L'ex-directeur du financement du parti Union Montréal, Bernard Trépanier, avait autant de pouvoir que lui en donnait son réseau de contacts. Et ce pouvoir lui donnait un accès illimité à l'ex-président du comité exécutif Frank Zampino, qu'il a ménagé hier lors de son témoignage devant la commission Charbonneau.

Sous serment, M. Trépanier a affirmé que son ami «Frank» ignorait tout du système de partage des contrats à Montréal. De plus, il n'était pas impliqué dans le financement d'Union Montréal; tout au plus, il s'informait si tout allait bien. «Il m'a toujours dit: «Tu as voulu t'occuper du financement, tu t'arranges. Je veux pas savoir.»», a raconté Bernard Trépanier.

Le procureur de la Commission, Me Denis Gallant, lui a alors demandé s'il cherchait à protéger M. Zampino. «Il est capable de se défendre lui-même», a répondu M. Trépanier dans un rare moment de clarté pendant ce long et laborieux témoignage.

Au moment de clore les travaux de la journée, Me Gallant a indiqué que chaque fois qu'il y avait un comité de sélection attribuant un important contrat d'ingénierie, une grande chaîne téléphonique se mettait en branle.

Ainsi, la veille ou la journée même du comité de sélection, M. Trépanier parlait au téléphone avec l'ex-haut fonctionnaire Robert Marcil, de la direction de la réalisation des travaux. M. Marcil siégeait à différents comités de sélection, sur la recommandation de M. Zampino, comme en a témoigné l'ancien directeur général de Montréal, Claude Léger.

Bernard Trépanier discutait également au téléphone avec M. Zampino ainsi qu'avec Rosaire Sauriol. Ce dernier, qui était jusqu'à cette semaine vice-président chez Dessau, a reconnu avoir participé au système de collusion et de ristournes politiques. M. Trépanier s'entretenait aussi avec Michel Lalonde, dirigeant du Groupe Séguin. M. Lalonde a affirmé lors de son témoignage qu'il se concertait avec M. Trépanier pour distribuer les contrats aux différentes firmes de génie-conseil.

Cette question sera décortiquée aujourd'hui, a indiqué Me Gallant. Auparavant, il avait déposé les registres téléphoniques de M. Trépanier et de plusieurs de ses amis ainsi que l'agenda électronique de M. Zampino. Ces documents tendent à démontrer que l'ex-président du comité exécutif était très au courant des contrats attribués par son administration.

Entre 2005 et 2011, MM. Trépanier et Zampino ont conversé au téléphone 1808 fois, soit l'équivalent de six fois par semaine. De plus, les amis ont voyagé ensemble à destination de la Floride à au moins deux reprises à la fin de 2007 et au début de 2008.

«Dans la vie, on n'a pas seulement des amis, mais je pense que j'en ai encore beaucoup», a affirmé Bernard Trépanier, qui n'a toutefois pas caché son inimitié à l'égard de l'ingénieur Michel Lalonde, dont il dit que le surnom était «la couleuvre». Lorsque le système de collusion était à son plus fort, les deux hommes se parlaient pourtant très souvent. La preuve déposée hier par la Commission mentionne 1107 conversations téléphoniques entre eux.

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Liste des appels de Bernard Trépanier (2005-2011)

>Frank Zampino ex-président du comité exécutif 1808

>Normand Trudel Transport et Excavation Mascouche 1770

>Paolo Catania Construction F. Catania 1371

>Michel Lalonde Génius 1107

>Bernard Poulin Groupe SM 849

>Rosaire Sauriol Dessau 775

>Tony Accurso et Frank Minicucci Louisbourg 648

>François Perreault Génivar 203

>Robert Marcil ex-directeur des travaux publics de Montréal 195

>Beaudoin-Hurens (Jean Leroux) 158

>BPR 134

>Yves Théberge CIMA + 131

>Nicolo Milioto Construction Mivela 81

>SNC-Lavalin 56

>AXOR Experts-Conseil 31

>AECOM Consultants28

Total: 9345