Témoin coriace, l'ex-président du comité exécutif, Frank Zampino, est allé jusqu'à avancer devant la commission Charbonneau que des preuves présentées ont pu être falsifiées.

«Je voudrais faire une mise en garde concernant mes agendas, a prévenu Frank Zampino en après-midi. Ce qu'on voit à l'écran, ce sont des informations obtenues lors de perquisitions et, moi, je ne peux pas confirmer de la véracité des dates exactes ou des personnes présentes. »

«Vous présumer que documents ont été falsifiés?» a alors demandé la juge Charbonneau.

«Si je dois me baser sur certaines inscriptions de mon agenda publiées ces dernières semaines, oui, je suis porté à croire qu'il y a des inscriptions qui ne reflètent aucunement la réalité», a répondu Zampino.

Le témoin a souligné avoir quitté Montréal en 2008 et que la Ville lui refuse depuis l'accès à son agenda électronique. Celui-ci estime qu'il aurait pu être manipulé à son insu. «Je ne sais pas combien de personnes ont pu mettre les mains dessus.»

«Je vais vous rassurer tout de suite, il n'y a aucune fausseté, malhonnêteté, manipulation ou falsification du côté de la Commission», a indiqué la juge Charbonneau.

«On pourra peut-être plus tard faire la démonstration si on pose la question», a-t-il maintenu.

Son agenda n'est pas le seul élément de preuve dont il conteste la crédibilité. Hier, il a remis en question le fait qu'il avait bel et bien eu 1808 contacts téléphoniques avec Bernard Trépanier, comme l'indiquent ses registres d'appels. Ce matin, il a aussi démenti avoir participé à une rencontre au club privé 357c, contrairement à ce que la liste des présences du chic établissement mentionne.

Ignorant de la collusion

Frank Zampino a dit qu'il ignorait tout de l'existence d'un système de partage des contrats à la Ville de Montréal. Il a assuré n'avoir «jamais» entendu parler de collusion avant la Commission.

L'ex-président du comité exécutif a même rechigné à admettre avoir été informé que les chantiers coûtaient plus cher à Montréal. Questionné à ce sujet, il a détourné le sujet.

«À quel moment ?» a répondu Zampino. Puis, «je ne comprends pas votre question...»

Il a fini par dire avoir été informé à son arrivée à la Ville qu'il existait «une différence dans les coûts des contrats entre villes de banlieue et Montréal. On me disait tout le temps que les contrats coûtaient plus cher et on nous donnait une liste de raisons pourquoi ça coûtait plus cher.»

Pierre Bibeau veut le statut de participant

Par ailleurs, l'organisateur libéral Pierre Bibeau demandera le statut de participant à la commission Charbonneau, selon les informations de La Presse.

La requête doit être débattue cet après-midi devant les commissaires France Charbonneau et Renaud Lachance.

L'homme a été nommé à 29 reprises par des témoins de la Commission. Son nom figure parmi les invités à deux rencontres au 357c où son ex-conjointe, Line Beauchamp, une ancienne ministre libérale, a rencontré des entrepreneurs en constructeurs et des ingénieurs très actifs dans la région de Montréal.

Selon l'ingénieur Rosaire Sauriol, c'est Pierre Bibeau qui a organisé cette rencontre. Au moins un témoin affirme que du financement illégal a eu lieu à cette activité.

Autre témoignage incriminant, l'entrepreneur Lino Zambito a affirmé en octobre dernier avoir remis 30 000$ à Pierre Bibeau dans ses bureaux de Loto-Québec, où il travaillait à l'époque, pour une activité de financement du Parti libéral du Québec. Bibeau avait été réaffecté par la Société d'État en raison de ces allégations.

Un proche des Hell's parle de Zampino

Par ailleurs, un proche des Hell's Angels a évoqué le nom de Frank Zampino lors d'une conversation téléphonique sur le financement politique interceptée par la Sûreté du Québec sur le financement d'Union Montréal.

En mars 2009, la Sûreté du Québec intercepte une conversation entre Louis-Pierre Lafortune, proche des motards criminalisés, et un homme inconnu lors d'une enquête sur l'infiltration du crime organisé dans l'économie légale. L'homme dit à son interlocuteur qu'il doit acheter un billet pour un cocktail de financement, prévu le 16 avril 2009. Il lui demande de passer la facture dans un compte de Garnier construction, compagnie de l'entrepreneur Joe Borsellino.

