Le ministère fédéral des Travaux publics ne mène aucune enquête sur les entreprises mises à mal devant la commission Charbonneau, même si plusieurs d'entre elles continuent à obtenir des contrats du gouvernement fédéral.

C'est ce qu'ont affirmé des porte-parole de ce ministère chargé de conclure les contrats pour l'ensemble du gouvernement, lorsque La Presse leur a demandé si des mesures avaient été mises en place pour faire la lumière sur certaines allégations de corruption.

La commission Charbonneau se penche sur les relations entre l'industrie de la construction, les administrations municipales et le gouvernement provincial. Son mandat ne s'étend pas au fédéral. Un témoin a toutefois indiqué qu'un système de fausses factures avait aussi bénéficié à des partis politiques d'Ottawa.

En réponse à nos questions, le Ministère a souligné que des nouvelles restrictions avaient été adoptées en juillet dernier, afin d'empêcher des entreprises reconnues coupables de fraudes, par exemple, de décrocher des contrats du gouvernement fédéral.

Mais interrogé pour savoir si une enquête interne avait été lancée pour déterminer si des contrats fédéraux actuels ou passés étaient entachés d'irrégularités, Travaux publics a répondu par la négative.

«Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) ne mènent pas de procédure de révision administrative des compagnies nommées à la commission Charbonneau», a-t-on répondu.

Approbation requise

La Presse a pourtant appris qu'une directive a été envoyée il y a deux mois aux fonctionnaires chargés de négocier des contrats pour le ministère des Travaux publics. Cette directive stipule que toute entente de plus de un million de dollars doit être approuvée par le bureau du sous-ministre adjoint de la direction générale des approvisionnements, Tom Ring. Le service des communications doit aussi en être avisé. «Cette consigne doit être observée jusqu'à nouvel ordre», ont insisté les hauts fonctionnaires.

Mais des porte-parole de Travaux publics se sont défendus d'avoir instauré cette nouvelle pratique en réponse aux allégations formulées devant la commission Charbonneau. Selon eux, il s'agit plutôt d'un souci du gouvernement de communiquer efficacement aux contribuables les informations relatives aux contrats fédéraux.

«Nous avons mis en place un mécanisme interne qui nous permet d'être au courant des attributions de contrats ou autres instruments à l'avance, afin de pouvoir les communiquer le plus rapidement et le plus efficacement possible», a-t-on indiqué.

20 millions pour Dessau

La Presse a révélé hier que la firme Dessau a décroché près de 20 millions de dollars en contrats de consultation depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs de Stephen Harper.

L'ancien vice-président de cette entreprise, Rosaire Sauriol, a déclaré sous serment à la commission Charbonneau le mois dernier qu'un stratagème de fausses factures destiné à remplir les coffres des partis politiques était aussi en vigueur sur la scène fédérale.

Compte tenu du mandat de la commission, cette portion de ses allégations n'a pas été examinée davantage.

Durant son témoignage, le vice-président a admis que Dessau avait participé au financement illégal des partis politiques, notamment du Parti libéral du Québec et du Parti québécois, et avait aussi été à l'oeuvre sur la scène municipale dans les villes de Montréal, Longueuil, Laval, Blainville, Saint-Jérôme, entre autres.

Interrogé par le procureur de la commission Denis Gallant pour savoir s'il y avait également «un certain financement qui se faisait au niveau fédéral», M. Sauriol a répondu: «Oui.»

Selon des documents obtenus par le NPD et consultés par La Presse, Dessau a obtenu 98 contrats de consultation pour un total de 19,2 millions auprès du ministère des Travaux publics entre janvier 2006 et décembre 2012. Cette somme n'inclut pas des types de contrats autres que ceux de consultation, qui pourraient aussi avoir été octroyés à la firme durant la même période.

Du nombre, 20 ententes sont toujours en vigueur, pour une somme totale de 6,7 millions.

D'autres firmes dont les noms ont été cités devant la commission Charbonneau ont aussi reçu des contrats de consultation d'Ottawa, selon ces mêmes documents qui ne visent que les contrats de consultation et non pas les autres types d'entente. On y retrouve entre autres Simard-Beaudry, Louisbourg Construction, CIMA" et Garnier Construction.

Dessau arrive au premier rang parmi les sept entreprises évoquées. CIMA se classe deuxième, avec 47 contrats, dont neuf actifs, pour un total de près de 9 millions de dollars.

Avec la collaboration de William Leclerc