C'est une ingénieure et vice-présidente de la firme de génie-conseil Roche, Mme France Michaud, qui a ouvert les coulisses du pouvoir à Lino Zambito en l'invitant dans l'entourage politique immédiat de la vice-première ministre du Québec, Nathalie Normandeau, à l'automne de 2006.

Lors de son passage devant la commission Chabonneau, en octobre, l'ancien entrepreneur en construction a affirmé avoir versé 3000$, en 2006, 6000$, en 2007, et 10 000$ l'année suivante, pour participer à des activités de financement du Parti libéral du Québec (PLQ), organisées par Roche, et auxquelles il fut invité par Mme Michaud.

Il y a un mois, les médias ont rapporté qu'en 2008, Lino Zambito avait envoyé des roses à la ministre Normandeau, en plus de l'inviter à assister à un spectacle de Céline Dion dans une loge corporative du Centre Bell, et ce quelques mois après avoir organisé en son honneur un dîner-bénéfice qui a rapporté 110 000$ au PLQ.

À plusieurs reprises, au cours de son témoignage, le procureur de la Commission, Me Denis Gallant, et la présidente, France Charbonneau, ont cherché à savoir quel était son intérêt à participer à de tels événements, et ce qu'il attendait en échange de ses généreuses contributions au PLQ.

M. Zambito a insisté pour dire qu'il s'agissait de «développement des affaires» et qu'«il n'y avait pas d'intérêt personnel. C'était plus, sincèrement, le "glamour" de dire: "j'organise de quoi et on va chercher de l'argent"».

Billets à vendre

Selon lui, à cette époque, les entrepreneurs en construction étaient constamment sollicités par les firmes de génie-conseil pour participer aux activités de financement politique, à 1000$ ou 2000$ par couvert.

«Les ingénieurs, on leur donnait 100 billets à vendre. Vers qui, vous pensez qu'ils se retournaient? Vers les entrepreneurs. On m'appelait: "Tu peux-tu m'en placer cinq, peux-tu m'en placer 10? Donne-moi un coup de main, puis sur le prochain chantier qu'on aura ensemble, je vais te donner un coup de main. Ça ne te coûtera rien de tes poches."»

Ces tractations courantes entre lui et des ingénieurs de sociétés de génie-conseil n'avaient pas toujours un objectif précis. Elles s'inscrivaient plutôt dans la continuité de ses liens d'affaires. «Je lui donne un coup de main, en général, puis éventuellement, l'ascenseur va revenir. C'était ma façon de faire.»

Une surprise

En 2006, relate ainsi M. Zambito, son entreprise vient de compléter un contrat à Boisbriand sur le boulevard Curé-Boivin, sous la surveillance de la firme Roche, quand il reçoit un appel de France Michaud, qui l'invite au cocktail de financement organisé par la firme de génie-conseil, pour la ministre Normandeau, à Québec.

«Eux (Roche), ils avaient des montants de financement à ramasser, ils avaient des obligations envers le Parti libéral. On m'a demandé si j'étais prêt à donner un coup de main.»

À la demande de Mme Michaud, il invite, à ses frais, deux personnes dont l'identité ne peut pas être révélée. Selon M. Zambito, Mme Michaud affirme même que la ministre fera une annonce d'intérêt pour ses invités au cours de cet événement partisan. Cette information se confirmera au cours de la soirée.

40 roses

Un an plus tard, alors que sa compagnie vient d'obtenir un contrat de 28 millions $ de la Ville de Boisbriand pour l'agrandissement d'une usine de traitement des eaux, dont les plans ont été produits par Roche, M. Zambito accepte une deuxième invitation de Mme Michaud à un souper-bénéfice du PLQ.

C'est au cours de cette soirée de l'automne 2007 qu'il propose à une responsable du financement au PLQ d'organiser lui-même un événement-bénéfice pour la ministre Normandeau, qui se tiendra à Laval, au début de 2008.

Quelques mois plus tard, ajoute M. Zambito, c'est par Mme Michaud qu'il apprendra aussi l'anniversaire prochain de la ministre Normandeau, à qui l'entrepreneur enverra un bouquet de 40 roses pour ses 40 ans.