La firme SNC-Lavalin aurait empoché au moins 6,7 millions de plus grâce à la collusion qui sévissait dans la métropole, a calculé «de façon conservatrice» un avocat de la Ville de Montréal.

Vice-président chez SNC-Lavalin, Yves Cadotte est à terminer son témoignage devant la commission Charbonneau. Le procureur Denis Gallant a présenté une liste des contrats décrochés par la firme de génie, permettant de voir qu'elle obtenait pour 7 millions par année à Montréal.

Lors de son contre-interrogatoire, l'avocat de Montréal, Philippe Bertelet, a souligné que les prix payés pour les services de génie par la métropole ont chuté de 20 % à 25 % depuis la fin de la collusion. Avec 42 millions obtenus de 2004 à 2008, période durant laquelle le partage des contrats a opéré, SNC-Lavalin aurait ainsi empoché 6,7 millions de plus que si le marché avait été «ouvert», a-t-il calculé. Si on inclut les contrats de 2009, le montant obtenu grâce à la collusion grimpe à 8,5 millions.

La date de fin de la collusion est contestée. Plusieurs témoins ont affirmé que le système s'est effondré à la fin de 2009 avec la création de l'escouade Marteau. Yves Cadotte a pour sa part affirmé que seulement une infime partie des contrats octroyés en 2009 a été truquée.

Le témoin a contesté les calculs de l'avocat en disant qu'il est impossible de savoir pour combien les contrats auraient été octroyés s'il n'y avait pas eu de collusion. «On ne peut pas réécrire l'histoire. On peut pas savoir combien ça aurait coûté», a-t-il défendu.





Collusion à Longueuil, financement illégal à Québec

Par ailleurs, la Commission a entendu ce matin que la collusion et le financement illégal des partis ne se limitaient pas à Montréal, a indiqué l'ingénieur Yves Cadotte, de SNC-Lavalin. Le témoin a affirmé qu'un système de partage des contrats a sévi à la Ville de Longueuil tandis que des partis de la Ville de Québec ont bénéficié de dons illégaux.

Les firmes SNC-Lavalin, Dessau, Groupe SM, Génivar et Cima+ se sont ainsi partagé pendant quelques années les contrats de génie de la principale ville sur la Rive-Sud. Tout comme à Montréal, les firmes de génie contribuaient illégalement au financement du parti au pouvoir, le Parti municipal de Longueuil (PML).

«Donc le modèle Trépanier a existé à Longueuil», a résumé le commissaire Renaud Lachance. Il faisait ainsi référence au responsable du financement d'Union Montréal, Bernard Trépanier, qui récoltait 3 % des contrats octroyés, selon plusieurs témoins entendus par la commission Charbonneau.

Yves Cadotte affirme avoir lui-même livré de l'argent comptant pour les élections de 2005 et 2009. L'ingénieur n'a toutefois pas été en mesure de préciser les sommes offertes, se rappelant seulement qu'il s'agissait de quelques dizaines de milliers de dollars. Il affirme avoir ainsi offert de l'argent pour Jacques Olivier par l'intermédiaire

André Létourneau. Quand Claude Gladu a pris la relève en 2009 à la barre du PML, il dit avoir continué à livrer de l'argent par l'intermédiaire de Serge Sévigny.

En décembre, La Presse révélait que jusqu'à 90 % du financement du PML provenait de dons de 1000 $, le maximum permis par la loi. Seulement deux donateurs avaient offert moins de 100 $ en 2001. Cette performance est inusitée puisqu'aucun parti municipal au Québec n'a jamais réussi une telle récolte.

Financement illégal à Québec

Yves Cadotte a également affirmé que SNC-Lavalin a fait du financement politique illégal dans la région de la Capitale, principalement à Québec et à Lévis. Responsable de la région de Montréal, Yves Cadotte a toutefois été incapable de mentionner quel parti a bénéficié de la générosité de sa firme. «Pour la région de Québec, je suis un peu éloigné de ça. Je ne pourrais pas répondre qui était l'interlocuteur.»

Québec a été dirigée jusqu'en 2005 par Jean-Paul L'Allier, maire depuis 1989. À son départ de la politique municipal, Andrée P. Boucher a défait Marc Bellemare pour prendre la barre de la capitale, jusqu'à son décès à l'été 2007. Elle s'était démarquée en menant une campagne pratiquement sans financement alors que l'avocat avait été fortement critiqué pour ses importantes dépenses électorales.

En 2007, alors qu'Ann Bourget semblait se diriger vers une victoire facile pour prendre la relève, Régis Labeaume a causé la surprise en remportant l'élection par une écrasante majorité.

Yves Cadotte a précisé que quelques municipalités sur la Rive-Sud, dont Candiac, ont aussi bénéficié de financement illégal. L'ingénieur a toutefois été incapable de décrire le système de Laval, SNC-Lavalin n'y ayant pas pris part. La firme de génie a beau être la plus importante firme au Canada et l'une des dix plus grandes au monde, elle n'a même pas réussi à se qualifier aux appels d'offres de la ville de l'ex-maire Gilles Vaillancourt.