Le Directeur général des élections (DGE) enquête, grâce à un nouvel outil informatique qui fait des croisements dans les listes des donateurs au municipal, sur des allégations de financement illégal qui pèsent contre Union Montréal et Vision Montréal. Ces deux partis auraient usé d'un stratagème impliquant des prête-noms organisé entre autres au sein d'une importante firme de construction, a appris La Presse. Selon nos sources, le même sujet sera aussi abordé prochainement devant la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction (CEIC), après la comparution de Bernard Trépanier, ex-collecteur de fonds d'Union Montréal, par au moins deux de ces «prête-noms».

Les enquêteurs du DGE et de la Commission ont recueilli au cours des dernières semaines des témoignages d'employés et d'ex-employés de cette firme, dont le nom a été évoqué plusieurs fois à la commission Charbonneau, y compris par Nicolo Milioto, qui aurait contribué, à la demande d'un de ses supérieurs, alternativement à Union Montréal et à Vision Montréal.

L'argent, en moyenne 1000$ par personne, était remis dans une enveloppe au nom de la firme aux collecteurs de fonds des partis. Ces dons auraient été par la suite remboursés aux personnes en espèces, ce qui contrevient à l'article 90 de la loi qui bannit toute «compensation [...], contrepartie, et [...] quelconque remboursement».

Les sommes remises par l'employeur aux «contributeurs» provenaient notamment de la vente au comptant de matériaux.

«Une fois, j'ai demandé à mon supérieur ce que cela apportait à notre entreprise de financer ces partis, surtout dans un système du plus bas soumissionnaire, a déjà expliqué à La Presse un ex-employé de l'entreprise. Il m'a répondu que ça apportait une visibilité auprès du parti du maire... peu importe le maire.»

Base de données

Néanmoins, une fois encore, les faits constatés par ce témoin, et qui constituent une infraction à la loi électorale, sont couverts par le délai de prescription de cinq ans prévu par la loi puisqu'ils remontent au milieu des années 2000.

Mais ces confessions permettront peut-être au DGE, à qui l'on reproche souvent de manquer de dents ou d'être impuissant devant les délinquants de la loi électorale, de l'éclairer davantage sur ces pratiques qui se déroulent en catimini.

Le gardien des lois électorales compte aussi beaucoup sur les «nouveaux pouvoirs» qui lui ont été conférés par le législateur en 2011 pour envoyer plus de dossiers devant les tribunaux. «Nous avons plus d'outils et de moyens, assure Denis Dion, porte-parole du DGE. Nous avons raffiné nos méthodes d'enquête de façon significative.»

Un outil qui pourrait être dévastateur pour les prête-noms au municipal est une base de données, en cours de création, «contenant les noms des donateurs [plus de 30 000] de tous les partis politiques municipaux [122] au Québec pour 2005 à 2010, 2011 étant en cours de saisie», dit le DGE. Cette base de données permet aussi de faire les croisements, dit-il.

Le DGE peut aussi désormais obtenir des renseignements de Revenu Québec, en particulier le nom des employeurs des donateurs. Cela permet de cerner les entreprises soupçonnées d'entretenir un système de prête-noms.