L'ombre de l'«affaire Martin Dumont» planera encore longtemps sur la commission Charbonneau. L'avocate de l'ex-organisateur politique fait appel à la Cour supérieure pour invalider la vidéo dans laquelle son client admet avoir menti lors de son témoignage, en octobre.

La Commission voulait profiter de la reprise des audiences publiques pour mettre fin à la controverse sur le témoignage de Martin Dumont. Une enquête ouverte après sa comparution, en octobre, avait déterminé que son témoignage était truffé d'inexactitudes.

Interrogé de nouveau par les enquêteurs le 11 décembre, il a admis devant la caméra qu'il avait menti lorsqu'il avait raconté qu'une employée d'Union Montréal s'était plainte à lui d'avoir dû compter 850 000$ en espèces.

Loin de régler la question, la Commission s'est enlisée dans une série de requêtes juridiques formulées par l'avocate de Martin Dumont, Me Suzanne Gagné. Elle estime que son client a été détenu illégalement et que ses aveux ont été faits sous la contrainte. La vidéo présentée hier après-midi devrait par conséquent être déclarée inadmissible.

Échanges corsés

Un bras de fer juridique s'est enclenché entre Me Gagné et la juge Charbonneau, le tout ponctué d'échanges très corsés. «Êtes-vous en train de me dire que je ne suis pas juste avec vous?», a lancé à un moment la présidente de la Commission. Quelques minutes plus tard, elle lui a donné un avertissement: «Je vais vous demander de baisser le ton.»

Poussant ses arguments à l'extrême, Me Gagné a demandé à la juge si elle accepterait d'entendre une preuve obtenue sous la torture. «On le voit [sur la vidéo] répondre aux questions et il n'a pas l'air sous l'effet de la torture, il n'a pas l'air détenu», a aussitôt répliqué France Charbonneau.

La juge a finalement accepté que Me Gagné contre-interroge le directeur des enquêtes de la Commission, Robert Pigeon, qui a mené l'interrogatoire du 11 décembre. M. Pigeon a assuré que Martin Dumont avait eu la possibilité de parler à son avocate et qu'on l'avait informé qu'il était libre de partir.

M. Pigeon a reconnu qu'il avait utilisé des techniques d'enquête en soumettant des hypothèses à l'ex-organisateur. M. Dumont a d'abord dit qu'il voulait protéger sa femme en attribuant à Alexandra Pion la plainte au sujet du comptage d'argent. Il a ensuite indiqué qu'il avait amalgamé plusieurs anecdotes en une seule. Enfin, il a fini par reconnaître qu'il avait tout inventé, a précisé Robert Pigeon.

Demande refusée

Me Suzanne Gagné a toutefois voulu aller plus loin que le contre-interrogatoire de Robert Pigeon et a demandé à interroger trois autres témoins: Martin Dumont lui-même, sa conjointe Celina Machado et son relationniste Luc Tremblay. La juge Charbonneau a cependant refusé cette demande; elle a estimé qu'elle avait tous les éléments en main pour établir la crédibilité du témoignage de l'ex-organisateur politique. Inviter de nouveaux témoins serait une perte de temps, selon elle.

Mécontente, Me Gagné a alors annoncé qu'elle s'adresserait à la Cour supérieure pour forcer la Commission à les entendre. En attendant la décision, le témoignage de Martin Dumont est suspendu.

Me Denis Gallant, qui a mené l'interrogatoire de Martin Dumont, s'est demandé si l'objectif de MeGagné était d'établir la crédibilité de son client ou de le protéger en cas de poursuite. Le procureur a d'ailleurs évoqué la possibilité que l'ex-organisateur soit éventuellement accusé pour parjure.

Retour à la barre

Le témoignage de Martin Dumont est loin d'être terminé. L'ex-organisateur doit revenir à la barre des témoins pour être contre-interrogé par l'avocat d'Union Montréal, Me Michel Dorval. Cette partie devra attendre la décision de la Cour supérieure.

Faubourg Contrecoeur: ordonnance de non-publication

La juge France Charbonneau a imposé une ordonnance de non-publication relativement au témoignage d'une policière ayant enquêté sur le scandale du Faubourg Contrecoeur. Elle a présenté sa décision comme une mesure «préventive» afin d'éviter de nuire au procès imminent des accusés.

L'ordonnance pourrait être levée en totalité ou en partie à la fin du témoignage si la Commission juge que les éléments révélés ne risquent pas de nuire au procès des accusés. Le témoignage de la policière Isabelle Toupin, de la Sûreté du Québec, amorcé hier, doit se poursuivre aujourd'hui.

L'avocat de Frank Zampino a demandé une ordonnance de non-publication, puisque les accusés dans cette affaire ont renoncé à leur enquête préliminaire - ce qui devance leur procès. En fait, ils doivent connaître la date de leur procès le 4 mars.

Outre Frank Zampino, les autres accusés sont Martial Filion, ancien chef de cabinet de l'ex-maire Gérald Tremblay, Bernard Trépanier, responsable du financement d'Union Montréal dans les années 2000, l'entrepreneur Paolo Catania, de même que Daniel Gauthier, André Fortin, Martin D'Aoust, Pasquale Fedele et Pascal Patrice. L'entreprise Construction Frank Catania et associés est aussi accusée.