Les six plus importantes firmes de génie-conseil ont obtenu un peu plus de 1,35 milliard en contrats du ministère des Transports du Québec (MTQ) pour la conception de plans et devis et la surveillance de chantiers réalisés sur le réseau routier provincial, depuis 1997. Cette somme représente 71% de la valeur de tous les contrats de ce type, attribués par le MTQ, sur une période de 15 ans.

> En graphique: Répartition des contrats attribués par le MTQ

Selon les données publiées la semaine dernière par la commission Charbonneau, la concentration des mandats aux mains de ces six firmes d'ingénierie (Genivar, Cima+, SNC-Lavalin, Dessau, BPR et Roche) s'est accrue progressivement, au cours des années 2000, à mesure qu'augmentaient les budgets annuels consacrés à la réfection routière.

En 1997-1998, les contrats obtenus par le Big Six ne représentaient pas 30% des mandats de conception et de surveillance attribués par le MTQ. Six ans plus tard, en 2003-2004, c'était l'inverse: ces six firmes se partageaient plus de 70% de la valeur des contrats du MTQ.

En 2011-2012, la somme des mandats obtenus par ces six firmes représentait 83% de la valeur des contrats de conception et de surveillance du MTQ.

Ces données ont été rendues publiques au moment où l'enquête publique a abordé les questions relatives au financement des partis politiques provinciaux, érigé en système par plusieurs de ces firmes, au cours de la même période.

La semaine dernière, les vice-présidents des firmes de génie-conseil Genivar et SNC-Lavalin, François Perreault et Yves Cadotte, ont tour à tour affirmé que leur entreprise a remboursé des contributions politiques que versaient des dizaines de cadres, au bénéfice du Parti libéral du Québec (PLQ) et du Parti québécois (PQ).

Entre 1998 et 2010, les employés de Genivar ont versé une somme de près de 500 000$ en contributions politiques, dont 80% à la faveur du PLQ. Les dons provenant des employés de SNC-Lavalin ont atteint plus de 1 million, pour la même période, mais ont été partagés presque également entre les deux formations politiques.

Les deux témoins ont assuré l'un après l'autre que ces dons politiques n'étaient pas versés en échange d'un ou de plusieurs contrats en particulier, qu'ils proviennent du MTQ ou d'ailleurs.

Concentration ou collusion?

Hier, devant la commission Charbonneau, le président de la firme d'ingénierie BPR, Pierre Lavallée, a tenu les mêmes propos, à cette différence près que les contributions versées par des associés de la firme ne leur étaient pas remboursées.

Selon lui, c'est son prédécesseur à la présidence de BPR, Paul Lafleur, qui négociait avec des représentants des partis le montant annuel des contributions attendues, estimé à entre 30 000$ et 50 000$.

«On ne voyait pas de relation directe avec des contrats, mais on se disait que, si on ne contribuait pas, ça pourrait avoir une influence négative», a dit M. Lavallée, en insistant sur le fait que les demandes de financement étaient faites par les partis provinciaux eux-mêmes, et non par BPR.

En contre-interrogatoire, les avocats du PQ et du PLQ ont tenu à faire préciser à M. Lavallée qu'à aucun moment, un élu ou un représentant de leur formation respective n'a fait de promesses relatives à des contrats gouvernementaux en échange des contributions.

Chez BPR, des contributions de 564 490$ ont été versées au Parti libéral, au Parti québécois et à l'ancienne Action démocratique du Québec (ADQ), entre 1998 et 2010. Les contributions les plus importantes ont été versées aux libéraux entre 2004 et 2008.

L'avocate du PQ, Me Estelle Tremblay, a fait remarquer au témoin qu'entre 2004 et 2008, lorsque le Parti libéral était au pouvoir, BPR a triplé sa part de marché dans les contrats du MTQ, en progressant d'environ 3%, sous le gouvernement du Parti québécois de 1997 à 2003, à plus de 9% entre 2003 et 2012.

«Est-ce que cette augmentation des parts de marché est due à de la collusion?», a-t-elle demandé à M. Lavallée.

«Non», a fermement répondu le président de BPR.