«C'est Zampino, ça, on n'a pas le choix, pis il faut que tu sois là», lui dit Lafortune.

Questionné par Me Lebel, Zampino a été incapable d'expliquer pourquoi son nom a été évoqué. «Vous me posez une question, je ne connais pas Louis-Pierre-Lafortune, je ne suis plus à la Ville de Montréal, je ne m'occupe plus de financement et je ne peux pas commenter sur du ouï-dire. C'est une conversation entre deux personnes que je ne connais pas.»

Celui-ci a ajouté que «s'il y avait activité, je n'ai pas mon nom sur le billet. Est-ce que j'ai participé à cette activité ? Je ne peux pas l'exclure, mais je n'ai aucun rôle à jouer. Que Lafortune se sert de mon nom pour vendre des billets, c'est à mon insu et inacceptable.»

Louis-Pierre Lafortune est un ancien vice-président des Grues Guay. En 2009, il a été arrêté avec plusieurs individus, dont le Hells Angels Normand Casper Ouimet, dans l'opération Diligence de la Sûreté du Québec visant à démanteler un réseau qui cherchait à infiltrer l'économie légale en noyautant des entreprises du secteur de la maçonnerie, dont celle de l'entrepreneur Paul Sauvé. Lafortune est accusé de complot, blanchiment d'argent et gangstérisme. Le procès des accusés de l'opération Diligence en est encore au stade des requêtes et il serait surprenant qu'il débute avant l'automne. Lafortune travaille maintenant pour les Fondations Marc Saulnier, un homme d'affaires que la police considère comme une relation des Hells Angels. Saulnier fait actuellement face à une accusation de voies de fait graves pour s'en être pris à un homme d'affaires, sous les yeux de policiers, lors d'un gala de boxe en 2010. Normand Casper Ouimet est également accusé de 22 meurtres dans le cadre des mégas procès de l'opération SharQc.

Zampino durement confronté

La journée d'audiences de la commission Charbonneau a démarré sur les chapeaux de roue. Après avoir imposé son rythme hier, l'ex-président du comité exécutif, Frank Zampino, a été durement confronté ce matin sur plusieurs incohérences dans son témoignage.

Rapidement ce matin, Frank Zampino a de nouveau tenté d'imposer son rythme à la Commission, comme il l'a fait hier. Il s'est toutefois rapidement frappé à la procureure Sonia Lebel. «M. Zampino, je ne vous demande pas votre analyse, je vous demande de répondre à mes questions», lui a-t-elle lancé.

Alors que le témoin se rebiffait et refusait de la laisser poser ses questions, Me Lebel lui a souligné qu'il ne cessait de parler de lui-même à la 3e personne. «Qui est M. Zampino? Vous parlez de vous?»

Le ton était donné.

Le témoin a rapidement été confronté par des incohérences dans son témoignage. Hier, il a affirmé avoir confié au trésorier d'Union Montréal, Marc Deschamps, la tâche de remplir sa déclaration annuelle d'impôts en raison de son horaire trop chargé. Or c'est seulement à partir de sa déclaration 2008, soit après sa démission de son poste de président du comité exécutif, que le comptable de formation a cessé de produire ses déclarations.

La juge Charbonneau a rapidement soulevé l'incohérente puisque son horaire a dû être moins chargé que lorsqu'il était numéro deux à la Ville. Zampino a alors admis qu'il était «un peu moins occupé».

Me Lebel est également revenue sur le registre de ses appels. Frank Zampino, qui en conteste la validité, réfutant avoir parlé à 1808 reprises avec Bernard Trépanier, a dû reconnaître que son adjointe pouvait lui transférer des appels alors qu'il assistait des rencontres avec le maire, contrairement à ce qu'il a prétendu hier. Il a tenu à préciser que ces appels étaient seulement «des urgences».

Autre incongruité, Zampino affirme avoir appris que plusieurs mois après le congédiement de Bernard Trépanier d'Union Montréal. «Trépanier est votre ami et c'est 5-6 mois après que vous apprenez son départ?» s'est étonnée la juge Charbonneau. «Oui», a répondu Zampino. Il a expliqué que son ami est un homme de grande fierté et n'a pas voulu s'humilier en lui en parlant.

-Avec Daniel Renaud