L'omerta semble s'être imposée à la Ville de Montréal au cours des années 2000. De peur de perdre son emploi, le surveillant de chantier Michel Paquette a préféré taire le fait qu'un entrepreneur avait tenté de le corrompre en 2002.

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Il y a 10 ans, l'entrepreneur Tony Conte, de Construction Conex, lui a demandé s'il voulait faire plus d'argent. Michel Paquette a bien compris qu'il tentait de le corrompre. Satisfait de son salaire et jugeant suffisants les cadeaux qu'il recevait déjà, il a dit non.

Dès lors, Michel Paquette s'est douté que certains collègues recevaient plus que des bouteilles de vin et des billets de hockey. Mais, loin de les dénoncer, il a choisi de se taire, de ne pas rapporter l'incident à ses supérieurs.

«Même en disant non, j'avais une crainte. Je pouvais deviner qu'il se passait des choses autour de moi», a-t-il dit.

À la question de savoir s'il a eu peur pour sa sécurité, il a répondu qu'il avait plutôt eu peur de perdre son emploi. Il n'a toutefois pas bien expliqué pourquoi il craignait pour son poste alors qu'il n'avait rien à se reprocher.

Michel Paquette s'est par ailleurs dit surpris par l'ampleur des révélations faites devant la Commission. «À mon niveau, je ne pouvais pas deviner qu'il y avait de la collusion», a-t-il assuré.

En contre-interrogatoire, l'avocat Martin St-Jean, de la Ville de Montréal, a cherché à démontrer que le supérieur de Michel Paquette, Luc Leclerc, avait manipulé son travail. Les quantités notées dans plusieurs documents du surveillant de chantier ont été gonflées d'environ 10%.

Dans un contrat, Michel Paquette avait noté que 3783 mètres cubes de trottoirs avaient été aménagés. Sur le rapport de Luc Leclerc, on y a plutôt inscrit 4117 mètres cubes, un écart de 334 mètres cube.

Michel Paquette a précisé qu'il ne vérifiait pas si ses données étaient bien transcrites par l'ingénieur Luc Leclerc.

Suspendu depuis un mois et demi par la Ville de Montréal, sans solde depuis une semaine, Michel Paquette a expliqué hier que les coupes dans le personnel municipal avaient durement touché son équipe. À son embauche, en 1993, ils étaient 14 surveillants de chantier. En 2005, il n'y avait plus que lui. Débordé, il a dû faire confiance à certains entrepreneurs quand venait le temps de noter dans les travaux des imprévus qui pouvaient entraîner des suppléments de coûts.



Deux témoins-surprises

Depuis quelques semaines, la Commission d'enquête sur l'octroi des contrats dans l'industrie de la construction se concentre sur les activités de la métropole. Mais, ce matin, des «circonstances dont on ne peut parler publiquement» ont forcé les procureurs à faire une parenthèse.

C'est ainsi que la commission Charbonneau entendra aujourd'hui deux témoins surprises: un entrepreneur de Québec, Martin Carrier, et le policier Éric Vecchio.

Martin Carrier, de la compagnie Céramique Lindo, de Québec, s'était plaint en 2010 d'avoir reçu des menaces après avoir décroché un contrat dans un pavillons de l'Université de Montréal, en 2005. «On aimerait ça que tu ne viennes plus ici pour faire des travaux [...] parce que la prochaine fois, tu ne partiras pas d'ici», lui a dit Francesco Del Balso, un associé des Rizzuto. La conversation téléphonique, enregistrée par la GRC, avait été diffusée en 2010 sur les ondes de Radio-Canada.

Éric Vecchio esa déjà comparu devant la Commission pour décrire l'influence de la mafia sur l'industrie de la construction au Québec.

En attendant ces deux témoins, le surveillant de chantier Michel Paquette, de la Ville de Montréal, poursuit son témoignage.

Éric Vecchio est un policier qui a témoigné devant la Commisisson pour décrire l'influence de la mafia sur l'industrie de la construction au Québec.

En attendant ces deux témoins, le surveillant de chantier Michel Paquette, de la Ville de Montréal, poursuit son témoignage. Celui-ci a reconnu avoir reçu plusieurs cadeaux, notamment des bouteilles de vin et des billets de hockey.