Les principaux dirigeants de la firme de génie-conseil Genivar et leurs proches ont versé près de 400 000 $ en dons politiques au Parti libéral du Québec (PLQ) sur une période de 12 ans, de 1998 à 2010. Pas moins de 87 % de ces contributions ont été versées au PLQ durant les années où ce parti formait le gouvernement du Québec, à compter de 2003.

Selon un document rendu public mercredi par la commission Charbonneau, les contributions totales des dirigeants de Genivar n'ont pas dépassé 6300 $ par année quand le PLQ occupait les banquettes de l'opposition officielle. Cette somme a bondi à près de 50 000 $ dès que les libéraux ont pris le pouvoir, et a continué à grimper au cours des années suivantes, pour se stabiliser à une moyenne annuelle de près de 40 000 $ jusqu'en 2009.

Générosité politique

François Perreault, vice-président de Genivar qui a quitté ses fonctions la semaine dernière pour ne pas nuire à la réputation de l'entreprise, a eu fort à faire, hier, pour convaincre les commissaires que cette générosité politique n'avait rien à voir avec la perspective d'obtenir des contrats du gouvernement provincial, notamment du ministère des Transports du Québec (MTQ).

Pendant la même période, les dirigeants de Genivar ont aussi versé un total de près de 100 000 $ en dons politiques au Parti québécois (PQ) (voir tableau). Mais, contrairement au PLQ, les contributions n'ont pas connu des variations aussi substantielles durant les années (1998 à 2003) où le PQ formait le gouvernement.

«On est un fournisseur important du gouvernement du Québec, alors on nous demandait du côté gouvernemental de participer au financement des partis. On n'a jamais dit non», a-t-il déclaré.

«Qu'est-ce que ça nous apporte? a-t-il poursuivi. Honnêtement, je ne peux pas dire si ça nous apporte de quoi. Est-ce que ça nous aurait nui de dire non? Peut-être.»

Entre 2003 et 2010, la valeur des contrats du MTQ obtenus par Genivar est passée de 9,3 millions à près de 49 millions. Durant cette période, les mandats obtenus par Genivar ont représenté jusqu'à 22 % de tous les contrats de conception de plans et devis du MTQ, selon un relevé rendu public hier par la Commission.

Concentration

Ce document révèle aussi une emprise progressive de six grandes firmes d'ingénierie (SNC-Lavalin, Genivar, Dessau, CIMA", BPR et Roche) sur les contrats du Ministère.

En 1997, ces six firmes se partageaient 29 % des contrats du MTQ. En 2003, elles ont obtenu plus de 70 % de ces contrats. Et en 2011, elles ont accaparé pas moins de 83 % des mandats de conception du MTQ.

M. Perreault a attribué cette concentration des mandats d'ingénierie au grand mouvement de consolidation des firmes, qui a eu pour effet de faire disparaître un grand nombre de sociétés indépendantes, rachetées ou avalées par les six firmes dominantes.

Après avoir confirmé les témoignages précédents d'ingénieurs et d'entrepreneurs sur le système de collusion qui régnait à la Ville de Montréal, il a nié avec vigueur la possibilité qu'un tel système ait pu aussi s'implanter au sein du MTQ.

Il a attribué la concentration des contrats à l'ampleur de ceux-ci - ils exigent des ressources importantes qui ne sont pas à la portée d'une majorité de firmes - et à la prolifération de consortiums de génie-conseil formés de plusieurs firmes, qui peuvent s'associer ou se faire compétition, au gré des mandats du MTQ.

L'existence de tels consortiums - des entreprises s'associent pour un contrat, pour ensuite se surveiller entre elles dans un autre mandat - peut «paraître incestueuse», a reconnu M. Perreault.

«Mais il y a encore beaucoup de compétition», a-t-il assuré.