L'ex-collecteur de fonds d'Union Montréal Bernard Trépanier a été piégé dans ses propres contradictions, lundi, lorsqu'il a affirmé qu'il vendait des billets de cocktails politiques à des firmes d'ingénierie ou de construction en fonction du nombre de contrats qu'elles obtenaient de la Ville.

Pressé de questions par le commissaire Renaud Lachance pendant son témoignage à la commission Charbonneau, M. Trépanier a reconnu qu'il pouvait demander à des firmes de lui acheter un plus grand nombre de billets si elles avaient obtenu une part plus importante des contrats. Ces firmes devaient alors trouver elles-mêmes à qui les revendre et qui inviter aux événements de financement du parti de l'ex-maire Gérald Tremblay.

Cette pratique de financement, employée pendant des années par M. Trépanier, est illégale, a confirmé hier le Directeur général des élections (DGE).

Depuis le début de son témoignage, l'ex-directeur du financement d'Union Montréal se défend d'avoir imposé un système de ristournes à travers lequel les entreprises devaient remettre à son parti 3% de la valeur des contrats obtenus de la Ville.

Invité à expliquer comment il est devenu le collecteur de fonds le plus prolifique de la formation, l'homme de 74 ans a expliqué qu'il prenait une liste des entreprises obtenant des contrats et qu'il leur demandait ensuite d'acheter les billets pour des activités du parti.

Pression sur les entrepreneurs

Bernard Trépanier exerçait beaucoup de pression sur les entrepreneurs et pouvait envoyer jusqu'à 30 billets, pour lesquels ils devaient ensuite trouver preneur. À 500$ le billet, ceux-ci pouvaient ainsi rapporter jusqu'à 15 000$.

Cette stratégie, qu'il a détaillée pour la première fois hier, contrevient à la loi. Toute personne sollicitant des dons doit détenir un certificat, indique Carl Charest, porte-parole du DGE. «Ça ne suit pas la Loi électorale, ça prend un certificat de solliciteur.»

La loi prévoit d'ailleurs des amendes de 500$ à 10 000$ pour quiconque récolte des fonds sans une telle autorisation. Impossible de savoir si une enquête a été ouverte par rapport à ces nouvelles révélations faites hier devant la Commission.

Les ingénieurs contredits

Une fois encore, Bernard Trépanier a contredit plusieurs des témoins qui ont déjà affirmé à la Commission Charbonneau avoir fourni des centaines de milliers de dollars en argent comptant au parti Union Montréal en passant par lui.

Il a ainsi nié avoir reçu des sommes importantes en argent comptant de François Perreault, ex-vice-président de la firme Genivar.

M. Perreault a témoigné au sujet des paiements faits au bureau de M. Trépanier dans les locaux d'Union Montréal jusqu'en 2006, et ensuite des échanges furtifs d'enveloppe, sur le trottoir, «jamais dans des endroits publics», qui se sont poursuivis jusqu'en 2008.

M. Trépanier affirme également que Charles Meunier, ancien employé de BPR, était «un bon travaillant», mais qu'il ne lui a jamais remis d'argent pour obtenir des contrats de la Ville.

M. Meunier et le président de BPR, Pierre Lavallée, ont affirmé le contraire lors de leur passage à la Commission.

Il a soutenu avoir reçu une seule fois une forte somme en liquide du vice-président de SNC-Lavalin, Yves Cadotte. Une somme de 40 000$ (voir texte à droite).

Et il a dit qu'il était «complètement faux» que le président de Génius, Michel Lalonde, lui aurait remis 2000$ en argent pour participer à un déjeuner au cours duquel la ministre Line Beauchamp était invitée d'honneur.

La Commission l'a longuement interrogé sur sa participation à cet événement sélect, où seulement une dizaine d'entrepreneurs et de dirigeants de firmes avaient pu rencontrer la ministre au club privé 357c.

En quoi était-il impliqué dans cet événement, qui relevait de la politique provinciale? Travaillait-il au financement du Parti libéral du Québec (PLQ)?

M. Trépanier a nié tout lien entre lui et le PLQ, en assurant que son seul rôle avait été de faire en sorte que Frank Zampino, président de l'exécutif de la Ville de Montréal, assiste à l'événement. La demande lui avait été faite par le responsable du financement du PLQ - qui était aussi, alors, le conjoint de Mme Beauchamp -, Pierre Bibeau.

Entre 2003 et 2009, M. Trépanier et sa conjointe ont contribué pour un total de 25 000$ à la caisse du PLQ. Huit de leurs neuf contributions étaient au maximum autorisé, soit 3000$.