L'ingénieur Rosaire Sauriol a reconnu devant la commission Charbonneau que sa firme, Dessau, avait réclamé pendant des années des déductions d'impôt pour le financement illégal des partis et les cadeaux payés aux élus et fonctionnaires.

«Vous corrompiez du monde et c'était déductible d'impôt! C'est pas juste les Montréalais, mais aussi les contribuables québécois et canadiens qui en ont fait les frais», s'est indigné Me Philippe Berthelet, qui représente la Ville de Montréal.

«Vous avez raison», a fini par admettre Rosaire Sauriol.

Le témoin, qui est le dernier ingénieur à détailler la collusion à Montréal devant la Commission, a été durement questionné tout au long de la matinée. Trouvant timides les excuses de l'ingénieur pour sa participation à la collusion, Me Berthelet lui a lancé que «ce n'est pas une erreur, c'est ignoble ce que vous avez fait».

«Vous pouvez utiliser le langage que vous voulez», a simplement répondu Rosaire Sauriol.

La Commission a aussi entendu ce matin que la firme de génie Dessau ne s'est pas contentée de remettre un demi-million de dollars pour la caisse électorale d'Union Montréal: son vice-président, Rosaire Sauriol, confirme avoir offert en 2008 à Bernard Trépanier un cadeau de 5000 $ pour son 70e anniversaire.

Pendant des années, Rosaire Sauriol a remis annuellement de 50 000 $ à 75 000 $ au responsable du financement d'Union Montréal. En 2008, les «gens du développement» de Dessau contactaient leur patron, Rosaire Sauriol, avec une suggestion : pourquoi ne pas offrir un cadeau à Bernard Trépanier pour son 70e anniversaire?

Même si l'homme n'était plus à Union Montréal depuis deux ans, n'avait aucun lien officiel avec la Ville de Montréal, la firme de génie a décidé de lui offrir un chèque-cadeau de 5000 $ d'une agence de voyages.

La pratique des cadeaux était fréquente dans les municipalités, a confirmé Sauriol. Dessau offrait des cadeaux «si la personne pouvait nous rapporter de la valeur...», a-t-il expliqué.

Dessau a aussi versé à partir de 2002 une somme de 10 000 $ par année à Bermax, compagnie de Trépanier, pour que celui-ci aide la firme de génie dans son «développement des affaires» à l'extérieur de Montréal.

Le prix de la collusion

Les affaires de Dessau étaient bonnes à Montréal. Entre 2002 et 2011, l'entreprise et ses filiales ont décroché pour tout près de 120 millions de dollars de contrats, dont 75 millions durant la période où le système de partage des contrats était en place. Les prix ayant chuté de 20 % depuis la fin de la collusion, on peut évaluer à 15M$ les sommes versées en trop à la firme de génie, selon les calculs de l'avocat de la Ville de Montréal.

«C'était un bar ouvert», s'est indigné pour sa part le procureur Gallant.

«On l'a fait, mais tout le monde l'a fait», s'est défendu Sauriol. Même après que la firme Tecsult s'est fait pincer en 2007 à faire des contributions illégales, l'ingénieur de Dessau reconnaît que les ingénieurs «n'ont pas eu peur» et ont continué leur stratagème pendant trois ans.

Autres témoins

En après-midi, deux autres témoins ont été entendus, sur les finances d'Union Montréal. L'enquêteur Guy Desrosiers a présenté une compilation des dons effectués depuis 2001. Pas moins de 84% des dons étaient de plus de 100$.

Après avoir maintes fois réclamé d'être entendu par la commission Charbonneau, le trésorier d'Union Montréal, Marc Deschamps, a maintenant l'occasion d'expliquer le financement du parti de l'ex-maire Gérald Tremblay. Le début de son témoignage, moins de 40 minutes, n'a toutefois pas permis d'en apprendre davantage.