l'ex-président du comité exécutif a admis être intervenu pour qu'un proche de l'entrepreneur soit reçu en entrevue pour obtenir un emploi à la Ville. Cette personne, dont il ne se rappelle pas le lien de parenté précis, n'a finalement pas été embauchée. L'ancien élu assure ne pas être intervenu parce que Milioto était un généreux donateur d'Union Montréal.

Zampino prend ses distances

Lors de son interrogatoire, l'ex-président du comité exécutif a tenu à prendre ses distances de Bernard Trépanier, qui a admis avoir avantagé les entrepreneurs qui contribuaient à Union Montréal. S'il a partagé de nombreux repas, joué au golf et voyagé avec Trépanier, Frank Zampino dit en avoir appris beaucoup plus durant la Commission que durant leurs années d'amitié.

Même s'il ignorait sa «philosophie», le témoin a jugé bon d'avertir son ami qu'il ne voulait pas mélanger leurs fonctions: soit de diriger la Ville pour le premier et de financer Union Montréal pour le second. «J'ai averti Trépanier que je ne voulais pas la parade des entrepreneurs dans mon bureau. En tant que président du  comité exécutif, je ne voudrais pas être influencé par un contributeur du parti. S'il contribue, c'est son choix.»