Le président de la firme de génie-conseil Génius, Michel Lalonde, a affirmé lundi avoir versé un total d'environ 278 000$ en espèces pour financer des campagnes électorales dans des arrondissements de Montréal et dans plusieurs municipalités de banlieue où son entreprise obtenait des contrats, entre 2001 et 2009.

Ces sommes s'ajoutent aux quelque 300 000$ qu'il affirme avoir versés à Union Montréal, parti de l'ex-maire Gérald Tremblay, en payant notamment une commission de 3% sur une dizaine de contrats d'infrastructures obtenus de la Ville de Montréal entre 2005 et 2009.

Le PDG de Génius, autrefois connue sous le nom de Groupe Séguin, a affirmé hier à la commission Charbonneau que «dans tous les endroits où on était présents, on a toujours été sollicités pour les campagnes électorales» - que ce soit pour les élections à Montréal, dans ses arrondissements ou en banlieue nord de la métropole.

En déballant la liste des versements en argent qu'il a faits en vue des élections de 2001, 2005 et 2009, M. Lalonde a aussi directement mis en cause plusieurs élus municipaux en fonction, dont Hubert Meilleur, maire de Mirabel, et Patrick Thifaut, conseiller municipal de Boisbriand.

Presque toutes ces contributions politiques illégales (voir la liste) étaient versées en argent comptant. Les enveloppes bourrées de billets changeaient de main dans les bureaux du Groupe Séguin, au cours de rencontres furtives au restaurant ou dans des stationnements. M. Lalonde a affirmé hier qu'il aurait même livré un paiement à l'ex-maire de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles Cosmo Maciocia, à ses bureaux de l'hôtel de ville de Montréal.

Des élus montrés du doigt

M. Lalonde affirme que c'est au cours des élections municipales de 2005 qu'il a payé sa plus importante contribution politique. Le maire Maciocia aurait pris contact avec lui et aurait affirmé qu'il avait «besoin de lui» pour sa réélection; il lui aurait demandé une contribution de 60 000$ pour financer sa campagne électorale. Selon l'ingénieur, M. Maciocia aurait indiqué qu'il avait demandé la même somme à la firme d'ingénieurs Dessau, qui avait aussi de nombreux contrats dans cet arrondissement de l'est de Montréal.

En banlieue, dans la majorité des cas, les paiements étaient remis en mains propres à des maires en fonction ou à des candidats à la mairie.

M. Lalonde a ainsi affirmé avoir remis 10 000$ au maire de Mirabel, Hubert Meilleur, pour contribuer à sa réélection lors des dernières élections municipales, en 2009.

La même année, il prétend aussi avoir versé 5000$ à l'actuel maire de la municipalité de Sainte-Julienne, Marcel Jetté, à sa demande, après avoir versé 3000$ à son organisation aux élections de 2005.

Dans certains cas, à Boisbriand ou dans l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville, les tractations entourant le versement de ces contributions politiques ont été négociées avec des conseillers municipaux.

M. Lalonde a affirmé que le conseiller municipal Patrick Thifault, toujours en fonction à Boisbriand, l'aurait ainsi sollicité pour une somme de 15 000$ à 20 000$ afin de contribuer à la campagne de l'équipe de la mairesse Marlene Condato lors des élections de 2009.

Dans l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville, dans le nord de Montréal, c'est le conseiller municipal Jean-François St-Onge qui l'aurait joint après les élections de 2005, en compagnie d'un fonctionnaire municipal, Éric Lachapelle, directeur de l'arrondissement.

À la différence d'autres élus locaux qui demandaient généralement une somme fixe, MM. Lachapelle et St-Onge ont expliqué qu'ils voulaient «fonctionner avec un pourcentage» (3%) de la valeur des contrats que Groupe Séguin obtenait de l'arrondissement.

Dans les années subséquentes, le Groupe Séguin a obtenu des contrats intéressants pour le rajeunissement des parcs et la réfection de chalets de parcs de l'arrondissement.

M. Lalonde estime qu'il a versé entre 15 000$ et 20 000$ aux proches de l'ancienne mairesse Beaudoin en ristournes sur ces contrats.

Les choses allaient si bien qu'au début de 2007, on a pris contact avec M. Lalonde pour une contribution additionnelle, puisque les contrats s'avéraient plus importants que prévu. Cette fois, ce sont deux abonnements pour le Canadien de Montréal qui ont été demandés en échange des faveurs de l'arrondissement. Une valeur de 14 000$.

Les sommes versées dans les arrondissements s'ajoutent aux 300 000$ payés par le Groupe Séguin à la formation de l'ancien maire de Montréal, Gérald Tremblay.

La semaine dernière, M. Lalonde a révélé qu'il avait versé 100 000$ au responsable du financement d'Union Montréal, Bernard Trépanier, pour les élections de 2005. Il aurait ensuite payé à cette formation une part équivalente à 3% de la valeur de certains contrats obtenus de la Ville entre 2005 et 2009. Cette quote-part aurait totalisé environ 200 000$.

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Lalonde corrobore une partie du témoignage de Dumont

Si le témoignage de l'ingénieur Michel Lalonde fait trembler les élus, il aura probablement réussi à redonner le sourire à Martin Dumont. La crédibilité de l'ex-organisateur d'Union Montréal a été durement ébranlée la semaine dernière devant la commission Charbonneau, mais le passage du président de Génius vient appuyer certaines de ses déclarations actuellement mises en doute. Hier, l'ingénieur a confirmé qu'il a participé en 2004 à un déjeuner au club privé Saint-Denis, où une quinzaine d'entrepreneurs devaient contribuer pour 10 000$ au comité contre les défusions. Michel Lalonde a relaté que Bernard Trépanier, responsable du financement d'Union Montréal, lui a demandé 10 000$ en affirmant que «c'est ce qu'il avait demandé à d'autres». L'ingénieur a d'ailleurs précisé avoir remis son chèque à Martin Dumont. Une copie a aussi été remise à la Commission, hier. C'est la deuxième fois que le témoignage de M. Lalonde corrobore celui de M. Dumont. Jeudi, l'ingénieur a confirmé que des transferts d'argent comptant ont eu lieu dans le bureau de Bernard Trépanier, qui prenait alors bien soin de fermer les stores de son bureau.

-Avec Pierre-André Normandin